Après 17 ans à la tête de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), le Sénégalais Jacques Diouf cédera, à compter du 1er janvier 2012, son poste au brésilien José Graziano Da Silva, élu dimanche à Rome, nouveau Directeur général de l'Organisation. Cette élection, acquise lors d'une séance spéciale tenue dans le cadre de la 37ème session de la conférence de la FAO, ouverte samedi en son siège dans la capitale italienne, fera de Da Silva le 8ème Directeur général de l'Organisation depuis sa fondation en 1945. Da Silva, qui devra assumer ses fonctions jusqu'au 31 juillet 2015, était en compétition avec cinq autres candidats, en l'occurrence Franz Fischler (Autriche), Miguel Angel Moratinos (Espagne), Indroyono Soesilo (Indonésie), Abdul Latif Rashid (Irak) et Mohammad Saeid Noori Naeini (Iran). L'élection de cet ancien ministre de la Sécurité Alimentaire et de la Lutte contre la faim (2003-2010) à la tête de la FAO a été obtenue au terme d'un vote qui, dès le premier tour, a vu les différents candidats se désister, l'un après l'autre, pour le laisser face à l'Espagnol Miguel Angel Moratinos, parti lui aussi favori en obtenant d'entrée 72 voix contre 77 pour le Brésilien. Lors du tour décisif du scrutin et grâce aux reports de voix qui s'opèrent traditionnellement en pareil cas, le candidat brésilien a confirmé son avance en recueillant 92 suffrages contre 88 pour l'ancien ministre espagnol des Affaires étrangères. Au total, ce sont donc 180 des 191 Etat membres de la FAO à avoir pris part à ce vote qui s'est déroulé au scrutin secret et selon la règle de la majorité des suffrages exprimés. Selon les textes régissant le vote, chacun des pays membres a une voix, quels que soient sa taille et le poids de ses contributions. Avant l'opération de vote, d'aucuns dans le camp favorable à Da Silva craignaient qu'il ne pâtisse du fait que, contrairement aux pays d'Amérique du Sud, ceux d'Amérique centrale, à l'image du Mexique, clamaient ouvertement leur soutien au candidat espagnol. "Aujourd'hui la FAO doit devenir un instrument politique et M. Moratinos a le profil pour ça", avait fait valoir l'ambassadeur du Mexique pour expliquer la position de son pays. Pour sa part, Moratinos partait handicapé par le fait que l'Europe n'ait pas pu se mettre d'accord sur un candidat unique. En accédant à la Direction générale de la FAO, José Graziano Da Silva devient le premier représentant de l'Amérique latine à diriger cette agence de lutte contre la faim. Cet économiste chevronné de 61 ans, qui était depuis 2006 représentant régional pour l'Amérique latine et les Caraïbes auprès de la FAO et sous-directeur général de l'organisation, incarne le programme brésilien de lutte contre la faim "Fome Zero" (Faim zéro), considéré comme un succès retentissant. "Faim zéro", qui mettait l'accent sur la participation de la société civile à ce programme et sur l'égalité hommes-femmes, a contribué à sortir 24 millions de personnes de l'extrême pauvreté en cinq ans et à réduire de 25 pc la sous-alimentation au Brésil. A l'échelle de la planète, la tâche du futur Directeur général s'annonce cependant autrement plus ardue, en raison des ravages de la faim qui frappe près d'un milliard de personnes dans le monde où un enfant meurt, toutes les six secondes, de problèmes liés à la malnutrition, relèvent les observateurs.
En première ligne pour combattre la faim, la FAO n'a eu de cesse de plaider pour la mise en place de mesures permettant d'augmenter la production agricole de 70 pc d'ici 2050, date à laquelle la population mondiale devrait dépasser les neuf milliards. Un objectif parmi d'autres pour lequel Da Silva a affirmé être déterminé à oeuvrer en priorité dans un climat de "consensus" qu'il appelle de tous ses voeux. "Avec les années, j'ai appris que l'on doit marcher ensemble, atteindre le consensus, pour réaliser les objectifs", a-t-il dit après l'annonce de son élection devant une assistance composée, du côté marocain, de Hassan Abouyoub, ambassadeur du Maroc en Italie et représentant permanent du Royaume auprès de la FAO, et Moha Marghi, secrétaire général du ministère de l'agriculture et de la pêche maritime. Présentant ses félicitations au nouveau directeur général, au nom du groupe des 77 dont il assure actuellement la présidence, M. Abouyoub a souligné la nécessité de la mobilisation de tous pour avancer dans les projets de réformes et en accroître l'efficacité. Cette élection est celle de l'amitié et la fraternité et non de la confrontation entre le Nord et le Sud, a souligné l'ambassadeur en mettant l'accent sur l'impératif d'unir les efforts pour gérer les priorités particulières à chaque région. "Combattre la faim est un exercice solidaire" a-t-il insisté en appelant à la préservation de l'esprit de coopération et de transparence qui a toujours marqué l'action de la FAO. En vertu d'une récente réforme de la gouvernance, le nouveau Directeur général restera en poste pour un maximum de deux mandats de quatre ans. Diouf aura, pour sa part, effectué trois mandats de six ans depuis 1994. Depuis la fondation de la FAO, sept Directeurs généraux se sont succédé à la tête de l'Organisation. Il s'agit de Sir John Boyd Orr (Royaume-Uni), de 1945 à 1948, Norris E. Dodd (Etats-Unis), de 1948 à 1954, Philip Vincent Cardon (Etats-Unis), de 1954 à 1956, Binay Ranjan Sen (Inde), de 1956 à 1967, Addeke Hendrik Boerma (Pays-Bas), de 1968 à1975, Edouard Saouma (Liban), de 1976 à 1993 et Jacques Diouf (Sénégal), de 1994 à ce jour. La 37ème session de la conférence de la FAO poursuit ses travaux jusqu'au 2 juillet avec la participation des délégués des Etats membres, dont le Maroc. Au nombre des participants, de nombreuses délégations sont représentées par des ministres et hauts responsables des départements en charge de l'alimentation et de l'agriculture. Outre l'élection du nouveau Directeur général, la conférence de la FAO doit adopter, mardi, une résolution proclamant officiellement que le monde a été libéré de la peste bovine, une maladie mortelle du bétail. Une plaque commémorative de cet événement avait été déjà inaugurée, samedi, au siège de l'Organisation. Les participants examineront également la situation mondiale de l'alimentation et de l'agriculture et le rôle des femmes dans le développement. La Conférence doit approuver aussi le Budget 2012-2013 de la FAO. Par ailleurs, la Commission européenne, la FAO, le FIDA et le PAM doivent signer, lundi, une déclaration d'intention sur la coopération programmatique sur la sécurité alimentaire et la nutrition afin d'harmoniser et de coordonner la mise en oeuvre de leurs objectifs liés à la sécurité alimentaire et à l'aide alimentaire humanitaire.