Dans le cadre de l'atelier sur la performance scolaire des enfants des marocains résidant à l'étranger, on a rencontré deux militantes associatives, l'une en Italie et l'autre à Barcelone, en Espagne, qui nous ont parlé de certaines réalités vécues par les femmes et les enfants de migrants dans le pays d'accueil. L'atelier, qui s'inscrit dans le cadre de l'approche participative adoptée par le ministère chargé des marocains résidant à l'étranger et des affaires de la migration, a réuni dix-huit représentants d'associations de MRE, actives dans le soutien scolaire dans les pays d'accueil. Et ce, pour débattre, sur la base d'une étude, lancée par le ministère en octobre 2015, pour diagnostiquer la performance scolaire des enfants MRE et pour définir des mesures d'accompagnement, durant leur scolarité, au niveau de pays d'accueil ciblés. A savoir, l'Allemagne, l'Espagne, la France, la Belgique, l'Italie, les Pays-Bas, l'Algérie et la Côte d'Ivoire. Mme Adlani Rachida, Présidente de l'association « Les rayons de soleil » en Italie, vice-présidente du Forum de la femme marocaine en Italie Enseignante de la langue italienne en Italie, Mme Adlani fait également des recherches en ce qui concerne l'intégration de la femme marocaine. L'émigrée marocaine en Italie porte en elle plusieurs problématiques, relatives à un bagage culturel, diamétralement opposé au pays d'accueil et au défaut de la langue. Elle n'arrive pas à trouver sa place dans la société italienne. La situation de la femme marocaine en Italie est précaire et le fait de ne pas connaitre la langue pose problème, surtout pour son intégration, pour la recherche d'un emploi, pour tisser des relations avec son entourage et le milieu social dans lequel elle vit et pour ses déplacements, ne serait-ce que pour faire le marché ou vaquer au quotidien. Depuis sa fondation en 2001, l'association organise des cours de formation linguistique et culturelle pour les femmes marocaines. Mais aussi des séances de comportements et de savoir faire, sur la manière de nouer des relations, de parler aux enseignants de leurs enfants ou se procurer ce dont elles ont besoin. Mais ce qui est le plus remarqué, c'est qu'il y a beaucoup de résistances de la part de la femme marocaine. Elle a peur de perdre ce bagage culturel qu'elle a ramené de son pays d'origine et se charge, par tous les moyens, de le transmettre aux enfants. Des fois, on assiste à des isolements de femmes marocaines, ce qui se répercute sur leur psychique et induit certains problèmes de santé tels que l'obésité. Au sein de l'association, il s'avère parfois difficile, de transmettre certaines informations très utiles, du fait qu'elles prennent à la légère certaines thématiques. La deuxième génération fait honneur. Plusieurs jeunes filles poursuivent leurs études universitaires. Il y eut même des récompenses nationales pour des chercheuses, des doctorantes, mais c'est très récent. Dans le cadre des recherches faites par le forum de la femme marocaine, un petit livret a été élaboré dans lequel ont été recensées les compétences féminines marocaines en Italie. Le constat est que, en dehors des problématiques, il y a un pourcentage assez réduit de femmes marocaines qui occupent des hauts postes de responsabilité, comme femmes chefs d'entreprises ou leaders dans des partis politiques. S'agissant des enfants de RME, ils ont beaucoup de difficultés à poursuivre leur scolarité. Une étude auprès des écoles a permis de distinguer une double personnalité des enfants. A la maison, la famille exige qu'ils soient des marocains, à l'extérieur, à l'école, ce sont des italiens, alors qu'en réalité ils ne sont pas traités comme tels. Ces enfants ont un problème d'identité. Ils n'arrivent pas à déterminer où ils se trouvent. L'entourage est italien et ne les reconnait pas comme autant. Surtout que, des fois, la famille n'est pas bien préparée pour suivre le parcours scolaire, ni apte pour tranquilliser ses enfants et leur dire : « Vous êtes marocains dans une réalité italienne et vous devrez quand même y grandir sereinement en essayant d'avoir les mêmes opportunités que les autres ». On n'a malheureusement