Mohamed Bastaoui n'est plus. A Dieu ce qu'il a donné et à Dieu ce qu'il a repris. Que la volonté de Dieu soit faite. Endeuillée, la communauté d'artistes fait le bug. La singularité du défunt, aimé, adulé, encensé, respecté au plus haut point, aura marqué de son empreinte la jeune expérience de la scène marocaine depuis des années et pas seulement. Son statut d'artiste intègre, conciliant, flamboyant, redoutable au théâtre comme au cinéma par son talent inné, fait de lui, un homme pétri de sagesse et de bon sens. Acteur venu de très loin. De son Khouribga natal. Je l'entends encore se surprendre de pouvoir accéder à un rang d'avant-garde dans une profession cantonnée presque aux grandes villes. Il arpente les meilleures scènes du théâtre sous la houlette de Masrah Al Yaoum et de Masrah Cham's, entre autres, avant d'enfoncer le portail des plateaux du cinéma, via un succès indéniable à la télévision. Réservoir d'idées, prolifique, engagé pour le peuple. Il le représente dignement sur le terrain de l'expression artistique dans le sens plein du terme. Passant du burlesque au loufoque, du drame à la tragédie. Il ne rechigne point à succéder les productions les plus incongrues, les plus contradictoires, mais à chaque fois son sens aigu du devoir lui assure l'aboutissement escompté. Homme de culture, il épouse très tôt les textes fondamentaux de la pensée arabe qu'il manie avec dextérité. De la même façon que son doigté à interpréter les rôles qui peuvent être sujet à caution : celui du campagnard qu'il rend fidèlement sans jamais susciter de susceptibilité malveillante dans d'innombrables productions. Celui du résistant algérien lors des années cinquante : « Sotto Vocce » de Kamal Kamal ou de l'artiste des années soixante et soixante-dix: « L'orchestre des aveugles » de Mohamed Mouftakir, où son art est son apogée. Un homme de dialogue. Un démocrate. Un frère. Un père de famille qui aura, avec son épouse, l'éplorée et non moins délicieuse, Souad Nejjar, tenu à inculquer à ses enfants les fondamentaux du génie marocain, la science de séparer la bonne graine de l'ivraie. Et voilà tout le référentiel culturel qu'égrène l'identité marocaine qui traine dans son sillage en toute humilité. Représentatif d'un terroir local qui déborde de la richesse d'un patrimoine singulier. Sans nulle prétention, Mohamed Bastaoui, a souvent constitué, un exemple pour ses pairs. Je l'entends encore rouspéter pour dire que « je n'ai de leçon à donner à personne. Au contraire, c'est moi, personnellement, qui apprend de mes collègues. » Les autres n'y trouvent à redire. Comédiens comme metteurs en scène de théâtre ou réalisateurs de télévision et de cinéma, sont gagnés par la magie de son talent. Sa générosité. Sa réactivité. Ses ondes positives. Son sourire éternel. Tu t'en vas mon ami avec une partie de tout un chacun de nous en toi. Même ceux qui ne t'ont pas connu personnellement te pleurent à grosses larmes. Que dire de ceux qui t'ont approché, fréquenté, aimé. Ton apparition dans mon premier court métrage « Dream Boy » (2003) me fait d'autant plus honneur aujourd'hui que je me résignerai dans mon malheur de ne pouvoir faire mieux ensemble ici-bas. J'implore le Tout Puissant de t'entourer de Sa Sollicitude et de t'accueillir parmi les prophètes, les croyants, les martyrs et leurs compagnons. Je n'en ai le moindre doute, après avoir témoigné de l'engouement populaire qui a animé tes funérailles, de la sérénité qui a régné lors du dîner de mort en ce mercredi 17 décembre, en l'honneur de ta mémoire et pour la paix de ton âme apaisée. Repose en paix. Nous sommes à Dieu et à lui nous retournons. *Auteur/réalisateur