Avec la tenue de cette seizième édition à Tanger à partir du 20 février 2015, le Festival National du Film (F.N.F.) aurait passé le cap des 30 années d'existence. De ce fait, il demeure le festival de cinéma le plus ancien encore opérationnel au Maroc après celui du cinéma africain lancé en 1977 à Khouribga et après celui mort-né du cinéma méditerranéen qui n'eut droit qu'à deux orphelines éditions en 68 à Tanger et 69 à Rabat. Organisé par le Centre Cinématographique Marocain (C.C.M.) avec la collaboration des chambres professionnelles, notamment celles des producteurs, des distributeurs et des exploitants de salles, le festival tint sa première édition à Rabat avec seuls lieux d'activités la salle "7ème art" où se tenaient les projections et les salons étroits de l'hôtel "Balima", terrain ouvert à tous les débats aussi houleux soient-ils. La tenue de la première édition du festival en 1982 est venue couronner la politique rationnelle du directeur du C.C.M. de l'époque, en l'occurrence Kouider Bennani, à qui l'on doit la création du fonds de soutien à la production nationale, fonds qui permit de disposer enfin d'une production locale représentant le visage économique, social et culturel du Maroc. En même temps est crée le complexe cinématographique avec son laboratoire couleurs et son auditorium, coûteux certes mais de quoi jalouser plus d'un pays. Les cinéastes marocains, grâce aux efforts financiers déployés par l'Etat, bénéficient enfin d'une infrastructure viable leur permettant de réaliser entièrement leurs films chez eux au lieu d'avoir recours aux compétences et moyens étrangers. Ne disposant d'aucune garantie de production, les organisateurs prennent garde de ne fixer aucun délai ni période concernant la tenue du festival, car cela va dépendre du rythme incertain de production. Festival annuel? biennale? rien n'est si sur. Sa tenue va dépendre plutôt du cumul du nombre de films réalisés. L'édition de Casablanca en 1984 relevait presque de la surprise mais ne garantissait aucune périodicité régulière non plus. Elle est moins réussie que la première où les cinéphiles et professionnels découvraient des œuvres aussi profondes que "Le mirage" d'Ahmed Bouanani, "Les beaux jours de Shahrazade" de Mustapha Derkaoui, "Le coiffeur du quartier des pauvres" de Mohamed Reggab, "Le grand voyage" de Mohamed Abderrahman Tazi, "Poupées de roseaux" de Jilali Ferhati, c'est à dire les films qui vont constituer le trésor filmique du Maroc du cinéma. L'hommage tardif rendu à Mohamed Ousfour, jusqu'ici un inconnu dans le domaine, va surprendre les participants contraints de reconnaître ce pionnier issu de la préhistoire et dont les plus érudits ne soupçonnaient même pas l'existence. De l'édition de Casablanca va émerger l'oeuvre du peintre Mohamed Aboulouakar intitulée "Hadda", jugée trop longue, trop chargée, confuse, voire insupportable et pourtant récompensée par la plupart des prix que l'écrivain Tahar Benjelloun a du mal à justifier. Après Casablanca, c'est la traversée du désert pour le festival qui tarde à se tenir une troisième fois, faute de films produits en cette période des vaches maigres. Enfin, c'est au tour de Meknès dont revient le mérite d'accueillir et le festival du film et le premier colloque sur le cinéma au Maroc confié à Hassan Smili, doyen de la faculté Ben Msik à Casablanca. C'est une édition réussie grâce à la qualité des films en compétition notamment "Un amour à Casablanca" d'Abdelkader Lagtaa, "La plage des enfants perdus" de Jilali Ferhati et surtout la qualité des débats desquels vont découler les recommandations classiques pour développer le secteur, recommandations qu'on va reconduire et réactualiser incessamment dans les années qui suivent. La quatrième édition tenue à Tanger en 1995 a également toute son importance puisque, pour la première fois, la compétition est ouverte aux cinéastes marocains résidents à l'étranger. Cette ouverture va permettre de hisser le niveau en particulier celui des courts métrages qu'ils savent si bien réaliser grâce aux compétences dont ils bénéficient en pays d'exil mais surtout de "rapatrier" ces cinéastes dans leur pays d'origine en vue d'insuffler du sang neuf si nécessaire au cinéma national. Depuis Tanger, mais également Marrakech, et Oujda, le festival va entrer dans sa phase de sédentarisation tangéroise sur un coup de tête et contre l'avis des professionnels et cinéphiles encore charmés par l'itinérance du festival national du film, à la quête d'un lieu mais aussi d'un public fervent de son propre cinéma.