La célébration de l'Aïd Al Adha au Maroc prend des formes et des expressions qui peut varier parfois d'une région à l'autre. Mais partout à travers le Royaume, l'importante fête conserve toute sa portée hautement significative comme rite religieux symbolisant l'immense foi en Dieu, le don de soi et l'altruisme. Dans les provinces du Sud, Aïd El Kbir incarne ainsi, comme pour tous les musulmans, le rituel du sacrifice qui évoque l'épreuve du prophète Sidna Ibrahim, sur lui prière et salut, qui était sur le point de sacrifier son fils, Ismail. Par la grâce et la miséricorde du Très Haut, il a immolé un bélier. Les célébrations en cette journée bénie prennent néanmoins une saveur toute particulière à la mesure du riche héritage culturel hassani. De l'avis du spécialiste de la culture locale, Ibrahim Houcine, les habitants du désert veillent à se préparer bien à l'avance, comme il se doit, à l'avènement de l'Aïd. Juste avant la fête, les femmes appliquent du henné au niveau des mains et des pieds. Elles s'activent aussi pour minutieusement préparer ustensiles et ingrédients nécessaires au jour de la commémoration. L'accomplissement de la prière d'Al Aïd marque le premier des quatre jours de fête. Au vu de la portée de l'Aïd, les petits et les grands portent leurs plus beaux habits, généralement achetés spécialement pour l'occasion. Moment de convivialité et de communion, les familles échangent les vœux et les visites jusqu'à l'approche de la prière d'Adohr, le moment pour s'attabler en famille autour du repas du déjeuner. L'une des particularités de la culture marocaine hassanie en cette pareille occasion bénie consiste, selon Ibrahim Houcine, à offrir aux convives de l'encense et du parfum, une coutume jalousement conservée en tant que symbole d'hospitalité et de fierté. Au moment du sacrifice, le mouton est tourné à la direction de la qabila. Une poignée d'orge mélangée à du henné est placée auparavant dans la bouche de l'animal, une pratique parmi d'autres qui restent propres à cette partie du sud du Royaume tout comme la collecte d'une partie du sang chaud et rougeâtre dans un bocal pour, dit-on, gardés soudés les liens au sein de la famille. Et comme le sacrifice prend, selon une certaine croyance populaire locale, une signification de purification intérieure, des femmes utilisent parfois ce sang, séché et écrasé puis mélangé à du henné, pour préparer des potions qui servent à soigner des maladies. Autre particularité dans cette partie méridionale du Royaume, explique encore le chercheur, est le fait que nombre de tribus et familles s'interdisent la consommation de la viande de l'animal sacrifié le jour de l'Aid, se contentent d' Afchay ou les abats. D'après eux, une transgression de cette règle aura des conséquences sur la stabilité et l'harmonie au sein de la famille. Parmi les autres croyances qui persistent encore se trouvent, selon M. Houcine, l'association du sacrifice à la purification de l'âme contre l'angoisse et l'anxiété, ou encore la conservation du pancréas, suspendu sur le mur de la maison ou à l'entrée de la tente (Al khayma) jusqu'à ce qu'il sèche, pour ensuite appliquer en cas de maladies de peau, pour célébrer une bonne année ou chasser le mal et la discorde au sein de la famille ou du couple. L'interdiction de consommer des parties du mouton, telle la rate ou le cœur, figure aussi parmi les croyances populaires sahraouies car elle signifierait, explique l'expert, une manière de tuer symboliquement le père. Reste que l'Aid El Kebir continue d'être l'une des occasions propices pour perpétuer les liens solides au sein de la famille dont les membres veillent à se rassembler tous sous le même toit, généralement de la personne la plus âgée ou la plus respectée. L'aspect vestimentaire revêt tout aussi une grande importance en cette heureuse occasion religieuse, les familles sahraouies optant généralement pour des habits traditionnels de couleur blanche. Selon le chercheur, le blanc symbolise la pureté et la clarté et renvoie à la culture d'ouverture sur l'autre. Dans la culture populaire hassanie, Aid El Kebir est à la fois un rituel festif où la dimension religieuse côtoie parfois des pratiques tirées de la mythologie et d'une littérature ethnographique complexe qui peut par moment contraster, explique-t-il, avec l'essence même de cette fête religieuse. Mais toutes ces festivités, us et coutumes, qui varient suivant les régions, n'altèrent nullement le fait que cette fête importante est commémorée, comme partout à travers le Royaume, dans le respect des préceptes du Coran et de la Sunna, ainsi que du rite malékite auquel les Marocains sont fidèlement attachés.