L'Orchestre de Fès sous la direction de Mohamed Briouel et la célèbre chanteuse sépharade Françoise Atlan ont inauguré, samedi soir à New York, la 4ème édition "spécial Maroc" du festival World Nomads, par un concert revisitant "Al Andalussyat", un genre musical, né de l'âge d'or de la cohabitation judéo-arabo-andalouse. Par Bouchra Benyoussef Placée sous le Haut Patronage de SM le Roi Mohammed VI, cette édition (30 avril-31 mai) est initiée par le "French Institute Alliance française" (FIAF) en partenariat avec l'"Association Essaouira-Mogador" et la "Fondation Esprit de Fès". Entamé par une "Nouba Istihlal", une balade aux tonalités gaies et entraînantes, suivi d'un programme mixé où le mystique et le profane se mêlent allégrement, le concert enchaîne ensuite sur la musique très raffinée de cour qui se jouait devant les haut dignitaires andalous. C'est devant un parterre de diplomates, de personnalités du monde des arts et de la culture mais également de New Yorkais curieux de découvrir un nouveau genre musical que l'ensemble dirigé par Mohamed Briouel et la cantatrice Françoise Atlan ont porté ces mélodies "très codifiées, mais en même temps, à la tonalité très festive qui en font un style musical accessible à un large public". Toutes les Sanaa (mélodies), empruntées au répertoire judéo-arabo-andalou, mais également aux chants d'exaltations à la gloire du prophète dans la pure tradition de Fès, constituent "un genre poétique qui se trouve dans l'inconscient de chaque Marocain", explique Françoise Atlan à la MAP. "C'est une musique qui parle au coeur de chacun", renchérit Mohamed Briouel qui évoque le succès du festival international de Bergen en 2000, pourtant devant un public en majorité Norvégien. De même, dans la salle +Florence Gould+ du FIAF, où les deux grands artistes se produisaient à guichets fermés, un public très éclectique, bercé par la voix angélique de Françoise Atlan, accueillait avec bonheur ce genre musical (le Matrouz), où s'entrecroise plusieurs langues (Arabe, Hébreu, Latin, judéo-espagnol) et musiques (judéo-arabe, maghrebo-andalouse, médiévale). Une note d'espoir : Salam, Shalom Le mélange judéo espagnol enchaîné par de subtiles sanaa a été très présent dans le répertoire proposé au cours de la soirée car "il s'inscrit dans le même mode". +Boushra Lana+ tout comme +Ya salio de la Mar+ qui évoque les noces espagnoles, par exemple, ont la même thématique, souligne Mohamed Briouel. "On ressent de la gaieté aussi bien dans la tonalité que dans le choix des mots", dit-il. Pour Françoise Atlan, Fès cristallise cette richesse de la musique arabo-andalouse et témoigne de cette période particulière où les gens cohabitaient, communiaient, dialoguaient et surtout faisaient de la musique ensemble. Une occasion, pour elle, de montrer cette diversité de +Al andalussyat+, un programme sur lequel elle travaille depuis plus d'une dizaine d'années avec Mohamed Briouel. C'est à partir de 1993, qu'elle va à la rencontre du Maroc, rencontre quelques années plus tard son Mentor Mohamed Briouel et fait son apprentissage de la musique arabo-andalouse. "Arrivée chez Briouel, j'ai mis de côté ma formation à l'école européenne. J'ai appris de maître à élève. Je me considère avec mon maître", dit-elle avec humilité, sans cesse émerveillée par la tradition musicale médiévale andalouse qui "transcendent le temps et l'espace". Un langage musicale, "unique et uniforme" né de l'âge d'or de la cohabitation entre les trois religions. L'originalité du travail avec Mohamed Briouel, c'est justement ce retour aux sources pour "donner un nouveau souffle" à cette musique ancestrale qu'elle interprète de sa voix claire et limpide avec un style et une technique unique en leur genre, où transparaissent ses multiples influences culturelles. Entraînant son public dans cette balade autour du patrimoine vocal de la Méditerranée, elle ne peut s'empêcher, toutefois, d'avoir une pensée pour sa ville d'adoption Marrakech, et de conclure son concert sur une note d'espoir en interprétant "Salam, Shalom".