« Tel est pris qui croyait prendre » : le cas du PAM Les élections du 25 novembre ont cela de merveilleux et de particulier : elles contiennent messages et des enseignements significatifs et livrent même une morale politique et éthique. Dans un pays comme le notre où la maxime, l'adage, l'anecdote, le proverbe constituent une source d'inspiration et une soupape salutaire, il n'est pas abusif de recourir à un genre littéraire, la fable, pour rendre compte du climat qui domaine aujourd'hui la scène politique. Deux fables « l'Arroseur arrosé » et le « Rat et l'huitre » se prêtent parfaitement à la démonstration. Depuis juin 2008, le PAM (Parti Authenticité et Modernité) donne l'impression d'être une fidèle réplique de la terrible méduse de la mythologie grecque, qui transformait tout (en pierre) sur son passage. Sa prétention de recomposer, de repenser, de remodeler, de redéfinir et de redessiner la carte et le jeu politiques confirme cette impression ; il est devenu du fait le spectre à abattre. Une première victoire (élections communales du 12 juin 2009) emportée avec 21,7% des sièges, devant le PI, le MP, le RNI et le PJD, lui donne l'illusion de dominer le jeu politique et le renforce dans ses certitudes et sa stratégie de conquête totale et rapide du pouvoir. Sans bornes et surtout sans précaution, le PAM commence alors à labourer en profondeur jusqu'à drainer de toutes sphères politiques et de tous milieux des personnes et des groupes divergents tentés avant tout par l'huitre reluisante que le PAM leur tendait avec la promesse d'une victoire assurée. Devenu, à quelques semaines d'une échéance électorale capitale (législatives du 25 novembre), un G8 multiforme et multicolore, le PAM ne pouvait qu'attirer haine et rejet sur sa structure et ses dirigeants. L'intelligence et la volonté d'un peuple attaché à sa singularité, mais, en même temps, désireux de sortir d'une ère caractérisée par des pratiques politiques et électorales d'un autre temps, a fait le reste. Moralité, le PAM voulant la victoire à tout prix, ignorant la volonté populaire, l'a appris à ses dépens : « Tel est pris qui croyait prendre » disaient les fabulistes (Esope et La Fontaine). « Le Rat et l'huître » : le cas du vote par procuration Autre enseignement, autre fable : le vote par procuration Cette trouvaille cynique -plus que juridique- proposée aux MRE comme un cadeau empoisonné et en guise de provocation, fait penser à cette autre fable de La Fontaine (Livre VIII), « Le Rat et l'huître ». En résumé, un rat dépourvu d'expérience, déserte son petit monde champêtre et paisible pour le grand monde et l'aventure. Devant un tas d'huitres, croyant trouver « bonne chère », il se mit à rêver et à saliver. Mais « l'Huître tout d'un coup Se referme, et voilà ce que fait l'ignorance ». L'ignorance dans le cas des MRE ne peut à elle seule tout expliquer. Peu de responsables marocains ignorent en effet les attentes (culturelles, cultuelles, politiques…) et les espoirs des MRE (exercice des droits civiques). Mais, pour des raisons, qui restent à analyser, certains d'entre eux s'évertuent à les minimiser voir même à les combattre. Moralité, la procuration s'est enfermée brutalement comme l'huître sur les doigts de tous ceux qui pensaient avec malice et jubilation manipuler la volonté des MRE et jouer avec leurs droits : 2 voix par procuration sur 847 bureaux et aucun vote par procuration dans 400 bureaux de vote observés. Ainsi, « Tel est pris qui croyait prendre ». Mais, comble de l'ironie et de l'impunité, ceux qui sont derrière cet échec, ceux qui n'ont pour raison d'être, d'exister et de toucher salaire que de nuire aux intérêts MRE, n'ont tiré de ce malheureux résultat ni enseignements, ni humilité (reconnaître ses erreurs est une vertu). Ils sont toujours là, s'ingéniant même à dénicher, dans de veilles malles moisies, d'autres parades et subterfuges pour détourner l'attention de la seule voie qui vaille : exercice direct de la citoyenneté et la jouissance effective des droits constitutionnels. Le plus rassurant dans cette affaire, c'est que l'huître ne restera pas éternellement ouverte, ce n'est pas possible. Tôt ou tard elle se décidera de se refermer, et là !!! En guise de conclusion Ce qui est fondamental aujourd'hui, pour le PJD comme pour l'opposition parlementaire, c'est de ne pas se contenter de décrire les maux de la société marocaine, mais de les éradiquer. D'importantes franges de cette même société se trouvent dans l'urgence et l'attente (chômage, précarité, exclusion des systèmes d'éducation et de santé…) et il est urgent et impératif que leurs cas et difficultés deviennent pour le gouvernement-PJD, des priorités absolues. De même, il ne s'agit plus de se satisfaire de dire et de créer « plus jamais ça», de lever les étendards, rouges ou verts, de la lutte contre la corruption, la tyrannie, le clientélisme et le favoritisme, mais d'avoir l'audace et le courage politiques de prendre les mesures juridiques et techniques (lois organiques) adéquates pour rendre réels et vivants les valeurs et les principes que le texte constitutionnel propose. C'est cela le sens du vote du 1er juillet et du pacte électoral et politique que le peuple marocain (ou ses 45%) a voulu contracter le 25 novembre avec le PJD. C'est probablement par ce chemin qu'il faut passer pour combattre l'ignorance, la pauvreté et l'injustice, pour promouvoir les droits humains, pour lever tout déni de droit et toute atteinte aux libertés publiques, peu nous importe le statut de la personne, du groupe (social ou ethnique) ou de la région concernés. Mais, puisqu'un déni de droit est un déni de droit (et un chat et un chat), il n'est pas excessif d'interpeler de nouveau le PJD et son gouvernement sur le cas des 5 millions de marocains établis à l'étranger : A quelle sauce gouvernementale seront-ils cuisinés ? Que vont devenir les quatre articles (16-17-18-163) les concernant, que la Nouvelle Constitution leur reconnait solennellement ? Que va devenir le CCME (article 163), dont le mandat arrive à échéance à la fin de ce mois de décembre ? A quel parti de la coalition va échoir la direction du Ministère-MRE et avec quels pouvoirs et moyens ? L'honnêteté intellectuelle impose aussi, et à ce propos, de « rendre à César ce qui est à César » et d'avoir une pensée sincère pour le Ministre des MRE sortant, et ses collaborateurs ; une approche intelligente et des réalisations importantes et utiles sont à mettre à son actif. Bien évidemment, beaucoup reste à faire en la matière, notamment dans des domaines aussi essentiels que la culture, l'enseignement, la défense des causes nationales à l'étranger (par les ONG-MRE), la promotion et la défense des droits économiques et sociaux des MRE dans les pays d'accueil comme dans leur propre pays. A bon entendeur …. Auteur : Mohammed MRAIZIKA (Chercheur en Sciences Sociales et en Ingénierie Culturelle) Paris le 17/12/2011