Autant dire les choses telles qu'elles sont : nous sommes des téléspectateurs loyaux. Bien attachés à nos petits écrans malgré le flux incessant d'informations trop souvent angoissantes et violentes qui nous brossent un tableau bien noir du quotidien marocain. Dans l'entracte de feuilletons médiocres, nos journaux télévisés nous proposent, à heures régulières, une programmation dramatique. Nous avons ainsi droit, chaque jour, à l'exposition d'un bilan meurtrier de voyageurs qui perdent leurs vies sur les routes pour des raisons qui oscillent entre une sécurité routière défaillante et un manque de respect défectueux du code de la route. Pas besoin de pluies torrentielles, ni de conditions météorologiques dangereuses comme celles que connaissent d'autres contrées pour qu'un étudiant décède abattu par un camion, ou qu'une voiture se renverse à Settat sur un policier ou que, récemment, un autocar fasse des victimes à Nador. Avons-nous pour autant le droit à la révolte ? Abderrahmane El Mekraoui, le jeune habitant de Jemaât Sehim, dans les environs de Safi, et auteur d'une vidéo dénonçant l'état d'une route mal goudronnée, en sait quelque chose sur la liberté d'expression au Maroc. Communication insuffisante oblige, on nous apprend que nos adolescents se donnent la mort. Le suicide serait même monnaie courante, nous informe-t-on au comble du comble ! Le phénomène va en s'aggravant au vu et au su de tous, corrélativement avec les violences en milieu scolaire, avec les liens familiaux qui se désagrègent, et avec la montée de l'égocentrisme et de l'extrémisme accentués par l'infiltration parfois perverse de la nouvelle technologie dans nos vies privées. Que nos jeunes mettent fin à leur vie, qu'ils décident ainsi de s'autodétruire de la manière la plus violente qui soit devrait interpeller en nous notre sensibilité souvent écrasée sous le poids d'un silence problématique. Nous sommes pourtant les héritiers d'une culture puissamment généreuse, altruiste et riche en valeurs multiples et plurielles, mais pour avoir tant souhaité imiter l'individualisme occidental, nous nous sommes rabattus sur des principes qui nous sont étrangers au point d'en arriver à perdre les nôtres. Ainsi, tandis que les personnes âgées ont été, il y a quelques générations seulement, la clef de voûte de toute cellule familiale marocaine, nous constatons aujourd'hui avec amertume qu'il faut se mobiliser de plus belle pour réactiver les liens altérés entre elles et leurs enfants. Et c'est pour lever le voile sur l'écrasante réalité relativement aux conflits entre les générations, que des émissions telles que « Lhbiba Oummi » ont dû voir le jour pour rendre à César ce qui a toujours appartenu à César ! Mais changeons de ton. Il ne faut pas oublier les actions humanitaires menées par le Royaume, ni le fait indéniable que la société civile et que les associations représentent une véritable levée de boucliers aux injustices qu'elles condamnent. Actuellement, un projet visant la formation et le recrutement des jeunes aux besoins spécifiques est mené avec dynamisme. Avouons, au passage, qu'il s'agit là d'un combat courageux et difficile sachant que même en France, le parcours professionnel des médecins et des formateurs ainsi que les structures et la dimension professionnelle de la formation battent encore de l'aile. Avouons aussi, pour revenir à nos petits écrans, que les meilleures productions télévisuelles sont les campagnes publicitaires de sensibilisation qui font bouger en nous notre humanité malheureusement ensevelie sous le poids de l'inconscience.