Au lendemain de l'annonce du Brexit, l'Union européenne se réveille avec sa gueule de bois et les interrogations sur son avenir. Samedi, les ministres des Affaires étrangères des six membres historiques se sont rencontrés à Berlin pour préparer le premier sommet européen sans la Grande-Bretagne, qui se tiendra mercredi, avec, parmi les priorités, éviter l'effet domino et l'implosion de la communauté. L'Union Européenne peut-elle imploser ? Le Brexit est-il le premier domino d'une longue chaîne ? En prenant la décision de quitter l'Union Européenne, le Royaume-Uni a montré aux 27 que cette option était possible. Reste à savoir si d'autres emprunteront cette voie. Les partis nationalistes de plusieurs pays, Front National français en tête, ont réclamé un référendum similaire. « Malgré les poussées populistes, aucun pays ne prendra le risque de refaire un vote, estime Jean-Dominique Giuliani, président de la fondation Robert Schuman. Ils voient déjà apparaître les premières difficultés outre-manche : les Ecossais veulent partir, l'Espagne veut récupérer Gibraltar, les Irlandais la partie nord de l'île... ». Même les plus eurosceptiques, à l'instar du Hongrois Viktor Orban, se sont prononcés contre le Brexit. Selon un sondage Odoxa pour ITélé et Paris Match, 64 % des Français veulent rester dans l'UE. Cela n'empêche pas qu'un Français sur trois serait tenté de reproduire le coup de tonnerre britannique. Toutefois, il faut bien distinguer entre « l'euroscepticisme, qui est une critique de tel ou tel aspect de l'Union Européenne, et l'europhobie qui consiste purement et simplement à vouloir partir », explique Thierry Chopin, chercheur associé au Centre de recherches internationales (CERI) de Sciences Po. Et de fait, selon ce même sondage, ils ne sont que 31 % à voir dans l'organisation une « source d'espoir ». Vers une Europe à deux vitesses ? Le Royaume-Uni a toujours été, au sein de l'Union européenne, une voix dissidente. Le Brexit pourrait être exploité pour relancer le projet européen, là où notamment les Britanniques étaient frileux, comme la zone euro ou la question d'une armée européenne. François Hollande a appelé vendredi l'Europe à « un sursaut » et un « changement profond » pour faire « évoluer la construction européenne ». Le sommet européen qui se tiendra mercredi sans David Cameron sera probablement l'occasion, non seulement de discuter des modalités du « divorce », mais également de donner l'impulsion d'une nouvelle organisation. Reste à savoir dans quelle direction. De nombreuses voix se sont élevées en faveur d'une Europe resserrée, autour du couple franco-allemand. Emmanuel Macron a ainsi réclamé une Europe à deux vitesses. « C'est déjà une réalité, assure Thierry Chopin, d'un côté l'Europe des 28, bientôt 27, de l'autre celle de la zone euro. En revanche, avec le Brexit, nous sommes face à deux options : soit aller vers un noyau dur dans lequel la France et l'Allemagne jouent un rôle majeur, soit au contraire réaligner les deux niveaux d'intégration. » L'UE doit-elle se recentrer sur certaines missions ? Au-delà même de l'architecture, ce sont les missions de l'Union européenne qui pourraient être repensées. Le scepticisme britannique avait longtemps bloqué la question d'une défense commune. Leur sortie pourrait offrir l'opportunité de ramener la question sur la table des discussion des « 27 » et de s'y pencher sérieusement. « Il est nécessaire d'entrer dans une période de clarification et de redéfinition des missions essentielles de l'union européenne », estime Thierry Chopin. La crise des migrants, les attentats... ont montré la porosité des frontières européennes et la faiblesse des moyens de contrôle sur les questions de sécurité. «Plutôt que d'être dans une logique d'inflation de la régulation, il faut se recentrer sur des missions essentielles», assure-t-il. Mais dans ce cas, Bruxelles devra-t-elle faire sienne les thèses des extrême droite européennes sur l'immigration et la sécurité ? Faut-il réorganiser les institutions ? Tout au long de la campagne, les partisans du « Leave » ont dénoncé l'opacité et la toute-puissance des institutions européennes. « Cette question sera à plus ou moins long terme dans le projet de rebond, avec notamment un débat sur une assemblée de la zone euro, un parlement avec davantage de contrôle...», estime le président de la fondation Robert Schuman.