Au moment où l'actuel ministre de l'Equipement et des transports, Abdelaziz Rebbah, manque à ses devoirs de responsable gouvernemental, certains médias malintentionnés vont chercher des poux dans la tête de son prédécesseur Karim Ghallab ! C'est le coup classique dira-t-on, guéguerre politique et électoraliste oblige, mais c'est mesquin. "Rebbah payera une gaffe de Ghellab qui coûtera à l'Etat 25 millions d'euros" a titré avec sensation un journal électronique. Le bon titre aurait été : "Les Marocains payeront une gaffe de Rabbah qui veut juste contrarier Ghallab". C'est au sujet d'une affaire opposant la société italienne de construction Salini Construttori au ministère marocain de l'Equipement à propos de laquelle une sentence, en faveur du Maroc, avait été prononcée par la Cour Internationale d'Arbitrage de la chambre de commerce internationale (CCI), il y a plus de trois ans. L'affaire refait aujourd'hui surface à l'occasion du recours récent de la société Salini au District Court à Washington, pour non payement par Rebbah de ce qui est dû à la société. Dans la foulée, une partie de la presse c'est accaparé de l'affaire dans le but évident de dénigrer l'ancien titulaire du maroquin de l'Equipement, Karim Ghellab, et faire la part belle à l'actuel détenteur du poste, Aziz Rabbah. Sauf que c'est un bien mauvais service rendu à ce dernier. D'abord les faits. En juin 2004 ont été lancés les travaux de construction du tronçon Jebha-Ajdir de la rocade méditerranéenne, financés à 75% par un don de l'Union Européenne dans le cadre du Programme MEDA. Le déroulement des travaux a donné lieu à certains litiges liés notamment à l'interprétation de certaines clauses des cahiers des charges. L'entreprise a dans un premier temps ralenti les travaux, puis a arrêté le chantier. Devant cette situation et après mise en demeure, le Ministère de l'Equipement et des Transports a procédé à la résiliation du marché et l'a réadjugé par appel d'offre à une autre entreprise qui a achevé les travaux. Pour départager les deux parties, le système mis en place pour le règlement des litiges donne à l'attributaire le choix entre deux juridictions possibles, à savoir l'arbitrage selon le règlement de la chambre de commerce internationale (CCI) ou la procédure de la loi locale. Mais comme les modalités relatives à la mise en œuvre du règlement à l'amiable n'étaient pas fructueuses, la société Salini a opté pour la CCI pour connaître du litige l'opposant au Royaume du Maroc. Ce fut le 13 août 2009. Le 5 décembre 2011, la Cour Internationale d'arbitrage rend sa sentence, obligeant le groupe Salini Construttori à verser des pénalités et autres indemnités au Maroc, mais aussi ce dernier à payer le solde des travaux déjà réalisés par ladite société, ainsi que la TVA perçue au titre des activités menées pour l'exécution dudit marché. Tous les autres chefs de réclamations de l'entreprise Salini ont été rejetés par la CCI qui a prononcé un jugement clairement en faveur du Maroc (voir éléments saillants en encadré). Jusque là, rien de particulier, la loi et le bon sens ayant été respectés. Puis Monsieur Rebbah, devenant entre temps ministre de l'Equipement et des Transport, a gelé l'exécution du jugement "omettant" de payer à la société italienne le reliquat du règlement pour les travaux effectivement effectués, auparavant non versés par le Ministère à titre conservatoire. La décision pour le moins incompréhensible du ministre Rebbah contraint aujourd'hui le Maroc à verser à la société des pénalités de retard annuelles colossales (depuis fin 2011). Les éléments du dossier démontrent de façon claire que la Cour internationale d'arbitrage de la CCI a été sans équivoque dans sa sentence d'arbitrage prononcée. C'est le Maroc et non la société italienne qui a résilié le contrat, pour non-respect de ses clauses, et c'est à ladite société italienne de verser des indemnités au Maroc, et non le contraire. Sauf qu'il faut quand même payer à la société italienne ce qui lui revient de droit, au titre de la partie du projet effectivement concrétisée. Le département marocain de l'équipement n'avait suspendu ses paiements par tranches que pour faire pression sur la société adjudicataire du marché et l'amener à en terminer l'accomplissement. Quand à la TVA perçue, du fait que le financement du projet provient d'un don, celui-ci ne peut pas servir au paiement de taxes et impôts. Cette affaire, claire comme de l'eau de roche, est sans aucune complexité. La Cour internationale d'arbitrage de la CCI a signifié au groupe italien adjudicataire du marché, mais qui n'a pas terminé son travail, qu'il doit verser des indemnités à la partie lésée, c'est-à-dire le Maroc, qui est tenu, pour sa part, de payer la partie du projet qui lui a été effectivement livrée. Il n'y a donc pas eu de faute de la part de l'ancien ministre de l'équipement, Karim Ghellab, à ce sujet. Par contre, plus l'actuel titulaire du poste tarde à verser à la société italienne ce qui lui est dû, plus les intérêts de retard vont s'accumuler, que les contribuables marocains seront amenés tôt ou tard à débourser. Mais, comme dit le proverbe, il n'y a de pire aveugle que celui qui ne veut voir. On peut toujours prétendre que certains titres de la presse, électronique surtout, publient souvent des bêtises monumentales, comme si le Web les exonérait du respect de toute éthique journalistique. Mais on peut également avancer qu'à chaque approche d'un scrutin électoral, les attaques diffamatoires connaissent une grave inflation, puisqu'il y a toujours eu une presse de caniveau pour exécuter ce genre de basses besognes. Au risque de nuire à ceux-là même qu'elle est censée servir. Grâce à la campagne de dénigrement déclenchée contre Karim Ghellab, l'affaire Salini Construttori ayant été instrumentalisée à cet effet, on s'est rendu compte que le Maroc traîne toujours une facture impayée et que cette négligence de Aziz Rabbah va coûter aux contribuables marocains le paiement d'intérêts de retard, en sus du montant dû. Un exemple typique d'effet boomerang.