Les autorités de la région autonome du Kurdistan d'Irak affirment que leurs combattants ont brisé, jeudi 18 décembre, le siège du mont Sinjar, derniers replis des Yézidis dans le nord-ouest du pays. Massoud Barzani, président de la région, déclare à l'agence Associated press qu'un corridor a été ouvert par ses troupes, au sol, « pour évacuer ces gens ». Le Pentagone, moins définitif, avait également annoncé jeudi dernier que les forces armées liées au Parti démocratique du Kurdistan (PDK) de Barzani, appuyées par des bombardements aériens de la coalition internationale emmenée par les Etats-Unis, avaient repris une centaine de kilomètres carrés aux djihadistes de l'Etat islamique (EI), dans cette région désertique proche de la frontière entre l'Irak et la Syrie. Le PDK a lancé son offensive mercredi. L'armée américaine a dit avoir mené 45 raids depuis lundi pour pour soutenir ces « peshmergas » (le nom des combattants kurdes d'Irak), sans préciser les secteurs visés. Des images diffusées par le gouvernement autonome du Kurdistan irakien ont montré les carcasses calcinées de véhicules de l'EI et le drapeau des djihadistes flottant sur des positions abandonnées. Un peuple martyr Les Yézidis assiégés à Sinjar sont une population de langue kurde, adepte d'une religion héritée du zoroastrisme. L'EI avait attaqué leur région en août. Les peshmergas du PDK, alors dominants dans la région, avaient fui devant l'avancée des djihadistes, abandonnant les Yézidis à leur sort. Des centaines avaient été tués dans les villages, notamment par leurs anciens voisins arabes sunnites, ralliés à l'EI. Des femmes capturées systématiquement par les djihadistes ont été transformées en esclaves sexuelles : un trafic qui a été légitimé et codifié par la hiérarchie de l'EI. Des dizaines de milliers d'autres Yézidis avaient, eux, trouvé refuge dans la montagne proche, un havre sacré pour eux, où ils avaient été assiégés. Leur calvaire avait conduit les Américains à commencer leurs bombardements aériens, et précipité une aide internationale vers les forces du Kurdistan d'Irak, notamment de la France, qui les jugeait seules capables de contenir l'EI sur le terrain. Les Yézidis avaient finalement été secourus par les rebelles kurdes de Turquie du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), organisation rivale du PDK, puissante dans le nord de la Syrie voisine. Le PKK, groupe marxiste-léniniste, a par la suite monté un camp d'entraînement pour les Yézidis sur le massif, et dépêché des commissaires politiques. Rivalités kurdes pour le contrôle de Sinjar L'EI a brisé fin septembre le corridor que le PKK avait ouvert entre les monts Sinjar et les zones kurdes syriennes voisines. Depuis, les Yézidis réfugiés dans la zone manquaient de nouveau de tout. Soumis à une lutte d'influence entre le PKK et le PDK, ils étaient devenus dépendants de ce dernier, malgré le ressentiment provoqué par la fuite de ses forces au début de l'assaut de l'EI : le PDK contrôlait les hélicoptères par lesquels arrivait leur faible ravitaillement. Une partie des Yézidis avaient déjà fui à l'été vers les zones de Syrie sous influence du PKK, et de là vers la Turquie, le Kurdistan d'Irak ou l'Europe, notamment vers l'Allemagne où vit une importante communauté yézidie. Parmi ceux qui sont restés dans les monts Sinjar, des unités combattantes se sont formées, qui ne peuvent toutefois défendre seules leurs terres.