L'ex-Premier ministre François Fillon, fort de son projet «radical» pour la France, part favori pour le dernier tour de la primaire de droite dimanche face au «libéral-social» Alain Juppé et espère se placer ainsi en pole position pour la présidentielle de 2017. Face à une gauche impopulaire et divisée, le vainqueur de ce scrutin a toutes les chances, selon les sondages, d'être élu président en mai face à la chef de l'extrême droite Marine Le Pen. «La primaire de dimanche prochain, en vérité, tout le monde le sent bien, c'est le premier tour de l'élection présidentielle», a souligné vendredi l'ex-Premier ministre Alain Juppé, en se présentant comme le candidat «libéral-social» face à l'»hyperlibéral» François Fillon. Lors du dernier duel télévisé de cette primaire inédite dans l'histoire de la droite française, l'ampleur des réformes qu'ils préconisent a dominé les débats, sans grand éclat. M. Fillon, porteur d'un projet aux accents thatchériens, a accusé jeudi soir son rival de ne «pas vouloir vraiment changer les choses». Selon un sondage après l'émission, M. Fillon a été jugé le plus convaincant par 57% des téléspectateurs, contre 41% pour son rival. Les derniers sondages promettent au favori une victoire avec 65% des suffrages. L'enjeu du scrutin a suscité une mobilisation importante au premier tour dimanche dernier, avec 4,3 millions de votants dans les quelque 10.000 bureaux de vote ouverts pour l'occasion. Longtemps considéré comme un outsider, François Fillon, 62 ans, a créé la surprise en recueillant plus de 44% des suffrages avec son programme très libéral en économie et conservateur sur les questions de société. M. Juppé, 71 ans, est arrivé loin derrière (28%) alors qu'il a fait la course en tête pendant des mois dans les sondages. Autre coup de tonnerre: l'ancien président Nicolas Sarkozy, 61 ans, a été sèchement éliminé. Pour tenter d'»inverser la vapeur», Alain Juppé a sorti les gants dans l'entre-deux-tours. François Fillon est un «ultralibéral» dont le programme n'est «pas crédible», voire «brutal», a-t-il asséné en référence à la promesse de son rival de supprimer un demi-million de postes de fonctionnaires en cinq ans. «C'est vrai que mon projet est plus radical, peut-être plus difficile», a concédé l'intéressé jeudi soir. Il fait preuve d'une «complaisance excessive» envers le président russe Vladimir Poutine, a aussi accusé Alain Juppé. Il tacle aussi un rival «traditionaliste», qui a émis des réserves personnelles sur l'avortement compte-tenu de sa foi catholique et bénéficie de soutiens d'opposants au mariage gay et même d'une partie de l'extrême droite. Refusant d'être «caricaturé en conservateur moyenâgeux», François Fillon ne s'»excuse pas d'avoir des valeurs», a-t-il souligné, se posant en victime d'un «petit microcosme» bien-pensant. Alain Juppé lui a rappelé jeudi avoir été lui-même l'objet d'une «campagne absolument ignominieuse». Certains sites et les réseaux sociaux le surnomment depuis des mois «Ali» Juppé, le caricaturant en «grand mufti de Bordeaux», proche des islamistes. Chantre d'une «identité heureuse», il refuse de céder à la «peur» face à l'islam. Alors que son rival a dit jeudi refuser une vision «multiculturaliste» de la France, Alain Juppé soutient que «l'identité de la France c'est d'abord la diversité» des origines, des couleurs de peau, des religions. Dans leur parti, plusieurs voix ont dénoncé un climat électrique entre les deux tours. «Compétition oui, division non», a plaidé Laurent Wauquiez, président par intérim des Républicains Ces débats ont également des répercussions à gauche. Environ 15% des électeurs du premier tour étaient de gauche, selon des estimations, la plupart désireux d'écarter leur bête noire, Nicolas Sarkozy. Une fois cet objectif accompli, certains comptaient s'en tenir là, mais la percée de François Fillon, qu'ils perçoivent comme un ultralibéral réactionnaire, en a remobilisé une partie. Quelle que soit l'issue du scrutin, il sera suivi d'une accélération dans le camp socialiste, qui prévoit d'organiser à son tour une primaire en janvier et demande aux prétendants de se déclarer avant le 15 décembre. L'impopulaire président François Hollande n'a pas encore fait savoir s'il comptait briguer un second mandat, mais semble voir d'un bon oeil la victoire annoncée de François Fillon, dont le programme fait figure de «chiffon rouge» pour les électeurs de gauche, selon ses proches.