Diego Maradona, 47 ans, était un footballeur unique. Il est aussi unique quand il arbore un tatouage de Fidel Castro sur le mollet droit, un de Che Guevara sur le biceps gauche et une croix catholique sur le torse. Tel apparaît, fier et fanfaron, le génie argentin du foot dans le documentaire que lui consacre Emir Kusturica, projeté à Cannes, en présence du footballeur, mardi 20 mai. Il sortira en salles le 28 mai. Ce n'est pas un film de football. Ce n'est pas une enquête. La patte graphique de Kusturica, deux Palmes d'or, se voit peu. C'est un film sur le dieu vivant, la dévotion qu'il suscite encore en Argentine, en Serbie, à Cuba et à Naples, ville à laquelle il a redonné de la fierté en remportant deux titres de champion d'Italie, en 1987 et 1990. Les scènes les plus folles montrent une Eglise maradonienne, à Buenos Aires, vouée au culte du footballeur. A la presse, mardi, Emir Kusturica, enfant émerveillé, confiait : "C'est toujours lui qui est au centre de l'attention. Je pense que son corps sécrète une sorte de substance chimique." Les journalistes ne l'ont pas contredit en se ruant, photos à la main, vers la star pour des autographes après la conférence. Le film montre encore la transformation d'un corps, du gamin qui jongle avec le ballon jusqu'à l'épave humaine bouffie par la drogue. Ou encore le militant contre "l'impérialisme" et "cette poubelle humaine" de George W. Bush. "Ecouter les idées de Diego, c'était comme retrouver un ami perdu", affirme Kusturica. "TEL UN PAPARAZZO" Le documentaire s'appelle Maradona par Kusturica. Autant dire que le cinéaste serbe est aussi présent que son sujet. On le voit taper (bien) dans le ballon, embrasser son ami argentin, jouer de la guitare. Sa voix off est omniprésente. "Il y a des raisons à cela, plaisante-t-il. Il y a des moments où je ne trouvais pas Diego à Buenos Aires. Alors je remplissais la pellicule." Comme dans une scène stupéfiante, lorsque, "tel un paparazzo", il attend la star au bas d'un immeuble. Cette dernière surgit, tombe dans les bras de Kusturica et se dirige vers… sa voiture, sous le regard déconfit du cinéaste. Ce film vaut pour ses entretiens. Le sens de la formule de Maradona, souvent démagogique, est aussi foudroyant que ses dribbles. Le but qu'il marque de la main, lors de la Coupe du monde en 1986, contre l'Angleterre – cinq ans après la guerre des Malouines –, "c'est comme si j'avais volé un portefeuille à un Anglais". Il martèle : "Le ballon ne se salit pas." Ou encore : "Quel joueur j'aurais pu être si je n'avais pas été accro à la cocaïne." Sa femme n'est pas en reste : "On me demande souvent comment Diego s'en est sorti, jamais comment moi je m'en suis sortie." source:le monde