Cheikh Tidiane Gadio, Président de l'Institut panafricain de stratégies, envoyé spécial de l'OCI en Afrique et ancien ministre sénégalais des affaires étrangères: « Maroc-UA, un leadership inspiré de Sa Majesté le Roi Mohammed VI » « L'Afrique s'entête à vouloir régler le jihadisme Etat par Etat » En marge de la conférence internationale sur le thème « Vision su Roi Mohammed VI pour le co-développement », organisée le 22 juillet par le Groupe le Matin, dans un grand palace de Casablanca, Cheikh Tidiane Gadio, Président de l'Institut panafricain de stratégies, envoyé spécial de l'OCI en Afrique et ancien ministre sénégalais des affaires étrangères, a bien voulu répondre aux questions de L'Opinion. Dans cet entretien, le conférencier salue le retour du Maroc au sein de l'Union africaine qu'il considère comme une consécration du leadership de Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Pour ce qui est de la lutte contre le jihadisme, le diplomate sénégalais avertit que c'est une grosse erreur que de vouloir traiter cette question individuellement Etat par Etat. L'Opinion : La conférence internationale sur le thème « Vision su Roi Mohammed VI pour le co-développement » intervient dans un contexte particulier. Il s'agit du retour du Maroc au sein de l'Union Africaine. Quelle analyse faites-vous de cette manifestation ? Cheikh Tidiane Gadio : Il est important de souligner ici qu'il y a deux aspects qui ont caractérisé cette conférence internationale. Il s'agit d'abord de l'offensive économique et diplomatique du Maroc dans le continent puis l'offensive politique avec la décision souveraine de son retour dans l'Union Africaine. Le Maroc est membre fondateur de l'UA et actionnaire, comme tous les autres pays d'Afrique, de cette union. C'est une décision de sagesse et de leadership inspiré par SM le Roi Mohammed VI. Elle n'a été faite sous aucune pression pour régler ainsi un problème que les autres pays du continent n'ont pas pu faire. D'ailleurs, dans mon pays le Sénégal, nous avons, à maintes reprises, lancé plusieurs appels en disant que si le Maroc ne fait pas parti de l'Union Africaine c'est une partie de l'Afrique que nous mettons hors du continent. Et nous ne devons pas le faire. Le Maroc, en Afrique, est solidaire sur tous les plans : la paix, la sécurité, le co-développement, l'éducation et la formation. Il est intervenu au Mali, en RCA et sur d'autres fronts pour le maintien de la paix sans être dans l'Union africaine. Nous devons donc tout faire pour ramener le Maroc dans le giron de l'Union africaine. Pour ma part, c'est du pléonasme que de dire le Maroc appartient à l'Afrique. Mieux, c'est le même Etat qui a pris la décision, sans état d'âme avec le leadership de Sa Majesté, de revenir à l'UA. Nous ne pouvons donc qu'applaudir. L'Opinion : Pour revenir au thème de la conférence, que doivent faire aujourd'hui les pays africains pour que le co-développement soit un partenariat gagnant-gagnant ? Cheikh Tidiane Gadio : Il faut le reconnaitre que le co-développement est très facile à dire mais très difficile à faire car le domaine de l'économie c'est celui de la compétition et des intérêts. A ce propos, l'ancien Premier ministre malaisien, Mahathir Ibn Mohamad, disait à ses interlocuteurs ou partenaires : « combien je gagne chez vous et combien vous gagnez chez moi ? ». Pour tout dire, il gagnait, à l'époque, quelques milliards de FCFA au Sénégal alors que celui-ci ne gagnait que 26 millions de FCFA, soit 50.000 dollars. Sa réaction fut nette et sans ambiguïté : c'est inacceptable et d'ajouter « vous avez beaucoup de ressources exploitables que la Malaisie a besoin et comment donc les opérateurs malaisiens soient agressifs pour faire des milliards de FRCAF alors que vous vous atteignez à peine 50.000 dollars ? » C'est une démonstration élémentaire mais plein d'enseignements de ce que devrait être le co-développement. Il s'agit plus d'une volonté politique que d'avoir de bonnes relations avec pays frères et amis africains. Il est dans l'intérêt du Maroc que des entreprises africaines soient florissantes en Afrique et des entreprises africaines se développement au Maroc. En effet, quand ce partenariat est unilatéral cela se termine toujours par des critiques et de tensions. Il faut donc que le co-développement soit un développement solidaire où chacun pourra trouver son compte pour ne pas dire ses intérêts. L'Opinion : Vous êtes à la tête de l'Institut panafricain de stratégie au Sénégal. Partant de ce constat, quels sont aujourd'hui les défis d'une bonne formation pour éviter le chômage à la jeunesse du continent ? Cheikh Tidiane Gadio : Il y a la formation universitaire ou académique. Ce que nous faisons, c'est plutôt beaucoup de recherche. Il y a actuellement des jeunes de l'ECAO (l'école citoyenne de l'Afrique de l'Ouest) qui sont entrain de se former à Dakar. Ils se retrouvent pour discuter et échanges sur des sujets concernant le continent. Chaque fois que cela est nécessaire, nous amenons des groupes d'experts mondiaux pour orienter les jeunes car le premier problème des Africains c'est celui de leadership. L'Afrique a tout pour aller de l'avant, l'Afrique a tout pour se développer. Aujourd'hui, nous sommes victimes de la plus grande crise sécuritaire sur le continent. Nous sommes fragilisés, nous sommes vulnérables et en même temps le défi du leadership n'est pas encore relevé. Au sein de notre Institut, nous attelons à relever ce challenge. Car en développant le leadership africain, nous création l'esprit de la compétitivité, le goût de l'entreprenariat et d'investissement. L'Opinion : Vous tenez beaucoup à la paix. Quelle doit être la stratégie de l'Afrique pour gagner la lutte contre le jihadisme ? Cheikh Tidiane Gadio : Le problème c'est que l'Afrique s'entête à vouloir régler le jihadisme individuellement Etat par Etat. Or je l'ai toujours dit que cela ne marchera jamais. Il faut une mutualisation des informations, des forces, une union des Etats pour y parvenir. Malheureusement, depuis plus de 56 ans, nous répétons les mêmes erreurs. Comme disait l'autre, l'erreur est humaine mais persister dans l'erreur est diabolique.