La Commission européenne va proposer aux Etats membres d'accueillir 120.000 migrants se trouvant actuellement en Italie, en Grèce et en Hongrie, une nouvelle mesure d'urgence censée préfigurer la délicate mise en place de quotas permanents de répartition. La proposition chiffrée, que doit présenter mercredi le président de la Commission Jean-Claude Juncker devant le Parlement européen, s'ajoute à sa précédente demande d'accueil de 40.000 réfugiés. Il s'agit d'une nouvelle tentative de répondre à l'afflux sans précédent de demandeurs d'asile qui fuient en majorité la Syrie ravagée par la guerre. La Commission propose à l'Allemagne et à la France d'accueillir respectivement 31.443 et 24.031 personnes sur les deux prochaines années. L'Espagne serait le troisième pays le plus généreux avec un peu moins de 15.000 réfugiés. Suivraient ensuite la Pologne, les Pays-Bas, la Roumanie, laBelgique et la Suède, selon des fuites dans la presse, en fonction d'une clé de répartition mêlant critères démographiques et économiques. Ni les chiffres ni le détail de ces critères ne sont encore officiels. La Commission envisage par ailleurs de réclamer des compensations financières aux pays qui refuseraient d'accueillir des réfugiés sur leur sol, selon une source européenne. Le Royaume-Uni, l'Irlande et le Danemark, qui disposent d'une option de retrait des politiques européennes liées à ces questions, ne sont pas concernées par cette répartition. Cela ne les les empêchera cependant pas d'accueillir eux aussi des réfugiés. Le Premier ministre britannique David Cameron a annoncé lundi que son pays était prêt à recevoir au cours des cinq prochaines années 20.000 personnes, originaires de camps de réfugiés installés hors de l'UE. La proposition européenne de "relocaliser" 120.000 migrants s'ajoute à une précédente proposition, faite avant l'été, de répartir sous deux ans 40.000 réfugiés, se trouvant alors en Italie et en Grèce. Ce projet de la Commission est toujours valide, et les Etats --qui ne se sont à ce stade que laborieusement répartis un peu plus de 32.256 réfugiés sur ces 40.000-- doivent entériner leur décision le 14 septembre. La mise en oeuvre de cette première répartition pourrait commencer en octobre, selon une source parlementaire. Pour les 40.000 réfugiés de la première proposition, comme pour les 120.000 supplémentaires, il s'agit d'un mécanisme de "relocalisation", c'est-à-dire de transfert d'un Etat membre vers un autre. Les réfugiés "relocalisés" n'auront pas le choix de leur destination et devront rester dans le pays où ils seront transférés, qui recevra une aide européenne de 6.000 euros par personne accueillie, selon le projet de la Commission. Ces "relocalisations" ponctuelles constituent des exceptions --au nom de la solidarité entre Etats-- aux règles européennes. Celles-ci prévoient en effet normalement que les réfugiés soient pris en charge dans leur pays d'arrivée (selon les accords de Dublin). Il existe d'autre part des mécanismes de "réinstallation", c'est-à-dire de tranferts vers des Etats membres de l'UE de personnes réfugiées établies dans des pays hors de l'UE, comme le Liban par exemple. Les Etats préfèrent généralement cette formule qui permet d'organiser des transferts légaux et plus sûrs vers l'Europe et, selon certains, de trier plus facilement les réfugiés. En juillet, en marge du débat sur les "relocalisations", les Etats membres de l'UE ont ainsi accepté de se répartir la "réinstallation" sous deux ans de 20.000 personnes, qui bénéficient déjà du statut de réfugiés mais qui ne sont pas encore sur le sol européen. L'initiative présentée lundi par David Cameron relève d'un tel dispositif. Au-delà des propositions chiffrées actuellement sur la table, la Commission européenne souhaiterait ne plus avoir à proposer de répartitions au coup par coup des réfugiés à "relocaliser", qui nécessitent d'âpres négociations avec les Etats. Le mécanisme de répartition "contraignant et permanent" auquel veut parvenir le président Juncker dans les prochains mois, qui serait déclenché automatiquement en cas de crise, paraissait mal engagé il y a quelques mois face à l'hostilité de plusieurs Etats. Mais la donne semble avoir changé avec l'accélération des arrivées de réfugiés et l'émotion suscitée par leur sort, en particulier depuis les images choc d'un enfant syrien noyé gisant sur une plage turque. La France, qui était hostile à toute idée de "quotas" permanents, soutient désormais avec l'Allemagne la nécessité d'un "mécanisme permanent et obligatoire d'accueil des réfugiés pour répartir l'effort entre tous les pays européens". En contrepartie, Paris demande d'améliorer l'identification des migrants se présentant à la frontière extérieure de l'espace Schengen afin de sélectionner clairement les réfugiés, qui ont besoin d'une protection, et les migrants économiques.