La confection d'un ballon de football dure plus longtemps qu'un match. Ceci démontre bien la difficulté de ce métier. Mais une poignée de jeunes déficients mentaux, qui ont élu domicile dans un stand installé dans le hall du Palais des Congrès de Marrakech à l'occasion du Congrès mondial de Special Olympics, sont là pour prouver qu'avec la volonté, rien n'est impossible. Par Ali Refouh Assemblant minutieusement hexagones et pentagones, sous l'Œil prévenant de leur maître artisan, ces jeunes, bénéficiaires d'un programme initié dans le cadre du partenariat entre Special Olympics Maroc et la Ligue marocaine pour la protection de l'Enfance, deux institutions présidées par SAR la Princesse Lalla Amina, sont devenus les coqueluches des participants à ce congrès, interpellés par le fruit de leur travail qui n'a rien à envier à celui effectué par tout autre ouvrier. Cette entreprise est d'autant plus valeureuse que ce métier demande de la force, de l'adresse et de la patience (la confection d'un ballon demande en moyenne deux heures à un ouvrier expérimenté), autant d'aptitudes qui devraient, en temps normal, constituer de vrais défis pour une personne mentalement déficiente. Fabriquer un ballon symbolise ainsi, pour ces jeunes, tous les obstacles qui se dressent devant l'insertion professionnelle et sociale des personnes déficientes mentales et la lutte menée par plusieurs institutions et mouvements, dont Special Olympics, pour permettre l'épanouissement de cette frange de la société. C'est dans ce sens qu'intervient le choix de ce métier, placé au centre d'un programme complet qui consiste à initier les jeunes déficients mentaux à l'apprentissage d'un métier nécessitant une habilité manuelle adaptée à leurs capacités physiques et mentales et qui permet aux bénéficiaires de continuer à pratiquer le sport dans le cadre des programmes de Special Olympics Maroc, à participer dans des activités parallèles (excursions, peinture, musique) et à suivre des cours d'éducation non formelle pour lutter contre l'analphabétisme et développer leur connaissance dans différents domaines, en plus de l'échange de visites avec les jeunes venus d'autres institutions. Ainsi, ces ballons fabriqués par ces jeunes déficients mentaux résument toute la philosophie de Special Olympics qui a pour principal objectif d'aider ces personnes à être des individus productifs et respectés, en leur donnant l'opportunité de développer leur capacité physique, de montrer leur talent et courage et d'exprimer leur joie à travers des compétitions sportives et des programmes d'insertion sociale (éducation, formation, santé, jeunesse, leadership). L'impact de ce programme, initié depuis les débuts de Special Olympics Maroc en 1994, est visible et dépasse largement le côté purement professionnel, pour s'étendre à l'état d'esprit général des bénéficiaires, devenus plus sûrs d'eux-mêmes et plus ouverts sur leur entourage, et à leur vision de la vie. "J'apprends très vite, il ne m'a pas fallu trop longtemps pour maîtriser ce métier et égaler même mon maître", lance avec assurance Hassan, un des bénéficiaires de ce programme. "Pour moi l'handicap ne compte pas, je me sens comme toute autre personne", indique ce jeune handicapé mental qui pratique trois disciplines sportives (la natation, l'athlétisme et le tennis), ajoutant qu'"il suffit d'avoir de la volonté, avoir confiance en soi et croire en Dieu pour réussir dans la vie". "C'est le désespoir qui est le plus grand handicap", affirme-t-il avec la conviction d'un homme averti et un regard innocent qui dit toute la joie d'une personne qui se sent, enfin, utile. Après tout, le bonheur est un métier, il s'apprend.