En accueil à ce petit recueil de poésie et de prose profanes ,»Cante Jondo en El Feddán (Homanaje a Chari Expresati Pecino)», Ed. F.T.L., Tétouan, 2016, paru en proue au spectacle abrité le Teatro Español de la cité, une première animée par la Compañía Expresati de Baile Flamenco, de San Roque, ouvrage dédié par l'auteur Ahmed Mohamed Mgara, en hommage à Chari Expresati Pecino, l'idole espagnole du flamenco, art musical danse et chant, du XVIIIe siècle, créé par le peuple andalou, sur la base d'un folklore populaire issu des diverses cultures, dont celle des Arabo-andalous, au long des siècles en Andalousie, s'est, instantanément, préfiguré dans mon esprit la figure de Federico Garcia Lorca (1899-1936), celui dont G. Ciriot et M. Darbord disent : « On a beaucoup parler de Lorca africain (v. Lorca marocain) ou gitan. [...] Son Andalousie est bien la terre du Cante Jocondo [...]. En réalité, elle est toute l'Espagne.» - «Littérature espagnole européenne », Ed. Armand Colin, 1956, pp.188-190. En « Preámbulo » (préambule), A. M. Mgara annonce d'emblée : « Cette œuvre, en prose et poésie, est écrite spécialement pour servir de lieu d'inspiration et d'accompagnement à la représentation de la Compañía Expresati de Baile Flamenco aussi magnifique que dirige notre amie Chari Expresati Pecino de la belle localité de San Roque (Cadiz). », p.1. Avec un accent plein de nostalgie, reliant passé et présent de la place el Feddan de Tétouan au flamenco (au Teatro Español avoisinant), il souligne un peu plus loin : « Le but a effleuré le flamenco dans sa seconde terre, à Tétouan, dans la nostalgie marquant la place d'el Feddan, abandonnée il y a trois décennies, en fait l'auteur, dans une interprétation affective du flamenco dans sa perspective hispanique totalement vivante qui affecte tout Espagnol qui peut se fonder dans les us et coutumes artistiques de sa terre natale. », ibid. Il met en exergue la fraternité de l'œuvre du poète de l'idole du flamenco en indiquant : « Chari et Mgara, chacun de par son affinité expressive prétend donner un ton de fraternité dans ce mélange de poésie, de musique et de bal gracieux à la magistrale interprétation de « Las Niñas » (des fillettes) de Chari. », ibid. L'ouvrage poétique de Mgara compte une vingtaine de poèmes et vers en prose portant chacun en titre l'hommage à un artiste du flamenco (1903-2016), à savoir : Miguel Poveda (1973-), Vicente Amigo (1967-), Manolo Caracol (1909-1973), Niña Pastori (1978-), Rocío Márquez (1987-), Diego el Cigala (1968-), Estrella Morente (1980-), Poco Lucía (1947-2014), Chano Lobato (1927-2009), Jocé Mercé (1955-), Pepe Marchena (1903-1976), Chari Expresati (vers 1956-) , Camarón (1950-1972), Paco Cepero (1942-), Narjanjito de Triana (1933-2002), et de poètes écrivains (Lole Montoya (1954-), Enriqué Morente (1942-2010), José Sarria Cuevas (1920-2013), etc. A titre d'exemples, citons entre autres quelques strophes consacrées à : + « A Miguel Poveda » : « De la Maestranza l'âme/ les vers, de riche naïf,/ se font vifs avec flammes// L'arène est mélodie/ de la couleur de chaque jour/ et le soleil lui donne sa couleur », p.3. - « A Vicente Amigo » : «Mes joies et mes soupires,/ s'entremêlent avec les pèlerins// se font or les odeurs/ de rares parfums basanés// dans, mon Andalousie bourgeonne/ avec mille vers et aspirations », p. 4. - « A Manolo Caracol » : «Rouge, Tétouan, la sultane,/ et San Roque , le basilic. Robe couronne dorée.// D'or laurier d'argent/ apporte le verger morisque/ flamenco avec fiel et miel », p. 5. - « A Niña Pastori » : «Fillette, marche, sur une terrasse/ castagnettes sonnant avec ardeur,/ vibre le corps avec pointe et talon// Joies et accélérations/ par cette rue tu t‘en vas sonnant/ avec art, magie et célérité », p.6. - « A Lole Montoya » : «Regardez-moi cloué dans/ les yeux comme une épée/ vous dansez avec votre fée// Tétouan, lys elle vous offre/ par l'art qu'elle mérite/ un grand piédestal vous fait. » , p.18. - « Alma de Enrique Morente » : « ... Lagune andalouse qui imprègne ma prose de beautés profanes et que le muezzin a donné à la corde du clocher, disent les cendres de mes aïeux qui me manquent, autant que me manque la brise grenadine ; dont rêve la neige de la Sierra et dont, mon âme, enterrée entre les sédiments des paumes d'une gitane. « Sacré et eau bénite légendaire que fonde en un soleil embrasé les cœurs des rives lointains rappelant Grenade, dans Tétouan, attendant sa sœur bienaimée. », p.19. Pour conclure, je ne trouve pas mieux à dire pour saluer cette belle œuvre flamenco-poétique interculturelle par excellence, que de souscrire à cette pensée de Georges Heneine : «Tout au début de son essai sur Ibn Arabi, Charles Duits inscrit cette phrase d'un penseur arabe : Vérité, nous t'avons pas trouvée./ C'est pourquoi, de notre danse, nous frappons le sol. » - « L'esprit frappeur : Carnets 1940/1973 », Ed. Encre, 1980, p.131.