Les Tunisiens se rendent aux urnes dimanche pour les élections législatives susceptibles de permettre l'instauration d'une pleine démocratie, quatre ans après la révolution qui a chassé du pouvoir le président autocrate Zine El Abidine Ben Ali. Le parti islamiste modéré Ennahda et son concurrent laïque Nidaa Tounes (Appel de la Tunisie) sont donnés favoris pour ces deuxièmes élections libres depuis la fuite du président Ben Ali en Arabie saoudite. Deux-cent-dix-sept sièges sont à pouvoir. Mais, compte tenu du grand nombre de partis présentant des candidats, des mouvements islamistes salafistes aux socialistes, le nouveau pouvoir qui émergera des urnes devrait très certainement mener à la constitution d'un gouvernement de coalition. Si le rôle de l'islam dans la politique avait dominé les premières élections, en octobre 2011, ce sont les thèmes économiques et la lutte contre les islamistes qui sont désormais les principales préoccupations des Tunisiens, qui dépendent toujours lourdement du tourisme étranger pour leur développement. Ennahda avait remporté les premières élections en 2011 et dirigé un gouvernement de coalition avant de devoir laisser la place à un gouvernement intérimaire après l'assassinat de deux figures de l'opposition laïque. Critiqués pour leur mauvaise gestion économique et leur mollesse dans la lutte contre le fondamentalisme musulman, les dirigeants d'Ennahda disent avoir tiré les leçons du passé. Les candidats de Nidaa Tounes, parmi lesquels figurent certains anciens du régime Ben Ali, estiment être des politiques modernes, aptes à gérer l'économie et les questions de sécurité. Le retour des anciens de l'époque Ben Ali, qui se présentent comme des techniciens qui n'ont pas été touchés par les abus et la corruption du régime, est le symbole de la volonté de compromis à l'oeuvre en Tunisie. Cette ligne politique a permis au pays d'échapper au genre de violences entre anti et pro-islamistes à l'oeuvre en Libye et en Egypte. «Dans ce contexte, les deux principaux partis, Ennahda et Nidaa Tounes, mettront sans doute de côté leurs différends idéologiques et travailleront ensemble pour former un gouvernement d'unité nationale», estime Ricardo Fabiani, chez Eurasia Group. Le nouveau gouvernement aura deux tâches principales : accélérer la croissance économique, attendue à 2,3%-2,5% cette année, et lutter contre les islamistes radicaux qui ont gagné en influence depuis la chute de Ben Ali, notamment le groupe Ansar al Charia, considéré comme une organisation terroriste par les Etats-Unis. Les autorités tunisiennes ont dit craindre que les islamistes ne cherchent à perturber le scrutin. Vendredi, les forces tunisiennes ont tué six personnes, dont cinq femmes, après des affrontements avec un groupe islamiste dans la banlieue de Tunis.