Le retard jusqu'ici observé dans la constitution d'un nouveau gouvernement pose problème. Et il a bien fallu qu'il y ait un coup d'accélérateur pour réhabiliter ne serait-ce que la dimension temporelle et donner ainsi un sens à la bonne gestion de la chose publique. En vertu de Ses prérogatives constitutionnelles et partant du souci de Sa Majesté de dépasser la situation d'immobilisme actuelle, le Souverain a décidé de désigner une autre personnalité politique du Parti de la Justice et du Développement en tant que nouveau Chef du gouvernement. Il va sans dire qu'avec cette nouvelle désignation, les choses vont bouger d'une manière ou d'une autre pour aboutir à la formation d'une majorité gouvernementale qui, nécessairement, sera appelée à rattraper le temps perdu. Pour ne pas dire rompre avec un attentisme qui perdure depuis plus de 5 mois déjà et qui est pour le moins compromettant, tant pour ce qui est de la bonne conduite de la machine économique que pour la visibilité, qui lui est tant nécessaire. Nul besoin de trop s'étaler sur les dommages collatéraux qu'engendre une telle situation. A titre d'exemple, l'on se contentera de rappeler qu'aujourd'hui, le Maroc ne dispose toujours pas de Loi de Finances, l'un des textes qui, entre autres, et au-delà de la perception de l'impôt, autorise l'Exécutif à engager des dépenses publiques relativement conséquentes dans les limites d'un équilibre économique et financier censé être préalablement défini et fortement corrélé à une politique budgétaire fortement engagée. D'aucuns n'ignorent que le seul fait que l'on ne dispose pas jusqu'ici de Loi de Finances va retarder tant les investissements publics que ceux privés. Du coup, et partant du simple fait que les relais de croissance sont de plus en plus restreints et que depuis plus d'une dizaine d'années déjà, l'économie marocaine est, essentiellement, tirée par la demande intérieure, il va sans dire que tout retard observé au niveau de la dépense et/ou de l'investissement public se traduirait nécessairement par d'énormes manques à gagner tant au niveau des opérateurs qui basent l'essentiel de leur activité sur la commande publique qu'au niveau des opportunités d'emploi qui y sont associées. Nul besoin de rappeler, à ce titre, que les ministres actuellement en poste ont pour simple attribution de gérer les affaires courantes et assurer la continuité des services publics sans être pour autant habiletés à engager de gros projets à grande portée. Cinq mois d'arrêt c'est déjà beaucoup et l'économie marocaine ne peut se permettre le luxe de continuer de naviguer à vue. Les effets d'entraînement engendrés par les investissements afférents aux grands projets d'infrastructures et/ou de mise à niveau risquent d'être compromis et les anciens prestataires des marchés de l'Etat, nécessitant des dérogations spéciales, se trouvent gravement retardés par certains retards de paiement, risquent d'être fortement pénalisés ainsi que ceux, de moindre taille, qui tournent autour et qui doivent quand même faire face à des charges fixes et à des dépenses courantes. Chose qui, logiquement, amènerait les délais de paiement à se prolonger dans tous les circuits de l'économie. A défaut d'assise financière solide et en l'absence d'application systématique des intérêts moratoires faute de paiement à temps, il va sans dire que les petites structures ne peuvent résister à de pareilles situations. Et c'est d'ailleurs ce que confirment des chiffres jusqu'ici disponibles traitant des défaillances des entreprises. Lesquelles défaillances, afférentes notamment aux petites structures, se comptent, ces derniers mois, par plusieurs centaines et concernent essentiellement les petites entités opérant dans les BTP, le commerce et les services. Une situation que ne peuvent combler d'éventuels nouveaux prestataires qui, en guettant plus de visibilité et d'opportunités d'investissement à venir, attendent ce que apporteraient les jours à venir. Une sorte d'attentisme qui, faute d'interlocuteurs gouvernementaux, affecterait aussi les opérateurs étrangers désireux d'investir ou procéder à des placements dans le Royaume. Si cette situation perdure, il va sans dire qu'il finira par engendrer une paralysie économique qui, à son tour, accentuerait des déficits déjà accumulés à plusieurs niveaux. Et la pluviométrie favorable qui annonce les premiers signes d'un bon déroulement d'une campagne agricole jusqu'ici favorable, ne peut à elle seule jeter les bases d'une croissance forte et durable tant que le taux d'évolution du PIB non agricole continue toujours de faire du surplace et tant que, faute de cohérence et dynamique d'harmonie globale de l'ensemble des politiques sectorielles, la séquence grands chantiers-investissements publics-croissance risque d'être sérieusement compromise C'est l'avis de nombreux spécialistes en la matière. C'est l'avis aussi de nombreux intervenants qui insistent sur une bonne inclusion socioéconomique et une meilleure promotion de l'emploi. Autrement, et à en juger par les derniers chiffres produits, ce sont prés de 5,3 millions de Marocains, dont deux tiers de ruraux, qui risquent de replonger dans la pauvreté du fait de la précarité de leur situation économique et sociale. En pareille conjoncture, le Maroc ne peut se permettre le luxe de renforcer les rangs des démunis, des vulnérables ou des laissées-pour-compte.