Le Maroc indépendant a 60 ans d'âge. Plus il gagne en maturité politique, économique et socioculturelle, plus il s'affranchit de la parenthèse coloniale pour mieux s'inscrire dans la continuité de ses 1.200 ans d'Histoire, à étendre au-delà si l'on tient compte de la période préislamique antique. A cet égard, l'année qui s'achève aura constitué un tournant, l'étude de la narration médiatique des évènements l'ayant façonné ne manquera pas de révéler la nature prédéterminée des conséquences qui en ont découlé, d'où une prise de conscience de l'opinion publique nationale qui commence à peine à se manifester. Samedi 31 janvier 2015 prenait fin la brouille entre le Maroc et la France qui avait duré un an. Elle a commencé par un déni de respect, de la part de la justice française, envers les accords régissant les relations entre les deux pays, pour se terminer par une reconnaissance officielle de la compétence territoriale de la justice marocaine. Les signataires marocains des accords d'Aix-les-Bains ont dû, dans l'au-delà, en sourire de satisfaction, SM le Roi Mohammed VI s'inscrivant en digne héritier du lègue de Feu Mohammed V. Le récent épisode suédois, relatif à une éventuelle reconnaissance par ce pays scandinave de la virtuelle entité séparatiste polisarienne, alors que la Suède s'était engagée, en vertu du traité d'Algésiras du 7 avril 1906, dont elle est signataire, à préserver l'intégrité territoriale du Maroc, a conforté encore plus ce sentiment de « boucler la boucle ». Renaissance est le mot qui vient à l'esprit à la lecture du discours adressé par SM le Roi au Sommet du Forum de Coopération sino-africain, ou il fait référence au « Royaume du Maroc, (qui,) du fait de sa position géostratégique, pourrait jouer un rôle constructif dans le prolongement de la ''Route de la soie maritime'', non seulement vers l'Europe Atlantique, mais également et surtout, vers les pays de l'Afrique de l'Ouest, avec lesquels Mon pays entretient des liens multidimensionnels ». C'est au XVIème siècle que le commerce caravanier transsaharien, qui avait fait la prospérité du Maroc médiéval, a commencé à décliner, du fait de la concurrence du commerce maritime européen. Il a fallu quatre siècles pour commencer à redresser la situation, en inscrivant la reprise des échanges commerciaux, politiques et culturels avec l'Afrique subsaharienne dans la cadre plus large de la mondialisation. En ce début de siècle qui s'empresse d'enterrer l'ancien, avec un déplacement du centre de gravité géopolitique mondial de l'Atlantique vers le Pacifique, le Maroc se retrouve dans une périphérie mouvementée, dans laquelle il constitue un îlot de paix et de sécurité. Au déterminisme mécanique des tenants de la théorie des dominos, aux horizons de pensée limités par le carcan intellectuel occidental, répondrait la fluidité des conceptions philosophiques d'Extrême-Orient, intégrant dans la grille de lecture des événements le facteur de l'harmonie qu'apporte une structure politique traditionnellement enracinée, garante naturelle des nécessaires équilibres de la société. Le lien de causalité entre les conditions socioéconomiques de l'écrasante majorité des candidats au jihad, aggravées par les pressions socioculturelles auxquelles les soumet une modernité aux couleurs occidentales, sans goûter à ses fruits, et leur réceptivité aux discours religieux fondamentalistes est maintenant chose évidente. Il n'a jamais été dit que les jihadistes avaient été forcées à écouter la propagande d'Al Qaïda et de Da'ech. Il est évident qu'ils étaient portés à y croire bien avant d'y prêter attention. Approche multidimensionnelle Le Maroc offre de réelles et palpables perspectives d'un avenir meilleur à sa jeunesse, malgré les difficultés d'emploi et d'amélioration du niveau de vie qu'elle rencontre, dans de larges proportions et depuis pas mal d'années. Ce n'est pas seulement à son référentiel religieux orthodoxe et modéré qu'il doit le non-enracinement du terrorisme jihadiste dans sa société. Les fans de Zawahiri et Baghdadi sont loin de faire font défaut au Maroc. C'est plutôt la société marocaine qui refuse de jouer le rôle de l'étendue d'eau dans laquelle les poissons jihadistes auraient pu se mouvoir à leur aise, pour paraphraser Mao-Tsé-dong. Le processus politique est mûri plutôt que précipité, négocié plutôt que violent, l'attachement aux valeurs sacrées est constitutionnellement affirmé, le Marocain est autant pragmatique que traditionnaliste. L'attachement aux traditions en matière de renseignement humain est d'ailleurs ce qui a valu aux services de sécurité marocains leur réputation au-delà des frontières. Quand des pays avancés en matière de technologies du renseignement électronique expriment le besoin de coopérer avec le Maroc, l'expression changement dans la continuité prend toute sa signification. L'ambition du Maroc de jouer le rôle de plateforme logistique à l'entrée de l'Afrique est subséquent à celui d'interface géopolitique entre un Occident qui ne semble pas encore guérit de ses penchants néocoloniaux, un Moyen Orient au désordre sociopolitique contagieux, une Russie qui revient en force sur le devant de la scène mondiale, un Extrême-Orient affamé de ressources naturelles et de marchés, une Amérique latine qui se cherche encore et un continent africain, à une étape juvénile de son évolution politique et économique, objet de toutes les convoitises. L'Union africaine est à l'image de son président actuel, le dictateur zimbabwéen Robert Mugabé, une bouffonnerie. Son chef de file et poids lourd incontesté, l'Afrique du sud, ne parvient même pas à avoir une politique migratoire raisonnable dans ses relations avec le reste des pays du continent. Même après avoir vaincu Boko Haram, le Nigéria aura encore bien du chemin à faire pour rétablir sa stabilité et panser ses plaies. Les géants du continent ont le point commun d'avoir des pieds d'argile. La preuve que le Maroc jouit de plus de crédibilité que la caricaturale organisation panafricaine ? Au 3ème forum Inde-Afrique, comme au 6ème sommet Chine- Afrique, la fantomatique RASD est restée dans les placards de l'UA, les mercenaires détourneurs d'aides humanitaires n'ayant pas leur place dans les rencontres de haut niveau traitant des affaires sérieuses entre Etats souverains. Et quand il s'agit d'affaires sérieuses, le Maroc n'est jamais en retrait, et même au devant pour défendre les intérêts du continent. SM le Roi a bien expliqué aux pays participants à la COP21, qui s'est déroulée à Paris il y a moins d'un mois, que c'est « en Afrique, continent de l'avenir, que se jouera l'avenir de notre planète ». Une observation attentive de la dynamique des évènements diplomatiques de l'année qui prend fin révèle les indices d'une mutation du statut du Royaume sur la scène internationale, consécutive d'une autre mutation, interne, politique et économique, entamée dès le début du règne de SM le Roi Mohammed VI. Une tendance lourde qui a généré les points d'inflexions constatés au cours de cette année. Un retour aux racines historiques pour renforcer la marche résolue vers une modernité taillée sur mesure.