Des critiques de cinéma ont débattu lundi du "paradoxe linguistique" dans le cinéma marocain, en marge de la 22-ème édition du Festival international du cinéma méditerranéen de Tétouan (FICMT) (26 mars-2 avril). Intervenant lors d'une table ronde, organisée en marge de cette édition, sous le thème "le cinéma marocain et les problèmes du langage", trois critiques de cinéma, du Maroc, de la Tunisie et de l'Espagne, ont souligné que le cinéma marocain est confronté à une conjoncture linguistique inextricable qui émane, paradoxalement, de la richesse et de la de diversité de ses dialectes locaux (arabes et berbères), avec une présence forte des langues française et espagnole dans le discours cinématographique. Les participants ont ainsi souligné l'importance de la langue de l'image, du dialogue du silence et de l'économie linguistique dans le 7ème art marocain, relevant que la relation du locuteur marocain à l'arabe classique, aux dialectes existants et au français oscille entre acceptation et rejet. S'exprimant à cette occasion, le chercheur espagnol, Javier Estrada, a présenté une étude sur le cinéma et la femme marocaine, la domination du silence et du rythme de la musique du rap, la structure poétique dans la narration et l'attachement à l'identité. Pour sa part, l'académicien tunisien, Kamal Bnounas, a souligné que chaque réalisateur détient un langage propre à lui, notant que le développement qu'a connu le cinéma marocain durant les deux dernières décennies a débouché sur deux courants liés à l'approche et au langage choisis par chaque réalisateur. Le premier courant consiste à exposer le problème de la mémoire et sa relation avec les années difficiles dans plusieurs films, dont "jawhara bent el hais", "dakira moaatakala" (mémoire détenue) de Jilali Ferhati, et "Mouna saad" et "nisf samae" (moitié du ciel) d'Abdelkader Lagtaa, a-t-il noté, relevant que ce courant repose sur un discours cinématographique qui traite des questions sociétales. Concernant le deuxième courant, a-t-il poursuivi, il porte sur le traitement du "moi" dans le choix des thèmes des films, dont les long-métrages "Bay bay suerte" de Daoud Oulad Sayed et "Tinja" de Hassan Gazouli, dans lesquels les personnages sont marginalisés, exilé et obligés à lutter pour survivre et maintenir vivant leur espoir. Quant au critique de cinéma marocain, Mohamed Chouika, il a fait un exposé sur "le discours oral dans le cinéma marocain, le cas du dialogue" dans lequel il a souligné que la multiplicité linguistique du Maroc a fait des frais d'attitudes empreintes de défiance, alors qu'elle offre des opportunités énormes, issues du patrimoine séculaire national, soulignant l'impératif que l'industrie cinématographique se met au service de ce multilinguisme fécond et permet l'entrée du cinéma marocain dans la cour des grands. Il a ainsi mis l'accent sur le rôle que joue le cinéma marocain dans le traitement des questions qui préoccupent la société marocaine. M. Chouika a souligné que de nombreux scénarios de films marocains ont été écrits en français puis traduits en arabe dialectal. Un tel enchevêtrement linguistique et communicationnel porte préjudice à la qualité de l'œuvre cinématographique, sa cohérence, son esthétique, son attractivité et à sa réception, notant, toutefois, que la recherche d'une langue véhiculaire pour le cinéma marocain, afin qu'il puisse conquérir le spectateur arabe serait une véritable "gageure". Il a ainsi assuré que le cinéma est un langage indépendant, qui repose avant tout sur l'image, le dialogue et le discours cinématographique, qui nécessite d'être analysé.