pas, tout le temps ; l'appui des familles pour aider leurs enfants à être sereins et préparés pour l'avenir. C'est un gros problème qu'on essaie de réduire en donnant des cours d'arabe, afin de rendre à l'enfant son intégrité identitaire. C'est une double culture à gérer mais qui est quand même une richesse et qui peut avoir certains avantages. D'autres problèmes sont liés aux lois italiennes. Un enfant né en Italie n'a pas à tous les coups la nationalité italienne. Arrivé à 18 ans, malgré un parcours estudiantin brillant et de la bonne volonté, il se retrouve différent de son copain qui a fait le même parcours scolaire. Il ne peut ni accéder à certaines formations ni passer certains concours publiques. Il se pourrait que ce créneau soit plus flexible dans le futur, car, si cette éventualité a reçu un avis favorable au Parlement, elle n'est pas encore entrée en vigueur. Zerrouk Saida, membre de l'association Ibn Battouta à Barcelone Fondée en 1994, l'association Ibn Battouta compte un peu plus de 16 000 émigrés qui sont affiliés à l'association. Plusieurs partenariats avec le Ministère Chargé des Marocains Résidant à l'Etranger et des Affaires de la Migration, le Conseil de la Communauté Marocaine à l'Etranger (CCME) et la Fondation Hassan II. Parmi les projets pionniers pris en charge, le renforcement scolaire. En tant que responsable du projet d'appui scolaire dans toute la zone Catalogne, Saida est également responsable de la formation des entités et des capacités des marocains en Catalogne. L'association a rencontré, au début, plusieurs difficultés et résistances pour ce qui est du soutien scolaire, du fait qu'on pensait qu'on allait s'immiscer dans le système éducatif espagnol. On leur a fait comprendre que, le renforcement scolaire, financé par le Ministère des affaires de l'émigration marocain, une première, est dans l'intérêt général. On est arrivé à accéder, petit à petit, à des institutions catalanes publiques agrées par le Ministère de l'enseignement catalan. La première zone touchée est Lérida, une ville située dans le nord-est de l'Espagne, dans la communauté autonome de Catalogne, là où il y a beaucoup d'émigrés marocains, cela a été un vrai succès. On a même eu des demandes de plusieurs instituts et écoles primaires où les marocains constituent 95% des élèves. On poursuit ces élèves jusqu'en secondaire. Les parents n'ont pas un haut niveau d'étude, certains sont analphabètes. Au lieu de la langue catalane, on a commencé à leur apprendre la langue maternelle, l'arabe, puis après, le catalan. En leur offrant le soutien scolaire, on essaie, en parallèle, de détecter les disciplines où ils manquent de performances, pour pouvoir intervenir à temps et rectifier les manquements que l'enseignement catalan n'a pas discernés. On est marocains et on se connait. Nous faisons état d'agents intermédiaires. Après Lérida, on a atteint la zone de Terrassa, une ville où il y a plus de 17000 marocains. On a organisé des réunions avec les mairies, on a eu une collaboration fructueuse avec les directions. Bientôt, on va accéder à Sabadell, quatrième ville catalane où il y a un nombre très élevé d'élèves marocains. Depuis un an qu'a commencé ce projet, tout un chemin a été tracé, en matière de renforcement scolaire. Jusqu'à maintenant, 294 élèves du primaire et du secondaire ont bénéficié de ce projet. On a commencé petit à petit, et maintenant, il y a plus de demandes que d'offres. C'est un projet qui a réussi, surtout au niveau de Lérida, là où il y a une école importante. A savoir que ce sont les étudiants universitaires marocains qui se chargent de cours de soutien donnés aux élèves. Ils sont payés sous forme de bourses, qui leur permettent tout autant, de poursuivre leurs études. Ils ont en commun le lien identitaire, la culture et les traditions. Les résultats sont très satisfaisants. Ce sont nos compétences qui sont en train de nous aider. On n'a pas de statistiques concernant l'échec ou l'abandon scolaire, mais, ce qu'on nous a affirmé, c'est que, à Lérida, une zone agricole, de 2000 à 2015, donc en 15 ans, aucun jeune marocain n'est arrivé à franchir le cap du baccalauréat.