L'organe représentatif de l'opposition syrienne a accepté vendredi d'envoyer une délégation à Genève pour parler des questions humanitaires, après avoir obtenu auprès de l'Onu et du département d'Etat américain la garantie que ses exigences seraient satisfaites. Le Haut Conseil des négociations (HCN), mis sur pied le mois dernier avec l'appui de l'Arabie saoudite dans l'optique de la conférence qui vient de s'ouvrir, avait annoncé jeudi qu'il n'y participerait pas faute d'avoir obtenu gain de cause. Le HCN, qui réunit des partis politiques et des groupes armés, demande l'arrêt des bombardements des zones civiles, la levée du blocus des villes assiégées et la libération de prisonniers, conformément à la résolution adoptée le 18 décembre par le Conseil de sécurité de l'Onu. «Des garanties ont été obtenues (auprès des Nations unies) que la résolution 2.254 serait pleinement appliquée (...) Nous irons donc à Genève pour parler des questions humanitaires», a déclaré Salim al Mouslat, porte-parole du HCN, à la chaîne de télévision Al Arabiya al Hadath. «Le HCN ira à Genève demain pour parler de ces questions humanitaires qui ouvriront la voie au processus de négociations politiques», a-t-il ajouté. A Paris, l'Elysée a salué la décision du HCN d'envoyer une délégation. «Le président de la République salue la décision du Haut comité des négociations de l'opposition syrienne de se rendre à Genève pour y participer aux pourparlers de paix. Tout doit être fait pour donner sa chance à une solution politique», a déclaré l'Elysée dans un communiqué. Risque d'échec complet» La menace de boycott du HCN faisait courir aux négociations le risque d'un «échec complet», avait estimé un diplomate occidental ayant requis l'anonymat, avant l'ouverture des discussions. En l'absence de l'opposition, la conférence aurait été, selon lui, une aubaine pour Damas qui pouvait ainsi afficher ses bonnes intentions alors que les combats se poursuivent. «Ils sont complètement dédouanés. Avec qui vont-ils discuter ? Pour négocier, il faut un interlocuteur. C'est une formidable occasion pour le régime de montrer sa bonne volonté», a-t-il poursuivi. L'émissaire de l'Onu pour la Syrie, Staffan de Mistura, a rencontré dans la soirée la délégation gouvernementale dirigée par Bachar Djaafari, représentant permanent de la République arabe syrienne aux Nations unies, qui est arrivé en fin d'après-midi à Genève sans faire le moindre commentaire. «Il continuera par la suite ses rencontres avec d'autres participants et avec les représentants de la société civile», a indiqué l'Onu dans un communiqué, rappelant qu'il s'agit de discussions de «proximité», c'est-à-dire séparées. Les miliciens kurdes qui tiennent la majeure partie de nord-est de la Syrie et qui, à la différence de beaucoup, ont fait la preuve de leurs capacités à repousser les djihadistes de l'Etat islamique, ont quant à eux été tenus à l'écart des discussions à la demande de la Turquie. Les négociations, dont le dernier cycle remontait à deux ans, n'ont jusqu'ici rien changé à la guerre civile qui a fait au moins 250.000 morts et dix millions de déplacés ou de réfugiés depuis mars 2011. Visiblement lassés par ce statu quo, les deux prédécesseurs de Staffan de Mistura, Kofi Annan puis Lakhdar Brahimi, ont renoncé à leurs fonctions après l'échec des conférences de paix organisées à leur initiative. Contre-offensive à l'ouest de Damas Depuis les dernières discussions, en 2014, l'EI a changé la donne en s'emparant d'une vaste part des territoires syrien et irakien. Après l'entrée en lice de la coalition internationale formée par les Etats-unis pour combattre le mouvement, la Russie est à son tour entrée en septembre dans le jeu syrien pour soutenir le régime de Bachar al Assad. Son intervention, qui a considérablement modifié le rapport de force, a permis à l›armée et à ses milices supplétives de reprendre l›offensive et de regagner un part du terrain perdu, notamment dans l›Ouest. Leur effort porte désormais sur les faubourgs occidentaux de Damas, toujours aux mains des insurgés, et plus précisément sur Daraïa. Craignant une offensive de grande envergure, les civils fuient en masse le quartier voisin de Mouadamia al Cham. Selon Rami Abdoulrahman, directeur de l›Observatoire syrien des droits de l›homme (OSDH), leur objectif est de sécuriser l›aéroport militaire de Mezzeh qui se trouve dans le même secteur. «Le régime cherche à séparer Mouadamia al Cham de Daraïa pour en finir avec les combattants qui s›y trouvent, parce que Daraïa est une menace pour l›aéroport militaire de Mezzeh. La séparation est maintenant presque complète», a-t-il déclaré. Pour les adversaires d›Assad, ces combats sont bien plus préoccupants que la diplomatie. «On ne peut pas négocier si les Nations unies et la communauté internationale sont incapables d›obtenir des mesures de restauration de la confiance», a estimé Haitham al Maleh, membre éminent de l›opposition. «Je pense personnellement que, dans cette situation, les négociations sont futiles et ne peuvent rien produire. On ne peut pas négocier avec des assassins et des criminels qui s›accrochent au pouvoir», a-t-il ajouté.