C'est dans les années 30 que la femme marocaine a investi le cinéma en interprétant d'abord des petits rôles dans les films étrangers tournés au Maroc. A la même période on va assister à des rôles de plus en plus consistants tenus par les premières comédiennes. Deux noms vont émerger de cette époque coloniale notamment celui de Laila Atouna et Laila Farida. Si la première est comédienne non professionnelle découverte dans le Moyen Atlas par Jacques Sévérac, qui va la familiariser progressivement à la caméra et à qui il va confier des petits rôles de femme chleuh, la deuxième est une fine intellectuelle slaouie qui rejoignit très tôt "Radio Maroc" en tant qu'animatrice. Participant à de nombreux films étrangers tournés essentiellement dans les grandes villes, elle s'exila en France au lendemain de l'indépendance et poursuivit sa carrière d'actrice en jouant et en doublant les films à forte participation maghrébine. Les années 40 ont vu l'émergence d'un cinéma marocain sous la houlette amatrice de Mohamed Ousfour, celui-là même qui n'hésita pas à engager sa future épouse devant et derrière la caméra. Cette citoyenne allemande, qui crut à l'aventure ousfourienne, est déjà présente dans "Le fils de la jungle"(1941) dans le rôle d'une Jane marocaine perdue dans la "jungle sauvage" de Sidi Abderrahman se familiarisant avec une Sheeta "casablancaise". La même décennie a connu le tournage du film "Noces de sable"(1948) d'André Zwoboda dans le sud marocain où le réalisateur découvrit un visage féminin pur et dur sous les traits d'une berbère illettrée mais douée pour le jeu. Son nom est Itto Bent Lahcen qui tint le troisième rôle dans le film après celui de Denise Cardi et Larbi Tounsi et y incarne une folle prête à tous les agissements maléfiques pour retrouver un passé perdu. Prenant goût au jeu, la comédienne va poursuivre sa carrière aux cotés d'Orson Welles qui l'engagea dans "Othello"(1952) puis sous la direction de Jacques Baratier en Tunisie pour les besoins de "Goha"(1957) donnant la réplique à Omar Sharif dans sa toute première participation aux productions étrangères quelques années avant la consécration de "Lawrence d'Arabie"(1962) de David Lean. Peu de temps avant l'indépendance, le cinéaste français Jean Fléchet, travaillant pour le compte du studio Souissi, va convaincre le studio à produire des courts métrages de fiction à la teneur spécifique dans une expérience cinématographique originale datant des années 1953-1954. Les films avaient pour titres "L'expérience de Driss", "Le poulet", "Le trésor caché" et "Le puits", engageant de jeunes et talentueux acteurs sans passé consistant hormis quelques pièces de théâtre sans grand succès, mais décidés à participer à l'aventure de Fléchet. Les rôles sont tenus par Larbi Doghmi, Ahmed Tayeb Laalej, Mohamed Said Afifi, Tayeb Saddiki, Salim Berrada, Bachir Laalej, Mohamed Hammad Lazrak et la comédienne montantante Khadija Kanouni alias Khadija Jamal. C'est l'une des premières comédiennes de cinéma qui poursuivit sa carrière jusqu'à aujourd'hui aussi bien au cinéma qu'à la télévision. Après sa participation au court métrage de fiction "Retour aux sources"(1963) d'Abdelaziz Ramdani, elle se maria à l'écrivain et scénariste algérien Mohamed Ferraa et dut continuer sa carrière d'actrice dans le théâtre algérien avant de revenir aux "sources" des années plutard. Depuis "L'enfance volée"(1993) de Hakim Noury, elle côtoie régulièrement le petit comme le grand écran, sollicitée pour le jeu malgré son âge avancé. A la même époque, le nom de Jamila Benomar alias Amina Rachid va jaillir au bon milieu des années 50. Le film "Le médecin malgré lui"(1955) d'Henri Jacques est la première occasion pour cette comédienne de théâtre de côtoyer le cinéma. Même dans un rôle très secondaire, elle vient renforcer la troupe de théâtre radiophonique dirigée par son mari Abdellah Chekroun qui joue également dans le film aux cotés des Doghmi, Hakam, Laalej, Amidou, Tounsi, Ammor, Afifi, Saddiki, complétant un casting arabe composé majestueusement d'Amira Amir, Mohamed Tabei et Kamal Chenaoui. Et comme pour boucler la boucle, on va retrouver sur ce même plateau riche en visages du cinéma les légendaires : Laila Farida et Itto Ben Lahcen groupés pour l'occasion grâce au studio Souissi.