Le mouvement de colère contre la publication d'une caricature du prophète Mahomet par "Charlie Hebdo" s'amplifie au Niger. Après les violences qui ont fait cinq morts vendredi à Zinder, cinq personnes ont été tuées samedi dans la capitale, Niamey. Au lendemain d'émeutes à Zinder, deuxième ville du Niger, où cinq personnes ont été tuées et 45 autres blessées, le mouvement de colère contre "Charlie Hebdo" s'est étendu, samedi 17 janvier, à la capitale nigérienne. Au moins cinq personnes ont été tuées à Niamey, a annoncé le président Mahamadou Issoufou dans un discours d'une dizaine de minutes retransmis à télévision nationale. Quatre corps calcinés ont été découverts dans des églises incendiées et le corps d'une femme – probablement asphyxiée par les gaz lacrymogènes – a été retrouvé dans un bar. Le président nigérien a assuré que les responsables de ces "manifestations sauvages" seront "identifiés et châtiés conformément à la loi". Une enquête a déjà été ouverte, a-t-il fait savoir. "Ceux qui pillent ces lieux de culte, qui les profanent, qui persécutent et tuent leurs compatriotes chrétiens ou les étrangers qui vivent sur le sol de notre pays n'ont rien compris à l'islam. [...] Savent-ils qu'en se comportant de la sorte, ils incitent les populations des pays où les musulmans sont minoritaires à profaner et à détruire les mosquées ? Savent-ils qu'ils portent préjudice à nos nombreux compatriotes qui vivent dans des pays à majorité chrétienne ?", a-t-il demandé. Le président a lancé un "appel au calme" en demandant aux Nigériens de se "démarquer de ces agitations". Il a invité les musulmans du pays à "continuer l'exercice de [leur] foi dans la tolérance, dans le respect de celle des autres", comme il "demande aux autres de respecter notre foi". Mahamadou Issoufou faisait partie des six chefs d'État africains qui ont participé à la Marche républicaine le 11 janvier à Paris, après les attaques terroristes. Plus de 20 églises détruites à Niamey Samedi, des manifestants réunis près de la principale mosquée de la capitale s'en sont pris à un commissariat et des véhicules de police. Selon Moussa Kaka, correspondant de France 24 à Niamey, 23 des 45 églises que compte la capitale ont été complètement détruites ; sous haute protection militaire, la cathédrale n'a pas été endommagée. Des drapeaux français ont également été brûlés. Les heurts ont éclaté lorsque les autorités ont interdit une marche organisée à l'appel de dignitaires musulmans locaux. Les policiers ont tiré des cartouches de gaz lacrymogènes contre des groupes de manifestants, qui ont répliqué par des jets de pierres et de bouteilles incendiaires et érigé des barricades. Quatre prédicateurs à l'origine de l'appel à manifester ont été arrêtés. Le calme est revenu dans l'après-midi mais des associations islamiques ont appelé à une nouvelle marche de protestation pour dimanche. D'autres manifestations ont été signalées à travers le pays de 17 millions d'habitants, à 98 % musulmans selon les chiffres officiels. À Maradi, à 600 km à l'est de Niamey, deux églises ont été incendiées. Une autre église a été ravagée par les flammes dans la ville de Gouré (est), de même qu'une résidence appartenant au ministre des Affaires étrangères. Le Quai d'Orsay a appelé les Français présents au Niger à "renforcer la vigilance, respecter les conseils de sécurité et éviter les rassemblements et les attroupements". L'ambassade de France à Niamey appelle pour sa part les quelque 2 000 ressortissants français présents dans le pays à "éviter toute sortie". "La France condamne le recours à la violence, aujourd'hui à Niamey, hier à Zinder", a déclaré Laurent Fabius dans un communiqué diffusé en début de soirée. Le bilan des violences de la veille à Zinder s'est alourdi samedi à cinq morts après la découverte d'un cadavre calciné dans une église incendiée. Le centre culturel franco-nigérien de la ville a également été mis à sac. Mais samedi soir, 300 chrétiens étaient toujours placés sous protection militaire à Zinder. Selon une source sécuritaire, 255 chrétiens étaient réfugiés dans une caserne de la ville. Par ailleurs, ils étaient environ 70 à s'être retranchés dans une église évangélique, protégée par une centaine de gendarmes et de policiers, ont témoigné deux d'entre eux.