Les entreprises, de la plus simple à la multinationale, sont soucieuses de maîtriser leurs coûts et plus particulièrement le coût fiscal. La maîtrise de la variable fiscale est alors essentielle pour assurer une meilleure rentabilité et une meilleure compétitivité. Dans un contexte mondial de plus en plus concurrentiel, les entreprises réagissent non seulement au niveau national mais leurs réorganisations sont désormais internationales, plus fréquentes et plus réactives. Elles ont mis en place de nouvelles stratégies de répartition de leurs résultats dans plusieurs pays. De leur côté, plusieurs Etats ont repensé leurs stratégies organisationnelles et fiscales vis-à-vis des entreprises et des différents acteurs économiques. Les administrations fiscales de plusieurs pays se sont professionnalisées en instaurant de nouvelles règles financières, juridiques et fiscales. Elles ont adopté de nouveaux modes organisationnels et de nouvelles exigences opérationnelles. Les différents régimes fiscaux adoptés par un grand nombre de pays pour financer leurs politiques publiques et leurs stratégies économiques et fiscales se sont construites par rapport à différents référentiels. Ces derniers peuvent être classés en deux principales approches complètement opposées : l'approche de « la contribution-obligation » vs l'approche « partenariat-échange ». Il est désormais important de décoder les nouvelles tendances internationales des entreprises et des administrations fiscales au niveau mondial afin de rendre plus visibles les différentes stratégies et options fiscales adoptées par les différents pays. Le système fiscal marocain est marqué par un déficit d'attractivité et une prolifération de mesures fiscales dérogatoires. Par ailleurs, l'investissement étranger au Maroc est marqué par de faibles résultats par rapport aux moyens mis en œuvre. Plusieurs organismes publics sont chargés de promouvoir l'investissement au côté du « Ministère de l'industrie, du commerce, de l'investissement & de l'économie numérique », à savoir : - La commission interministérielle des investissements rattachée au Premier Ministre ; - Comité National de l'Environnement des Affaires, créé en décembre 2009 et rattaché au Ministère des Affaires Générales et de la Gouvernance ; - L'Agence Marocaine de Développement des Investissements (AMDI) créée en 2009 sous forme d'un établissement public ; - Le Fonds de promotion de l'investissement (FPI) pour la gestion des opérations relatives à la prise en charge par l'Etat du coût de certains avantages accordés aux investissements. Les efforts combinés de tous ces organismes ont permis d'attirer à titre d'exemple 3.3 milliards USD d'investissements entrants représentant seulement 0.23% des flux mondiaux en 2013. En sa qualité d'investisseur, le Maroc a réalisé 0.331 milliard USD d'investissements correspondant à 0.023% des investissements mondiaux. De plus, les dernières données publiées par l'administration fiscale américaine (IRS) en 2011 et intégrant le Maroc, font apparaître que les actifs portés par l'ensemble des filiales étrangères américaines s'élèvent à 14 545 milliards USD et ont dégagé un résultat global de 662 milliards USD ayant permis de générer 125 milliards USD d'impôts payés dans le monde. La quote-part du Maroc dans ses investissements américains a atteint 1.7 milliard USD d'actifs (soit 0.012 %) ayant donné lieu à 0.161 milliard USD de résultats (soit 0.024%) et ont généré 0.040 milliard USD de recettes fiscales (soit 0.032%) pour le Maroc. L'objet de la présente étude est d'apporter des éléments d'analyse et d'identifier des leviers d'actions sur la base desquels l'attractivité financière, juridique et fiscale du pays pourrait être construite en aménageant le cadre juridique pour simplifier les procédures administratives, en allégeant la pression de la fiscalité par la réduction du taux normal de l'impôt sur les sociétés, par des exonérations ciblées et par la mise en place d'une fiscalité de groupe notamment. Cette construction pourrait être soutenue par l'élargissement de l'assiette fiscale grâce à l'imposition de nouveaux produits générés par la mondialisation comme les actifs incorporels, les produits dérivés et les managements packages entre autres. Pour une meilleure attractivité financière, juridique et fiscale Le thème de l'attractivité économique et fiscale du Maroc a souvent fait l'objet de réflexions des politiques économiques ces dernières années. La question de l'attractivité reste néanmoins imparfaitement appréhendée. Plusieurs facteurs peuvent être distingués pour agir sur le déficit de l'attractivité du pays et à améliorer sa compétitivité juridique, financière et fiscale. C'est pourquoi toute réforme en ce sens doit prendre en compte : - La généralisation de la culture de l'entreprise et de l'entrepreneuriat ; - La nécessité de l'ouverture de l'économie du pays à l'international ; - L'instauration d'un cadre réglementaire directeur assurant une visibilité claire et stable en faveur des entreprises ; - L'adaptation de la réglementation financière, juridique et fiscales aux nouveaux produits et instruments financiers ; - La simplification des textes juridiques et fiscaux et la garantie des procédures de règlement des litiges à travers des tribunaux de règlements amiables ; - La flexibilité du travail et les compétences capables d'absorber la mutation économique. Le Maroc dispose d'une situation géostratégique privilégiée pour aménager son cadre institutionnel afin de favoriser la promotion de