Par l'évocation du quartier Arabe, nous cherchons à nous focaliser sur cette organisation urbanistique et cette juxtaposition d'habitations, qui permettaient, jadis, le côtoiement et facilitaient le mélange, entre toutes les classes de notre société. Une proximité qui a eu le mérite d'empêcher les mieux lotis, d'ignorer les privations d'en souffraient les plus défavorisés. Et la solidarité qui en a suivi et qui s'est naturellement instaurée, a constitué ce filet social qui empêchait quiconque de se sentir oublié, marginalisé... ou à toucher le fond. Quant à l'humilité qui reste une grande qualité dans l''Islam, tout a été fait, pour que ce côtoiement entre maisons modestes et fastidieux Riads, ne vient souligner les différences entre couches sociales. En effet, les propriétaires de ces Riads évitaient que leurs luxueuses propriétés ne soient très tape-à-l'œil de l'extérieur, histoire de respecter et de ne pas choquer les plus démunis d'entre les voisins. Une façon de vivre et d'être dans laquelle nous avons tous baigné mais à laquelle on ne semble pas s'être suffisamment arrêté pour souligner ses avantages et ses bienfaits culturels, sociaux, économiques, spirituels et politiques. Une ambiance paisible et sereine s'est développée. Les gens s'accordaient du temps pour parler et surtout pour rire. Les portes restaient ouvertes et quand bien même on les fermait, des bouts de ficelles pendaient toujours vers l'extérieur, histoire de garder le lien avec l'extérieur à tout instant, du jour comme de nuit. Une belle histoire qui prit malheureusement fin le jour où certains ont jugé meilleur de délaisser notre style de vie propre au sein de nos quartiers et d'épouser un découpage venu d'ailleurs : zones villas, zones immeubles... Du coup, les familles aisées et cultivées qui aidaient et servaient d'exemple sont parti se cloitrer dans des villas bien protégées. La classe moyenne a, à son tour, délaissé le quartier pour des immeubles et autres appartements « taillés sur mesure ». Tout le monde semblait vouloir « s'exiler » et tous se barricadaient et s'enfermaient à double tour. Du coup, les plus défavorisés se sont retrouvés seuls, délaissés et abandonnés à leur propre sort et dans un quartier qu'ils ne reconnaissent plus. Ceux qui servaient d'exemple et auxquels ils cherchaient à s'apparenter pour s'en tirer d'affaire, un jour, sont partis. Plus personne pour leur faire garder espoir dans la vie. Plus personne pour les empêcher de basculer dans les bas-fonds d'une société devenue brutalement égoïste. Plus personne pour empêcher le fossé de se creuser de plus belle entre les classes. Plus personne pour empêcher la marginalisation et la dépravation. L'ironie du sort dans cette histoire est que, pendant que certains donnent l'impression de se complaire dans leurs nouvelles villas, ceux qu'on imite viennent en force, habiter nos Riads abandonnés. Cette attitude ressemble fortement à celle ayant trait à notre culture culinaire : c'est lorsqu'on a adopté leurs frites, qu'ils les ont délaissées pour nos tajines de pommes de terre aux olives et c'est quand on a adopté leurs steaks, biftecks, hamburgers, nuggets et fastfood en général, qu'ils ont opté pour notre couscous aux sept légumes. Nous avons abandonné le Quartier Arabe, sans penser au rôle culturel qu'il jouait et à la stabilité sociale qu'il générait, et ceci en l'absence d'un Etat fort économiquement et à même d'aider les plus démunis d'entre ses citoyens. Chinois, Japonais, Coréens et asiatiques en général se sont modernisé, mais pas au détriment de leur culture. Ils ont compris depuis belle lurette que tout ce qui brille n'est pas or et tout ce qui vient d' « ailleurs », n'est pas nécessairement le meilleur exemple à suivre. L'herbe n'est-elle pas toujours plus verte chez l'autre, jusqu'à ce qu'on découvre que c'est du gazon artificiel ?