Le montage est devenu une théorie dans les années 20, peu de temps après la réalisation des films de David Wark Griffith, "Intolérance" et "Naissance d'une nation". Ces films servirent déjà d'expérimentation pour le cinéaste américain pour livrer des histoires en usant d'une narration peu commune, grâce à une manière de monter les scènes et les séquences. Lui même ne se doutait pas encore de la portée de cette façon de raconter et ne soupçonnait nullement qu'il était entrain d'établir les bases d'une future théorie du montage. L'improvisation ne laissait aucune chance à la réflexion approfondie. Il a fallu l'arrivée en masse de cinéastes soviétiques chevronnés pour que cette manière de faire soit valorisée à jamais. Les expériences jadis menées par Lev Koulechov vont enfin avoir des échos au sein de la profession et auprès de cinéastes aussi talentueux que Serguei Eisenstein, Dziga Vertov, Vsevolod Poudovkine ou Alexandre Dovjenko. Dans les premiers films réalisés par ces cinéastes de légende, qui ont écrit l'histoire du cinéma par leurs œuvres successives, porté haut la valeur du cinéma soviétique à cette époque, le montage est un facteur prépondérant susceptible de hisser chaque film au niveau d'une oeuvre d'art accompli. Bref, l'âge d'or du cinéma russe et soviétique se situait là, et seulement là, quand la musique complétait l'image, elle même complétée par le montage pour créer une symbiose cinématographique parfaite, digne d'un septième art entier. Les travaux menés durant toute sa vie par le cinéaste Serguei Eisenstein vont confirmer l'existence d'une véritable théorie du montage, en tant qu'élément de base de tout langage efficace, susceptible d'inculquer aux images une valeur dissimulée. Le montage-attraction tout comme dialectique relèvent d'une terminologie nouvelle essayant de traduire des notions jusque là enfouies et qu'une première lecture n'osait dévoiler. Après un échec quant à l'élaboration de cette théorie sous forme d'images développées en langage adéquat qu'est le film "La grève", riche certes mais inaboutie, l'illustration de l'expérience dans "Le cuirassé Potemkine" ne laisse cette fois aucun doute même chez les détracteurs du maître soviétique. Les films suivants d'Eisenstein comme ceux de ses collègues usent largement de cette technique ouvrant la voie à leurs collègues américains, français et autres. Plus tard, devant sa table de montage, face aux péripéties accompagnant le film maudit "Othello", Orson Welles eut cette réflexion:"Finalement, le montage est la seule opération que peut maîtriser un cinéaste". C'est aussi pour confirmer l'importance du montage et signifier sa portée qu'Alfred Hitchcock répliqua: "Quand je débarque sur un tournage, le montage de mon film est déjà fait". Comme chacun sait, Welles tout comme Hitchcock ne parlait dans le vide.