L'Europe et l'Afrique du Nord sont des économies synchronisées reliés par de nombreux canaux de transmission. La forte proximité des deux zones créé de facto une forte synchronisation de leurs économies, au niveau des échanges commerciaux, des investissements directs étrangers, des transferts de fonds des migrants et du tourisme. Toutefois, cette proximité n'a pour l'instant pas été mise au profit d'une réduction des écarts de revenus entre les deux zones. Les fortes inégalités de revenus entre l'Europe et l'Afrique du Nord continuent de drainer des populations fuyant des zones d'instabilités ou à la recherche de perspectives meilleures. Toutefois, l'Afrique du Nord serait devenue ces dernières années davantage un lieu de passage des migrants vers l'Europe (notamment la Libye), plutôt qu'un point de départ. Face à des politiques migratoires plus restrictives (en dehors de l'Allemagne), d'importants flux de retours ont été constatés lors de la crise économique en Europe faisant monter le chômage, comme pour le cas du Maroc. Ces retours sont même ainsi venus s'ajouter aux nouveaux entrants sur le marché du travail. L'Europe est devenue le premier continent d'immigration, et cette pression devrait continuer à s'accentuer du fait des violences et des conflits qui se poursuivent à ses frontières. En 2015, le nombre de réfugiés et migrants s'est élevé à près de 400.000 personnes selon l'Agence des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR). Ces personnes auront emprunté des voies maritimes périlleuses en Méditerranée. En 2016, ce nombre pourrait atteindre jusqu'à 450.000 personnes selon le HCR. A long terme, bloquer et empêcher physiquement ces flux migratoires n'est pas une option viable. L'attention s'est davantage portée sur des réponses à court terme dans le domaine sécuritaire, et pas suffisamment sur la nécessité de réduire les inégalités entre les deux rives. En particulier, le fossé en termes de PIB par habitant s'est creusé de manière continue entre l'Europe et l'Afrique du Nord depuis les années 1970 . La perspective de meilleurs revenus au nord constitue un facteur important de migration. Ainsi, chaque année l'Europe accueille 1,5 millions de migrants réguliers, contre un nombre estimé autour de 300.000 migrants irréguliers (276.113 en 2014 selon la Commission européenne). La question migratoire régulière entre l'Afrique du Nord et l'Europe a fait l'objet d'accords mutuels, toutefois ceux-ci risquent de ne plus être adaptés aux objectifs de développement des deux rives. Dans le cadre des accords d'association avec le Maroc, la Tunisie et l'Egypte notamment, l'UE garantit un traitement national aux immigrants en règle au plan des conditions de travail, des salaires et des mises à pied, ainsi que la portabilité des droits de sécurité sociale et de retraite. En contrepartie, des accords de réadmission des citoyens entrés illégalement sont en vigueur, ainsi que la réadmission d'immigrants illégaux originaires d'autres pays ayant transité par le territoire de ces pays signataires (BAD, 2014). La gestion de la question des migrations n'est pas encore pleinement intégrée aux stratégies de développement économique des pays de la rive sud et les opportunités demeurent sous-exploitées. Les pays de la rive sud auraient tout intérêt à améliorer la capacité à rapatrier les compétences nécessaires à la montée en gamme de leurs économies, particulièrement dans le cadre des chaines de valeur régionales. Jusqu'ici, cette problématique de fond n'a pas reçu l'attention suffisante afin de développer des activités économiques permettant une amélioration notable des revenus.