Les Palestiniens de la bande de gaza n'avaient guère le coeur vendredi à célébrer l'aïd al-kébir, la plus grande fête musulmane, après une semaine de raids israéliens qui ont coûté la vie à des dizaines d'entre eux. Les Palestiniens de la bande de gaza n'avaient guère le coeur vendredi à célébrer l'aïd al-kébir, la plus grande fête musulmane, après une semaine de raids israéliens qui ont coûté la vie à des dizaines d'entre eux. à Beit Hanoun, dans le nord du territoire, de nombreuses femmes sont réunies dans la maison d'Amjad Hamad, un policier de 18 ans tué lors d'une incursion israélienne le 13 février, tandis qu'un important groupe d'hommes attend à l'extérieur. "Il n'y a pas de fête pour ceux qui ont perdu un être cher, ni d'autre goût que celui des larmes!", s'écrie sa mère, s'offusquant à l'idée de célébrer l'aïd sitôt après la mort de son fils. "Je n'en guérirai jamais. j'espère que (le président américain George W.) Bush et sa famille tomberont raides morts, puis le (premier ministre israélien Ariel) Sharon et ceux qu'il aime. pourquoi ne ressentent-ils pas notre douleur?", s'étonne-t-elle. Des vieilles femmes, parentes ou voisines, approuvent en choeur, estimant qu'à Beit Hanoun personne ne tuera de mouton, qu'il ait un "martyr" dans sa famille ou pas, en référence à l'aïd al-Adha (fête du sacrifice, également connue sous le nom d'aïd al-kébir, ou grande fête), au cours de laquelle on égorge traditionnellement un mouton pour le manger. Après une attaque palestinienne dans laquelle six soldats israéliens ont été tués mardi en Cisjordanie, l'armée israélienne a lancé des représailles massives dans les territoires palestiniens, tuant 24 personnes. l'armée a annoncé vendredi un allègement de son bouclage des territoires palestiniens à l'occasion de l'aïd, permettant aux familles de circuler entre la Cisjordanie et la bande de Gaza ou d'aller à l'étranger. Le ministre israélien de la défense Binyamin Ben Eliezer a affirmé vouloir ainsi "assurer le calme pendant la fête d'al-adha et alléger le fardeau de la population palestinienne qui n'est pas impliquée dans le terrorisme", soulignant que les palestiniens pourraient prier sur l'esplanade des mosquées à jérusalem-est, occupé et annexé par Israël depuis 1967. Dans les rues désertes de la ville de Gaza, seul le sang de moutons révélait que certains observaient le rite, en souvenir d'Abraham, qui était prêt à sacrifier à dieu son fils. Au cimetière des martyrs, où les familles se sont rassemblées pour honorer leurs morts, des enfants distribuent friandises et gâteaux à la foule. Une atmosphère de tristesse règne dans le cimetière, notamment autour de la tombe de Mohammad Helles, tué à 21 ans en novembre 2000, deux mois après le début de l'intifada. "Nous sommes venus après la prière du matin lire le coran et nous souvenir de lui", explique sa soeur Rihab. "Certains ne sont pas d'humeur à célébrer l'aïd après la douleur qu'ils ont subie", ajoute-t-elle, précisant que sa famille sacrifiera quand même un mouton, "parce que cela fait partie de notre tradition religieuse". Un groupe entoure une autre tombe ornée de la photo de deux adolescents de 15 ans, