Les ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne se réunissent vendredi autour de la crise des migrants, après l'électrochoc de la photo d'un enfant syrien noyé et un appel de l'ONU a une répartition équitable d'au moins 200.000 demandeurs d'asile dans l'UE. Avant cette réunion à Luxembourg, l'Allemagne et la France ont lancé jeudi une initiative qui marque un tournant dans l'approche de la crise migratoire pour «organiser l'accueil des réfugiés et une répartition équitable en Europe» des familles qui fuient principalement la Syrie en guerre. Et dès vendredi, le Premier ministre britannique David Cameron, très critiqué pour son manque d'implication dans la crise et qui s'est dit «profondément ému» par la photo de l'enfant syrien mort, devrait, selon la presse d'outre-manche, annoncer que le Royaume-Uni accueillera «plusieurs milliers» de réfugiés syriens supplémentaires afin que Londres remplisse ses «obligations morales». Le haut-commissaire de l'ONU pour les réfugiés (HCR), Antonio Guterres, a appelé vendredi l'Europe à faire plus avec la répartition d'au moins 200.000 demandeurs d'asile entre tous les pays membres de l'UE car «la situation exige un effort commun massif qui est impossible avec l'approche fragmentée actuelle». «Les personnes qui ont une demande de protection valide (...) doivent bénéficier d'un programme de réinstallation de masse, avec la participation obligatoire de tous les Etats membres de l'UE. Une estimation vraiment préliminaire semble indiquer le besoin potentiel d'accroître les opportunités de réinstallation à 200.000 places», a écrit M. Guterres dans un communiqué. Jeudi, la chancelière allemande Angela Merkel a évoqué des «quotas contraignants», le président français François Hollande un «mécanisme permanent et obligatoire». L'accord franco-allemand demande aussi d'»assurer le retour des migrants irréguliers dans leur pays d'origine» et d'aider «les pays d'origine et de transit». Les ministres européens des Affaires étrangères se retrouvent donc vendredi à Luxembourg autour de ce dossier, tandis que quatre pays de l'Est, réticents à ouvrir leurs frontières et opposés aux quotas, se réunissent de leur côté à Prague, risquant d'aggraver des divisions déjà profondes. Le président du Conseil européen Donald Tusk s'est inquiété d'une «division entre l'est et l'ouest de l'Union européenne». «Certains Etats membres ne pensent qu'à endiguer la vague de migrants, ce qui est symbolisé par la clôture controversée en Hongrie», à la frontière avec la Serbie, «tandis que d'autres veulent plus de solidarité», a-t-il regretté Tandis que la photo d'Aylan Kurdi, trois ans, gisant mort sur le sable d'une plage turque, continuait de soulever émotion et colère, le président turc Recep Tayyip Erdogan a accusé jeudi l'Europe d'avoir transformé la Méditerranée en «un cimetière de migrants». La ministre des Affaires étrangères suédoise Margot Wallström a essuyé des larmes lors d'un débat télévisé jeudi soir, estimant que le décès du garçonnet avait «imposé une exigence»: «Maintenant nous devons agir». Au Canada en pleine campagne législative, où vivent des membres de la famille d'Aylan Kurdi, les responsables des partis politiques ont promis d'accueillir plus de réfugiés, le Québec se disant prêt à en recevoir «des milliers». Une répartition équitable des réfugiés entre pays européens fait partie des priorités de la Commission européenne, qui devrait dévoiler le 9 septembre devant le Parlement à Strasbourg de nouvelles propositions. La Commission veut un mécanisme permanent de répartition, mais face à l'urgence que connaissent notamment la Hongrie, l'Italie et la Grèce, son président Jean-Claude Juncker va «demander aux Etats membres de répartir en urgence 120.000 réfugiés supplémentaires au sein de l'UE», selon une source européenne. La tâche ne sera pas aisée, compte tenu des vives réticences affichées par de nombreux Etats lors d'une précédente requête de la Commission pour l'accueil de 40.000 demandeurs d'asile se trouvant en Grèce et en Italie. «Personne ne veut rester en Hongrie, en Slovaquie, en Estonie, en Pologne. Tous veulent aller en Allemagne», a objecté jeudi à Bruxelles le Premier ministre hongrois Viktor Orban, rejetant l'idée de quotas. Pour M. Orban, l'afflux massif de migrants menace les «racines chrétiennes» de l'Europe. «Nous avons le droit de décider de ne pas avoir un grand nombre de musulmans dans notre pays», a-t-il argué. A Bruxelles, la Hongrie et l'Autriche ont critiqué l'Allemagne, qui a décidé de cesser de renvoyer les demandeurs d'asile syriens vers leur pays d'entrée dans l'UE. Berlin n'est pas épargnée par les tensions internes: les attaques contre les réfugiés se multiplient en ex-Allemagne de l'Est, soupçonnée d'être plus raciste que le reste du pays. Plus de 230.000 migrants ont rallié la Grèce par la mer depuis le début de l'année, contre environ 17.500 pour la même période en 2014, a indiqué le ministre adjoint grec à la Marine marchande, Nikos Zoïs. «Plus de 80%» de ces arrivants comptabilisés par les garde-côtes «sont des réfugiés», a-t-il précisé.