Le décès de Mustapha Mesnaoui en ce 17 novembre 2015 au Caire laisse le monde de la critique perplexe, non seulement au Maroc mais également dans plusieurs pays arabes. Car Mesnaoui avait cette dimension d'avoir une aura émanant d'un être exceptionnel et bénéficiant d'une reconnaissance et d'une légitimité au-delà des frontières. Exceptionnel à plus d'un égard. Il fut l'un des premiers intellectuels marocains à soupçonner l'importance de la critique cinématographique et partager sa passion du cinéma avec sa génération. Chroniqueur abondant au journal "Al Mouharrir", Mesnaoui constatait que ses écrits étaient assidûment suivis et jalousement archivés par les cinéphiles partout au Maroc au moment où les ciné-clubs, sous l'égide des fédérations marocaine puis nationale, s'érigeaient en tribunes de savoir et de militantisme sincère et authentique. L'émission "Aflam", programmée par la télévision nationale à la fin des années 70, va lui donner l'occasion d'aiguiser davantage ses outils autour de films inédits et de grande qualité artistique. Reconnu comme critique acerbe, il est l'invité de cette émission à l'occasion de la projection du film marocain "Traces"(Wechma), aux cotés du réalisateur du film Hamid Bennani. C'est là que le public marocain et la communauté des jeunes cinéphiles découvrent le visage d'un intellectuel à la bonhomie acceptable, au discours clair, audacieux, adroit et juste, aux idées percutantes, mais jamais choquantes, à la manière douce et convaincante, émanant d'une personnalité hautement charismatique, conjuguant aussi bien l'écrit que l'oral. Mustapha Mesnaoui était devenu le critique incontesté faisant la fierté des intellectuels marocains, sollicité de partout, sillonnant les villes pour soutenir l'image par son discours critique fort apprécié, intervenant dans des thèmes divers et riches que Mesnaoui savait habilement cerner. A la différence des autres critiques marocains, il fit du cinéma égyptien, médiocre certes mais largement répandu, sa fer de lance à l'adresse d'un large public, d'ici et de là. Cela lui attira la sympathie des critiques égyptiens, connus et groupés sous l'égide d'associations et festivals, qui voient en Mesnaoui, l'unique et légitime représentant du cinéma arabe au Maroc. De Tétouan à Rabat, du Caire à Alexandrie, de Paris à Damas, de Washington à Brasília, Mesnaoui s'est fondu dans cette masse de cinéma arabe qu'il défendit partout corps et âme. Cela n'allait pas sans compensation matérielle et, à ses yeux, la meilleure manière de donner de l'importance à cette activité, mentale et singulière, est de se faire légalement rémunérer. "Tout se paie", défendit-il. Il ouvrit ainsi la voie à ses collègues critiques qui, prisonniers de leur pudeur, s'animaient dans le bénévolat souvent sans résultat "notable". Mesnaoui lui, était moulé autrement. C'est ainsi qu'il trouva une riche affinité auprès de ses collègues égyptiens, qui tirent davantage de profit de ses larges connaissances, que ses homologues marocains. Nourri depuis longtemps de la culture du pays des Pharaons, Mesnaoui est décédé dans un contexte cinématographique pur, qu'est le festival du cinéma du Caire. Lui comme Noureddine Kachti ou Mohamed Dahane qui, des critiques comme lui, n'ont peut-être trouvé de meilleure mort, que dans... le cinéma.