C'est le cas à Francfort, Berlin, Munich ou encore Kassel. A Cologne, la municipalité qui vient de donner son feu vert pour la construction début 2009 d'une mosquée dans le quartier d'Ehrenfeld, est sous le feu de vives critiques. Certaines personnalités n'ont pas hésité à entrer dans l'arène. Comme l'écrivain Ralph Giordano - il a protesté contre ce qu'il considère être «une démonstration de force de l'islam» -, ou l'auteur Günter Wallraff - il a proposé de lire dans les locaux de l'actuelle mosquée des extraits des "Versets sataniques" de Salman Rushdie. Mais le maire chrétien-démocrate de la ville, Fritz Schramma, a défendu le projet de mosquée contre son propre parti : «Il ne doit pas naître de sociétés parallèles», a-t-il déclaré. Il est vrai que la communauté musulmane a accepté que les deux minarets qui se dresseront vers le ciel soient moins élevés que la cathédrale - 55 mètres contre 157. Malgré cette précaution, les opposants ne désarment pas. Pro Köln, un petit parti d'extrême droite, a rassemblé 23'000 signatures contre le projet et appelle à manifester le 20 septembre prochain à Cologne. Tout le spectre de l'extrême droite européenne y est invité pour un «congrès contre l'islamisation», de Jean-Marie Le Pen à Filip de Winter, du Vlaams-Belang belge. «Un bâtiment aussi tape-à-l'oeil ne contribue pas à l'intégration, et il y a de toute manière suffisamment de lieux de prières musulmans dans la ville», affirme Markus Wiener, l'un des responsables de cette organisation. Pourtant, sur près de 900 lieux de prières musulmans, seuls 206 sont des édifices représentatifs avec minaret ou coupoles, selon l'institut d'archives sur l'islam basé à Soest. «Les gens s'inquiètent dès lors que l'islam devient visible alors que les politiques ne cessent de réclamer davantage de transparence», martèle Aiman Mazyek, le secrétaire général du conseil central des musulmans d'Allemagne. Des travaux du sociologue Wilhelm Heitmeyer, de l'université Bielefeld, attestent d'une augmentation de l'islamophobie outre-Rhin. Un phénomène qui tend à se propager dans les milieux cultivés. Selon les analyses du sociologue, près de 27 % des Allemands affichent un rejet explicite des musulmans; 35 % des Allemands sont pessimistes et critiques à leur égard. «Les efforts doivent se faire des deux côtés, la société allemande tout comme les organisations musulmanes doivent apprendre à gérer ces conflits», souligne l'expert. Duisbourg peut indiquer la voie à suivre. Fin octobre, cette cité de la Ruhr va inaugurer dans son quartier de Marxloh la plus grande mosquée d'Allemagne : l'édifice d'inspiration byzantine, surmonté d'un minaret de 34 mètres, pourra accueillir jusqu'à 1'200 croyants. Du début à la fin, la mise en oeuvre du projet n'a suscité aucune controverse. Les initiateurs de la mosquée de Marxloh ont fait preuve d'une grande ouverture au dialogue. «Ils ont coopéré très tôt avec les autorités locales», raconte M. Mazyek, avec la mise sur place d'un conseil composé de musulmans, de représentants des Eglises, des partis politiques, des écoles, des universités et des habitants du quartier. Ils avaient également pris soin de maintenir le clocher de l'église la plus proche bien plus élevé que le minaret de la mosquée de Marxloh. Un bien maigre prix à payer, si cela permet de rassurer et d'apaiser les esprits.