Le Conseil français du Culte musulman (CFCM), instance représentative des musulmans de France, a annoncé jeudi qu'il ne participera pas au débat sur la laïcité qui illustre une "fâcheuse tendance qui place l'islam au coeur de nombreux débats" en France. "Le CFCM ne compte pas participer à ce débat", a déclaré le président du Conseil, le Marocain Mohamed Moussaoui, devant des représentants de la presse française et internationale accréditée à Paris, soulignant l'opposition du CFCM à cette initiative "strictement partisane". A l'initiative du président Nicolas Sarkozy, le parti UMP (droite, au pouvoir) a décidé de débattre à partir du 5 avril du thème de la laïcité en France, qui vise en fait selon ses détracteurs, à droite et à gauche, de remettre sur la scène médiatique la place de l'islam et des musulmans en France. Au cours d'une conférence de presse du bureau exécutif du Conseil, M. Moussaoui s'est défendu de parler de "boycott", puisque le CFCM n'a pas reçu d'"invitation formelle" de la part des initiateurs du débat. "L'UMP n'a jamais sollicité le Conseil pour participer", a-t-il affirmé. "Le Conseil s'estime dans son propre droit de ne pas participer tant que la réunion est organisée par un parti politique", a-t-il souligné, en réitérant les inquiétudes des musulmans de France quant à l'opportunité de cette initiative qui risquerait d'"ouvrir les portes des dérives et des malentendus, à l'instar du débat sur l'identité nationale" organisé et enterré l'année dernière après des dérapages visant les musulmans. M. Moussaoui a exprimé son "incompréhension face à ce traitement disproportionné des questions liées à la pratique religieuse musulmane, alors même que ces questions ne sont pas les plus prioritaires pour les Français dans leur ensemble, particulièrement dans ces moments difficiles". Il a réitéré l'"attachement indéfectible" du CFCM au principe de laïcité qui est "une chance pour les musulmans de France puisqu'il place tous les citoyens dans une stricte égalité de droits et de devoirs, indépendamment de leurs convictions religieuses ou philosophiques". "Les musulmans de France en ont marre d'être les boucs émissaires des problèmes de la société", a déploré, pour sa part, Anouar Kbibech, secrétaire général du CFCM. "Ils veulent être traités comme des citoyens à part entière et non comme des citoyens entièrement à part", a souligné M. Kbibech, également président de la Fédération des musulmans de France (RMF), l'une des principales composantes du CFCM. De son côté, Abdellah Zekri, représentant de la Grande Mosquée de Paris et chargé de mission au CFCM, a dénoncé une démarche électoraliste, en appelant "à la conscience des hommes politiques pour revenir" sur cette décision. "Ce n'est pas en attaquant les musulmans qu'on va récupérer des voix", a-t-il dit. "L'épisode de l'identité nationale n'aura donc pas servi de leçon aux islamologues en herbe", a-t-il déploré, en référence au débat enterré l'année dernière après des dérapages visant principalement les musulmans de France. Revenant sur la rencontre que le ministre de l'Intérieur, chargé des Cultes, Claude Guéant, a tenue mercredi avec le CFCM, M. Moussaoui a déclaré que le Conseil "prend acte des propos rassurants de M. Guéant". Au cours de cette réunion, M. Guéant avait confirmé la tenue du débat, tout en exprimant "la volonté du Gouvernement de veiller à son bon déroulement dans le strict respect de la loi de 1905 et du principe de laïcité". Ce débat doit "permettre à tous les croyants, y compris musulmans, de vivre leur foi de façon sereine", avait déclaré M. Guéant, dont les propos ont été transmis à la MAP par son cabinet. Le CFCM a rappelé lors de cette réunion les précédents dérapages nées du débat sur l'identité nationale, a indiqué M. Moussaoui, notant que le ministre "n'a pas exclu qu'il y aient des dérapages et des expressions individuelles inconsidérées malgré toutes les précautions prises" dans le cadre du nouveau débat. Le débat a été critiqué par des ténors de la majorité de droite, et même le Premier ministre, François Fillon, et le ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, et les présidents des deux assemblées parlementaires, de la même mouvance politique, ont émis des réserves. A gauche, l'initiative de l'UMP a été fustigée, la qualifiant d'opération de récupération politique ayant un but électoraliste, en concurrence avec la démarche de l'extrême droite stigmatisant les étrangers et particulièrement les musulmans en France.