La date butoir de l'évaluation des 12 axes de la « Plate-forme Beijing » arrive à terme et, société civile et gouvernement sont tenus de présenter, en ce mois de mars, leurs rapports parallèles aux Nations Unis, dans un contexte que l'on qualifierait, par euphémisme, de « quelque peu » conflictuel. Au moment où les voix de la société civile montent au créneau, de crainte d'une « descente aux enfers » des acquis et avancées cumulés depuis quelques années, à travers une lutte acharnée, une expérience de terrain et une crédibilité auprès des organismes internationaux, de Droits humains et des bailleurs de fonds, ce qui leur a conféré un certain poids, les acteurs gouvernementaux chargés des dossiers chauds concernant les femmes font, toutefois, la sourde oreille. Ils boudent les revendications des ONGs et agissent tout seuls. Pour ces ONGs, il y a une certaine stagnation en matière de droits et de lois, constatées ces dernières années, une situation chaotique qui tarde à se dissiper et qui montre, encore une fois, le manque de volonté politique à ce niveau. Pour Bassima Hakkaoui, ministre de la Solidarité, de la Femme, de la Famille et du Développement social, le Conseil de gouvernement devait trancher, jeudi 5 mars, sur le projet de loi portant création de l'Instance nationale de la parité, mais ce ne fut pas le cas. De l'autre côté de la ligne de front, la société civile organise une marche, ce 8 mars, pour exprimer publiquement ses protestations. Selon l'ONU, en 2015, la Journée internationale de la femme mettra l'accent sur la Déclaration et le Programme d'action de Beijing, une feuille de route historique, signée par 189 gouvernements, il y a 20 ans, et qui établit le programme d'action pour la réalisation des droits des femmes. Bien que des progrès considérables aient été accomplis, depuis, beaucoup de graves lacunes subsistent. Le Programme d'action de Beijing est axé sur 12 domaines critiques, et il comporte une vision d'un monde où chaque femme et chaque fille soient épanouies, selon leurs choix à tous les niveaux : politique, éducation, économique...au sein de sociétés exemptes de violence et de discrimination. Sommes-nous sur la bonne voie ? Adoptée en septembre 2015, la Déclaration de Pékin engage fermement les gouvernements, les organisations et les institutions internationales à tous les niveaux dont le gouvernement marocain, signataire du Programme d'action de Pékin. Il est impliqué depuis 1998 dans le processus de la mise en œuvre de sa plateforme autour d'objectifs d'égalité, de développement et de paix pour toutes les femmes dans le monde, dans l'intérêt de l'humanité tout entière. Certes, des progrès ont été réalisés au Maroc, mais leur évaluation a mis l'accent sur des inégalités à tous les niveaux et des embûches, entraves et lacunes au niveau légal, qui empêchent les femmes de jouir pleinement de leurs droits sur un même pied d'égalité avec les hommes. D'où la nécessité de mettre en place de mesures et instruments pérennes pour asseoir les bases solides d'une société où règne droits, justice sociale, équité et égalité. Une lecture des rapports Beijing+15 et Beijing +20 des gouvernements d'une part et parallèles de la société civile d'autre part sont éloquents et convergent vers les craintes associatives. Les 12 axes d'intervention critiques de promotion des droits des femmes contenus dans la plateforme de Beijing permettent de faire une certaine lecture comparative. A-t-on progressé ? Sommes-nous sur la bonne voie ? Que reste-t-il à faire ? Y-t-il vraiment ce retour en arrière ressenti ? Le rapport gouvernemental Beijing +15 a été présenté lors du mandat ministériel de Mme Nouzha Skalli, le rapport parallèle présenté aux Nations Unies a été élaboré par Mme Naima Chikhaoui pour les associations féministes et féminines en 2009 pour la marge 1995/2010. Quant au rapport gouvernemental Beijing +20, il sera présenté entre le 9 et le 16 mars au sein de la 59ème session de la commission de l'association de la femme à New York, par la ministre actuelle, Mme Hakkaoui et le rapport des 38 ONGs et coalitions féminines marocaines sur la mise en œuvre de la Déclaration et de la Plateforme de Beijing1995-2015 est chapeauté par l'Association Démocratique des Femmes du Maroc. Délit de non-implication Dans son rapport, l'ADFM a relevé tout d'abord les avancées et acquis réalisés depuis 2010, se référant à la nouvelle Constitution de 2011, qui consacre l'égalité et la promotion des Droits humains, lesquelles restent en deçà des attentes, côté mise en œuvre. Si la constitution comporte 18 dispositions relatives aux droits des femmes et à la parité, des discriminations profonds et des violations de Droits subsistent, faute de lois cadres. Le volet le plus pertinent étant l'harmonisation des législations avec les dispositions de la nouvelle Constitution et les engagements pris par le Maroc. En deuxième lieu, la société civile reproche au ministère de tutelle sa « non implication » dans le processus d'élaboration des projets de lois et de l'élaboration du rapport national. L'article 19 de la Constitution consacre le principe de l'égalité entre les hommes et les femmes et parle du mécanisme de parité : l'Autorité pour la Parité et la Lutte contre toutes les formes de Discrimination comme étant garant des progrès. Seulement, le gouvernement conservateur de 2011 n'affiche aucune volonté politique pour la concrétisation de ces objectifs. Côté gouvernemental, 1998 marque son exécution des recommandations de Beijing, par la mise en place d'un mécanisme chargé des questions relatives aux droits des femmes : Secrétariat d'État chargé de la famille, de l'Enfance et des Personnes Handicapées et par l'élaboration d'un Plan Nationale d'Intégration des Femmes au Développement élaboré en 1999, qui marquent une volonté politique. En 2002 a été établie la Stratégie Nationale de lutte contre le Violence à l'égard des femmes, dont le projet de loi n'a, jusqu'à maintenant, pas vu le jour. La Stratégie Nationale pour l'Intégration de l'équité et de l'Égalité entre les Sexes par l'Intégration de l'Approche Genre dans les Politiques et les Programmes de Développement a été soumise, en 2006, mais n'est toujours pas concrétisée.