Comme nous l'avions annoncé dans notre édition de vendredi dernier, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a rendu son avis dans un rapport sur « les discriminations à l'égard des femmes dans la vie économique : réalités et recommandations». Ce rapport se situe dans la série d'études sur la « promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes dans la vie économique, sociale, culturelle et politique » que le Conseil se propose d'entreprendre dans le cadre d'auto-sasines. Ces discriminations à l'égard des femmes dans ce domaine relevées par le Conseil sont déterminées aussi bien par les politiques publiques qui marginalisent la femme et la question genre que par les mentalités et les structures sociales qui prévalent encore et que le CESE ne manque pas d'évoquer dans son rapport Malgré que les réformes constitutionnelles et normatives ont permis des avancées quant à la participation des femmes au développement, leur effectivité demeure insuffisante en l'absence d'une vision claire qui implique concrètement l'égalité des sexes et des mesures actives pour en assurer effectivement la matérialisation aux plans institutionnel, économique, social et culturel, note le CESE. La dimension économique concerne la part des femmes dans l'activité de production et d'échange des biens et des services et questionne l'impact de l'ensemble des politiques publiques sur la part des femmes dans la distribution des richesses et des patrimoines, et sur leur place dans le fonctionnement des institutions et des mécanismes économiques. Au Maroc, près de 12,3 millions de femmes sont en ‰ge d'activité (15 ans et plus), soit 2,5 millions de plus qu'en 2000. Elles résident majoritairement en milieu urbain (60,3%), plus de la moitié d'entre elles est analphabète (52,6%) et moins d'un tiers (32,9%) dispose d'un diplôme. Le premier constat de ce rapport et le plus préoccupant, est que la participation économique des femmes a régressé ces dernières années : le taux d'activité des femmes est passé de 28,1% en 2000 à 25,1% en 2013. Parallèlement, le nombre de femmes au foyer a augmenté plus vite que la population féminine en ‰ge d'activité. Ces chiffres se répercutent sur les classements internationaux du Maroc par rapport aux questions d'écart de genre, 133 ème rang sur 142 pays en 2014, alors qu'il occupait le 129 ème rang en 2013 et le 127 ème en 2010. Il occupe le 135 ème rang dans la participation économique de la femme. Il se situe au 116 ème rang sur 128 pays pour l'efficacité des politiques et mesures d'autonomisation économique des femmes Il est 24 ème sur 30 en matière de politiques et de mécanismes d'appui et d'accompagnement des entreprises féminines ˆ fort potentiel et figure parmi les pays de culture conservatrice en matière d'acceptabilité du rôle socio-économique des femmes au sein de la société. Plusieurs observateurs convergent sur le constat que les femmes restent concentrées dans des activités peu valorisantes sur le marché du travail. Elles sont victimes de discriminations salariales. Celles qui ont reçu une éducation sont plus exposées au chômage. Les entreprises privées respectent très faiblement les engagements contenus dans le code de travail. La fonction publique au niveau du leadership reste très peu féminisée et l'accès des femmes aux postes de décisions très limité. L' avis du CESE établit quelques grands constats sur les différences entre les femmes et les hommes en termes d'activité, de situations et de potentialités économiques. Il met en exergue successivement les spécificités du salariat et de l'entreprenariat féminin, puis questionne brièvement les déterminants socio-culturels des discriminations dans la vie économique, avant de conclure par des recommandations. Le CESE précise que ses recommandations formulées par le CESE à l'issue de son analyse s'inscrivent dans la continuité de celles formulées par le Conseil dans son rapport: « Concrétiser l'égalité entre les femmes et les hommes, une responsabilité de tous : concepts et recommandations normatives et institutionnelles » qui a été publié en 2012. A ce titre, le Conseil rappelle en particulier, la nécessité de : - l'adoption dans les meilleurs délais de la loi portant création de l'APALD ; - l'intégration du principe de l'égalité entre les hommes et les femmes en tant que fondement de la citoyenneté marocaine dans les programmes éducatifs et curricula des enseignants ; - la participation active des médias dans la prévention et la lutte contre les stéréotypes sexistes et l'appropriation par tous du principe de l'égalité entre les femmes et les hommes. Dans le cadre de ce rapport le CESE propose au gouvernement, pour la promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes dans la vie économique, d'agir sur 4 leviers, chaque levier constituant un objectif. Pour chaque objectif, le CESE recommande des mesures concrètes. Se doter d'instruments performants et d'indicateurs conformes aux conventions et normes internationales, qui permettent d'appréhender l'effectivité de l'égalité entre les femmes et les hommes dans la vie économique en tant qu'outil pour la réduction des inégalités. - harmoniser la définition des indicateurs produits par les différents organismes (dont en particulier, le HCP), notamment avec la convention relative aux Droits de l'Enfant et les normes du BIT. Il s'agit en particulier de : - respecter la Convention Internationale des Droits de l'Enfant dans la définition des indicateurs produits, notamment par le HCP et adopter l'âge de 15 ans comme unique âge minimal d'activité ; - remplacer la catégorie « Femmes au foyer », qui normalise d'une part une représentation sexiste, l'homme pourvoyeur de ressources et la femme au foyer utilisatrice de ressources, et qui constitue par ailleurs une violation des Droits de l'Enfant en masquant leur exploitation illicite, par deux nouvelles catégories "Personnes adultes au foyer" et "Enfants déscolarisés"; - supprimer la catégorie « aides familiales », qui entérine de fait des emplois inacceptables et capter les éléments d'information correspondants à partir du concept de « travail décent » du BIT... Le CESE recommande aussi d'activer la mise en place de l'Observatoire National de l'Emploi et lui confier la mission de produire régulièrement des données et des informations aux décideurs sur la participation des femmes à l'activité économique et des discriminations auxquelles elles font face (écarts salariaux, couverture sociale, progression de carrière, segmentations horizontale et verticale du marché de l'emploi....). - de mettre à jour régulièrement et rendre publiques les données et informations relatives au budget-temps des femmes et des hommes en âge d'activité. - et d'intégrer, dans le champ des revues opérées par l'Inspection du Travail, le contrôle des obligations légales de non-discrimination et inclure dans le bilan social annuel du ministère de l'Emploi et des Affaires sociales un chapitre spécifique dédié à l'égalité d'accès et de traitement.