l'entreprise et de l'entrepreneuriat. La Banque Mondiale a reconnu explicitement que le Maroc « dispose d'atouts significatifs laissant présager des résultats élevés en termes de croissance et dispose, de plus, d'une très bonne image auprès des agences internationales de notation de risque qui reconnaissent sa stabilité politique et sociale ». Néanmoins, elle a également identifié certaines défaillances et contraintes majeures, notamment en matière de pression fiscale élevée pour les entreprises. Le rapport du CESE reconnaît clairement que « le rôle de l'Etat est traditionnellement fort au Maroc, du fait de l'absence à l'indépendance d'une classe nationale d'investisseurs privés, et de la construction encore en cours des instruments nécessaires au financement et à la régulation d'une économie de marché. L'Economie reste ainsi fortement dépendante des décisions et des choix de l'Etat, qui demeure le premier employeur, le premier investisseur et le premier consommateur dans l'économie nationale». Pour remédier à ces contraintes, il est proposé d'actionner plusieurs leviers financiers, juridiques et fiscaux : - Créer une entreprise au Maroc doit être une simple formalité ; - Proposer un cadre juridique flexible pour attirer les entreprises internationales ; - Instaurer un régime d'exonération totale au profit des nouvelles start-up ; - Renforcer la capacité de financement des PME par la déductibilité des intérêts notionnels ; - Introduire un régime attractif de participation exemption ; - Instaurer des mesures fiscales plus favorables au report des déficits ; - Instaurer un régime attractif de fiscalité de groupe sous forme d'intégration fiscale ; - Démocratiser la pratique de ruling ; - Proposer un dispositif favorisant l'innovation ; - Proposer un dispositif attractif pour la localisation des « actifs incorporels» ; - Instaurer une cadre financier, juridique et fiscal adapté aux « produits dérivés » ; - Proposer un cadre fiscal favorisant les activités de gestion d'actifs financiers ; - Instaurer un cadre juridique et fiscal sécurisé et adapté des « Managements packages» marocains à des salariés étrangers et adapter des « Managements packages » étrangers à des salariés marocains » ; - Instaurer un statut de personne Résident non domicilié « Personnel Tax non Domiciled » ; - Définir un cadre fiscal attractif et adapté à la finance islamique ; - Améliorer les conditions, les moyens et la performance du contrôle fiscal au Maroc pour appréhender l'évasion et la fraude fiscale. Un des aspects majeurs de l'attractivité fiscale internationale pour les entreprises étrangères est le taux d'imposition sur les sociétés. Les taux d'imposition normatifs pour les sociétés observés dans les pays de l'OCDE varient de 24% à 35% et dans les pays de l'Union Européenne, ils varient de 12% à 35%. Le Conseil économique et Social (CES) a recommandé en 2012 l'instauration un barème progressif d'IS allant de 15% à 40% selon le résultat imposable selon certaines modalités. Actuellement, le taux normal de l'IS est fixé au Maroc à 30 %. D'autres taux réduits sont applicables à certaines catégories d'entreprises allant de 8% à 10%, selon les cas. De nombreuses exonérations partielles ou totales sont également prévues par le code général des impôts marocain selon des conditions liées au CA réalisé à l'exportation. Le Maroc peut donner un signal positif et volontariste en instituant un taux normal d'IS généralisé à 12%. Le pays possède les capacités économiques lui permettant d'instaurer ce taux d'imposition normalisé de 12% pour toutes les entreprises. Le taux d'imposition normal actuel au Maroc est de 30% et les recettes fiscales d'IS en 2013 ont atteint 43 Milliards MAD par rapport à un PIB de 873 milliards MAD pour la même année. Néanmoins, l'analyse du taux agrégé IS/PIB au Maroc pour la période 2010-2014 fait apparaître un taux d'IS/PIB de 5% de manière stable sur toute la période 2010-2014. La projection de l'application d'un taux d'imposition théorique de 12% montre que les recettes totales d'IS sont estimées à 406 milliards MAD au lieu de 190 milliards MAD calculées sur la base du taux actuel d'IS de 30% pour la période 2015-2018. Il apparaît un manque à gagner de 216 milliards MAD sur la période en exonérant totalement le secteur primaire (Agriculture, Chasse et Pêche). Le Maroc dispose d'une situation géostratégique privilégiée pour aménager son cadre institutionnel afin de favoriser la promotion de l'entreprise et de l'entrepreneuriat. La Banque Mondiale a reconnu explicitement que le Maroc « dispose d'atouts significatifs laissant présager des résultats élevés en termes de croissance et dispose, de plus, d'une très bonne image auprès des agences internationales de notation de risque qui reconnaissent sa stabilité politique et sociale ». Néanmoins, elle a également identifié certaines défaillances et contraintes majeures, notamment en matière de pression fiscale élevée pour les entreprises. Dans le cadre de cette stratégie constructive, il ne faudrait pas voir dans l'adoption et la mise en place de ces propositions une perte de marge de manœuvre et de pouvoir de la part de l'administration mais l'instauration d'un climat de confiance favorisant l'essor économique du pays. * - Enseignant chercheur au Centre de Recherche Européen en Finance et Gestion (CREFIGE) DRM-CNRS-UMR 7088, Université Paris Dauphine - Consultant financier à la Direction des Vérifications Nationales & Internationales (DVNI) au Ministère de l'Economie et des Finances, Paris