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Son Excellence le Gouverneur et les chiens errants
Publié dans Maghreb Observateur le 12 - 03 - 2012


par Taoufik Bouachrine
Les Marocains qualifient cela de « plaisanteries grasses » et la coutume politique veut que ces propos insultants et de basse facture relèvent de l'irresponsabilité morale… nonobstant l'appréciation populaire générale qui rejette ce type de boutades qui portent atteinte à la dignité des personnes, soient-elles ministres ou non.
Elargissons maintenant le champ de réflexion et essayons de comprendre ce qui a poussé le gouverneur de Sa Majesté, « rien de moins », à se départir du bon goût, de la morale et de la réserve qui doivent être les siens, et sans prendre garde à quiconque ou personne. Il faut reconnaître que la majeure partie des agents d'autorité ont de tous temps méprisé, et méprisent encore, les hommes politiques, les urnes, la démocratie et l'ouverture… se considérant comme la véritable, et seule, autorité au Maroc, et que les dahirs royaux auxquels ils doivent leurs nominations les prémunissent contre toute poursuite et en font les véritables représentants de l'Etat. Les élus de la nation au parlement, au gouvernement et dans les conseils locaux ne constituent plus alors que des entités symboliques, n'étant là que par nécessité, car le Maroc a besoin d'une vitrine démocratique qui masque la réalité d'un « Makhzen » omnipotent que Messieurs le wali, gouverneur, le pacha, la caïd et les grands directeurs de l'Intérieur s'évertuent à renforcer, à renouveler et à prémunir contre toute adversité démocratique…
Observez donc les façades de la wilaya ou de la préfecture, et comparez les à celles des locaux des conseils élus ; scrutez les équipages des walis et gouverneurs et leurs apparats, comparativement à ceux des maires et autres élus, lorsque tout ce monde parcourt les viles… Tout porte à montrer que le wali et le gouverneur sont les véritables patrons des régions… Pourquoi donc s'étonner que le gouverneur de Sidi Bennour, Jamaleddine Merimi, celui-là même qui avait empêché l'année dernière Mustapha Ramid de distribuer des aides médicales aux enfants de la région, trouve une « ressemblance entre un ministre d'Etat et un chien errant ». Heureuse initiative que celle, donc de Mohand Laenser qui a révoqué le gouverneur, et louée soit cette réaction de Mohammed VI lorsqu'il a dit à son ministre de l'Intérieur qu' »il n'est permis à aucun responsable ou fonctionnaire, quelle que soit sa fonction, son rang ou ses responsabilités, de porter atteinte à la dignité et à l'honneur d'un membre du gouvernement ».
Cet incident doit interpeller le gouvernement et les élites parlementaires et politiques, dans leur ensemble, à revoir l'étendue des pouvoirs confiés à ces agents d'autorité, au détriment en général des représentants des citoyens, ainsi d'ailleurs que l'avait planifié l'ancien ministre de l'Intérieur, Driss Basri et, avant lui, le Résident général du Protectorat.
Alors qu'il est en voie de mettre en place la législation devant réglementer la régionalisation, Abdelilah Benkirane doit garder à l'esprit que ce sont les urnes qui se trouvent à la base de toute démocratie représentative, que la gestion démocratique des collectivités locales a été instaurée en principe constitutionnel, exactement comme l'islam, la monarchie ou l'intégrité territoriale…
Le système bicéphale voulant la cohabitation entre élus et agents d'autorité doit désormais prendre fin. Le maire d'une ville doit en être le plus haut magistrat, quelle que soit l'étendue de son expérience ou le niveau de son instruction… car c'est lui qui est responsable devant la loi du royaume et devant la justice des hommes… et c'est lui que les électeurs jugeront dans les urnes, le temps faisant le reste… Mais qu'un wali ou un gouverneur devienne le patron absolu d'une ville, sans contrôleur ni censeur, alors c'est à tous les Marocains qu'il trouvera un air de famille avec les chiens, avant de les traquer comme il fait avec ces mêmes chiens, et peut-être même pire…


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