Aboubakr Belkora qui s'est longtemps présenté en pourfendeur de la corruption dans l'attribution des marchés publics et au sein de l'administration locale et en gestionnaire «intègre» a été rattrapé par l'histoire, la petite histoire. Après avoir fait l'objet d'une mesure de révocation entamée par le ministère de l'intérieur en 2009, décision «dictée par la réalité des irrégularités constatées par les commissions en charge des opérations de contrôle, qui ont concrètement relevé que la gestion de certaines communes, dont la commune de Meknès, est contraire aux lois en vigueur», l'ex président du conseil municipal PJD se trouve au cœur d'une affaire judicaire pour «dilapidation de deniers publics». En effet, l'ex-président a été déféré devant le juge d'instruction de la section spécialisée dans les affaires financières près la Cour d'Appel à Fès dont la mission est justement de statuer notamment dans les délits de corruption, détournement de fonds et abus de pouvoir. Plusieurs élus de l'époque, dont des membres du bureau du conseil, ont été entendus par le juge dans cette affaire. Le dossier d'instruction N° 90/470 devrait révéler des irrégularités flagrantes passibles d'emprisonnement ferme. Ce sont 20 personnes qui se trouvent actuellement sur le banc d'accusation. L'ex-président a entraîné dans son sillage des membres de sa famille dont son épouse et son fils, des membres du conseil communal dont son vice-président et plusieurs intervenants dans des marchés publics douteux. Les déclarations aux enquêteurs de M. Abbas Lomghari, vice-président, à l'époque, devant les enquêteurs est édifiante : «Nous avons contesté en tant qu'élus la gestion de Belkora, plus particulièrement le monopole qu'il exerçait concernant les grands projets, les décisions unilatérales du président. Nous avons à l'époque demandé une réunion d'urgence en date du 15-05-2008 pour avoir des explications sur le détournement d'un espace vert en zone d'habitation dans le projet connu sous V 114, les dérogations multiples octroyées et le projet de son épouse «Nouria». Nous avons à l'époque, en tant qu'élus, demandé par écrit au président de la Cour des comptes à Fès l'ouverture d'une enquête sur les marchés publics relatifs à la réhabilitation de Zine El Abbidine et la dilapidation des biens communaux par la vente dans le lotissement Ras Aghil avec des prix très inférieurs au prix réel». Avec l'instruction du dossier à Fès, les irrégularités révélées par l'IGAT (Inspection Générale de l'Administration Territoriale), lors de son passage à Meknès et qui ont motivé la destitution de M. Aboubakr Belkora, refont surface. Les faits reprochés à l'ex-président sont avérés et reconnus par des accusés au cours de l'enquête diligentée par le parquet. Octroi de huit permis de construction ainsi que de 18 permis d'habitat d'une manière illégale, non application de la procédure relative aux infractions dans le domaine de l'urbanisme et dont le nombre avait atteint 500 cas, dérogation octroyée à l'épouse du président relative à la construction d'une résidence composée de 200 appartements dans une région de zone Villas et construction d'un cinquième étage non autorisé. Le président avait à l'époque délivré trois certificats illégaux relatifs au même projet et la propriétaire, l'épouse du président en exercice à ce moment-là, avait, selon le rapport d'inspection et l'enquête judiciaire qui s'en est suivie, bénéficié d'une exonération illégale des impôts estimée à plus d'un million de dirhams, sur les opérations de construction sous prétexte qu'il s'agirait de l'habitat économique. Par ailleurs, les enquêteurs se sont penchés sur le fameux projet «L'Hacienda» plus connu à Meknès sous le vocable «ZV 114», dont la dérogation a été octroyée au temps de Belkora par les services de la wilaya. Cela a révélé en septembre 2009 que ce projet serait entaché d'irrégularités, des infractions graves de types juridiques et organisationnels, notamment un rapport de la commission des dérogations en contradiction avec les dispositions de la circulaire ministérielle N° 27/3020 datée du 4 mars 2003, un schéma de structure du projet retenu par les services de la municipalité alors qu'il ne remplissait nullement les conditions légales requises, le même schéma directeur a été accepté par les services de la municipalité le 4 juillet 2005, en dépassant les six mois mentionnés dans la circulaire ministérielle N° 27/3020 du 4 mars, des travaux d'aménagement du projet relatifs au schéma de structure des lotissements hors des délais réglementaires, une violation flagrante de la loi 25/90, plus particulièrement l'article 38 en procédant à une réalisation du projet par étapes. Autres dysfonctionnements relevés par l'IGAT, à l'époque, le projet qui présente un cas flagrant de spéculation immobilière non légitime, ne répond pas aux normes socioéconomiques, urbanistiques citées dans la circulaire ministérielle N° 27/3020 organisant les dérogations, il est en plus en contradiction avec les dispositions de l'article 26 de la loi N° 12/90relatif à l'urbanisme. En fait, le procès, toujours en instruction à Fès, risque de dévoiler bien des secrets sur la gestion de la cité ismaïlienne. On l'avait dénoncé à l'époque sur les pages de L'Opinion. On savait depuis longtemps que les gestionnaires de la chose publique à Meknès se sont engouffrés petit à petit dans «un discrédit» qui ne dit pas son nom auprès des populations. Ce discrédit qui avait poussé le commun des meknassis à rejeter toute implication dans des projets jugés douteux... La déception est à la mesure des espérances nourries par des discours qui se sont révélés à la longue de simples exercices de style. Certes Belkora a été révoqué et l'instruction s'éternise sur un cas d'école de possibles «dilapidation de deniers publics», mais d'autres élus poursuivis dans cette affaire, continuent, dans une impunité totale, bénéficiant de la lenteur judiciaire constatée dans ce dossier, à gérer les affaires de la cité. C'est un dossier qui traîne depuis 2009, qui s'éternise en instruction. Un procès qui s'enlise laissant des personnes accusées de corruption, détournements de deniers publics, non-respect des lois en vigueur relatives à l'octroi des marchés publics, non respects des règlements concernant l'urbanisme, continuer à gérer les affaires de la cité. Nous reviendrons sur d'autres aspects de ce dossier qui continue d'alimenter les discussions à Meknès.