L'accord inter-libyen a suscité un réel espoir. Autant les premiers concernés que les spécialistes de la question libyenne, ont été nombreux à considérer que l'accord arraché dans la ville de Skhirat, près de Rabat, le 17 septembre 2015, allait constituer le point de départ d'une véritable réconciliation inter-Libyens et du processus d'édification du nouvel Etat, ainsi que des efforts de sortie de crise et de l'état de chaos sécuritaire, économique et social, dont les affrontements ont plongé le pays. L'accord de Skhirat devait enclencher le processus de transition vers des lendemains meilleurs pour les Libyens. Un vent d'optimisme soufflait en ce mois de septembre sur tous ceux qui étaient animés de bonnes intentions et qui aspiraient à la stabilité de ce pays maghrébin, malgré les obstacles qui restaient à surmonter et les difficultés qui persistaient sur le chemin de l'implémentation et de la mise en œuvre des dispositions de l'accord, en raison notamment des complications de la situation en Libye, à la fois d'ordre militaire, politique et politico-militaire, ou encore tribal, voire, surtout, des influences et intérêts opposés de puissances étrangères. Le Maroc a toujours considéré que la stabilité de la région maghrébine et son développement demeurent étroitement liés à la stabilité et à la sécurité de chacun des cinq pays de cette région. C'est dans cette optique que le Maroc a répondu favorablement à l'appel des frères libyens et s'est engagé avec responsabilité dans la recherche d'une issue à la crise libyenne, s'appuyant sur la volonté témoignée par le peuple libyen, toutes tendances et catégories sociales confondues et capitalisant sur les premières initiatives de paix ayant balisé la voie pour des négociations officielles, alors même que le scepticisme dominait au sujet de l'issue de la crise libyenne. Il s'agissait notamment de l'initiative de la Fondation suisse Mohamed Benjelloun qui avait inauguré la première rencontre directe entre des personnalités libyennes représentant les quatre régions de ce pays, et ce, au moment où la majorité des villes libyennes vivaient dans un climat de tension, de bouillonnement et de bombardements. Malgré tous les efforts déployés depuis la signature de l'accord de Skhirat, que ce soit à travers des rencontres directes en Libye même ou par l'intermédiaire d'efforts de médiation individuelle, en vue de rapprocher les positions souvent opposées des uns et des autres et de faire dissiper les craintes et prétentions diverses au sujet de certaines dispositions de l'accord, la mise en œuvre politique et constitutionnelle de cet accord trébuche toujours. Une telle situation engendre désormais de l'inquiétude dans de nombreux milieux libyens, qui craignent que l'espoir suscité par l'entente de Skhirat ne soit mort-né et que le fossé ne se creuse davantage entre les différentes parties concernées, hypothéquant encore plus l'avenir de la Libye, sa sécurité et sa stabilité. Seule note d'espoir, une lueur d'optimisme que dégage certains analystes et observateurs, habitués des processus de réconciliation politiques dans des cas de conflits armés. Ces analystes qualifient la situation de blocage actuel de normale et persistent à dire que l'accord de Skhirat est toujours vivant et fort. Pour eux, cet accord demeure la solution et l'unique issue adaptée aux spécificités de la crise libyenne. Pour convaincre aussi bien les pessimistes et ceux qui doutent que ceux qui craignent pour la survie de l'accord de Skhirat, les analystes et observateurs avisés répondent que les efforts de médiation se poursuivent et que le processus de paix est toujours en cours pour garantir l'opérationnalisation de l'accord de Skhirat et pour surmonter les obstacles qui entravent une telle opérationnalisation. Preuve en est la dynamique qui caractérise les missions ininterrompues de l'émissaire onusien en Libye, M. Martin Cobler. Preuve en est également les multiples signaux positifs émis par le Maroc qui a joué et joue toujours un rôle pivot et stratégique dans les efforts de règlement de la crise. Parmi ces signaux, le message de félicitation adressé à Sa Majesté le Roi Mohammed VI par le Président du Parlement libyen, Akila Saleh, à l'occasion de l'anniversaire de commémoration de la Marche Verte, ou encore les multiples messages, autant clairs que codés, contenus dans l'allocution de M. Akila à la Conférence du Parlement africain tenue dans l'enceinte du Parlement marocain au début du mois de novembre de cette année 2016. Il est à signaler que l'implication et l'engagement du Président du Parlement libyen, M. Akila Saleh, dans l'accord de réconciliation et dans l'approbation de la composition du gouvernement d'entente nationale dirigé par M. Fayez Serraj, constituent l'élément facilitateur de base pour la mise en œuvre de l'accord de Skhirat. A cela s'ajoute le fait que c'est M. Fayez Serraj, l'autre personnalité clé dans l'équation libyenne, qui a représenté la Libye aux travaux du Sommet du climat, la COP22 à Marrakech, Sommet dans lequel dominaient, certes, les questions de l'environnement, mais sur un fonds des préoccupations politiques, notamment lors des entretiens de M. Fayez Serraj avec les responsables aussi bien marocains qu'autres, en marge des travaux de la COP22. La simultanéité de ces deux événements, visite au Maroc du Président du Parlement Libyen et celle du Président du Gouvernement de réconciliation nationale, bien que se situant dans des agendas différents, serait à interpréter, selon les analystes, en tant que volonté de réaffirmer et de reconfirmer le rôle pivot de Rabat dans son soutien sans faille à la question libyenne, ainsi que le souci constant du Maroc de mener à bon port l'accord de Skhirat. La deuxième donne, également de première importance, réside dans les développements que connaît la situation en Libye avec, notamment, la prise de conscience du grand danger que représente la menace des combattants de l'Organisation dite Etat islamique pour la ville stratégique de Syrte, au carrefour des régions de l'Est et de l'Ouest du pays. L'EI menace de s'emparer du croissant pétrolifère en vue de renforcer ses troupes et sa présence et s'emparer de nouveaux territoires à la suite de ses déboires militaires en Irak et en Syrie. Le spectre de ce danger pèse et devrait peser sur les positions des différentes parties libyennes impliquées dans la crise et les pousser à revoir leurs calculs politiques. Il est désormais impératif pour l'avenir de la Libye que les Libyens unissent leurs forces et leurs moyens et qu'ils conjuguent leurs efforts face à Daêch, l'ennemi commun et véritable. Cela passe par leur réconciliation et, donc, par la mise en œuvre de l'accord de Skhirat.