Ce devait être un sprint final sans obstacles. Ce sera un 110 mètres haies: l'alerte au virus Zika et la crise économique perturbent les derniers préparatifs des jeux Olympiques de Rio, qui débuteront dans six mois. Le 5 août, la flamme olympique s'allumera dans le légendaire stade Maracana, marquant le coup d'envoi des premiers jeux Olympiques de l'histoire en Amérique du Sud. Et les 10.500 meilleurs athlètes de la planète rivaliseront pendant deux semaines en quête de records et de médailles dans un décor naturel de cinéma. L'homme le plus rapide du monde, le Jamaïcain Usain Bolt, jaillira des starting-blocks sous la statue du Christ Rédempteur. Les régates de voile partiront à l'ombre du Pain de sucre. La plage de Copacabana, en plus des tournois de beach-volley, verra défiler cyclistes sur route, marathoniens et triathlètes. Ce sera «une fête inoubliable», promet Mario Andrada, porte-parole du Comité d'organisation Rio-2016, alors que l'auto-proclamée «Ville merveilleuse» se prépare depuis 2009 pour accueillir le plus grand événement sportif mondial avec le Mondial de football. Des années d'interminables chantiers qui ont souvent rendu cauchemardesque le quotidien des Cariocas. Baie polluée Certes, les autorités ont manqué leur pari de dépolluer la somptueuse baie de Guanabara, où les égouts de cette ville de 6,5 millions d'habitants déversent toujours des rivières d'excréments et d'ordures. Des barrages flottants seront, faute de mieux, installés autour des zones de régate pour contenir les détritus. Mais Rio-2016 jure que la santé des athlètes ne craint rien, malgré des rapports inquiétants sur les bactéries en tous genres qui y pullulent. Hormis cet échec cuisant, les organisateurs ont rendu une copie propre, aux antipodes de la préparation chaotique du Mondial-2014 de football, avec ses stades très en retard et surfacturés. Le Parc et le village olympique du quartier de Barra da Tijuca (ouest) sont prêts à 97%, le reste des enceintes sportives à plus de 70%. Les nouvelles infrastructures de transport, principal héritage des Jeux pour les Cariocas, avancent dans les délais. Et les budgets sont respectés. A défaut d'engouement palpable, les JO ne suscitent pas de rejet populaire comparable à celui qui s'était déchaîné un an avant le Mondial, lors des grandes manifestations de juin 2013. Tout irait bien ou presque donc, si le virus Zika et la pire récession économique depuis les années 1930 ne s'étaient invités à la fête à la dernière minute. Le Brésil est à l'épicentre d'une flambée continentale de virus Zika, transmis par le moustique Aedes aegypti et fortement soupçonné d'être responsable de l'explosion de naissances de bébés microcéphales. Répulsif anti-moustique L'OMS vient de décréter une «urgence de santé publique mondiale». Et comme plusieurs pays dont les Etats-Unis, le gouvernement brésilien a recommandé aux femmes enceintes d'éviter de se rendre au Brésil. «Nous sommes inquiets mais sûrs de gagner cette bataille. Le virus n'affectera pas les Jeux», a assuré mardi Mario Andrada. «En août, le nombre de moustiques diminue drastiquement et le nombre de cas de virus Zika suivra cette chute», a plaidé le chef des services médicaux du Comité, Joao Grangeiro. Athlètes et touristes recevront des conseils de prévention, comme porter des manches longues et s'enduire de répulsif anti-moustiques. D'ici là, les autorités vont s'atteler à éradiquer les foyers de prolifération des moustiques dans les zones olympiques. «Nous avons le budget pour cela», a assuré M. Andrada, malgré les difficultés financières de Rio-2016. Les JO de Rio coûteront au total 39,1 milliards de réais (9,8 mds de dollars au cours actuel), soit un quart du coût des Jeux de Pékin en 2008. Si la construction des enceintes sportives et des infrastructures de transport, financées de longue date, ne sont pas affectées par la crise, en revanche Rio-2016 a dû tailler jusqu'à 20% dans son budget opérationnel de 1,8 md USD. Régime sec riz/haricots noirs Sa trésorerie dépend en effet des contributions de partenaires locaux frappés de plein fouet par la crise. Mais aussi de la vente des billets: or seules 50% des places réservées aux Brésiliens ont été vendues. Du coup, les athlètes seront privés de télévision dans leurs chambres. Et les VIP seront mis au régime populaire brésilien: riz-haricots noirs. Le nombre de volontaires a été réduit de 70.000 à 50.000. Un projet de tribune provisoire pour assister aux compétitions d'aviron a été abandonné. «Si l'on songe aux circonstances dans lesquelles doivent travailler nos amis brésiliens, on doit lever notre chapeau et apprécier tout le travail qu'ils font pour les JO», a salué la semaine dernière à Athènes le président du Comité olympique international, Thomas Bach. Pas question en revanche de lésiner sur la sécurité à Rio, ville aux indices de criminalité très élevés où le combat contre les trafiquants de drogue subit des revers. En outre, depuis les attentats meurtriers de Paris en 2015, les forces de sécurité se préparent pour «le pire scénario», même si le Brésil n'a jamais connu d'acte terroriste. Un dispositif massif de 85.000 policiers et militaires -le double de Londres-2012- fera de Rio «la ville la plus sûre du monde pendant les JO», promet M. Andrada. Sur le front de l'organisation, le principal motif d'inquiétude porte sur la nouvelle ligne 4 du métro, qui reliera en 13 minutes les plages touristiques au quartier olympique de Barra de Tijuca (ouest). Stratégique dans le plan de mobilité des Jeux, elle est prête à 83% et doit être inaugurée début juillet. Un délai serré sans aucune marge d'erreur.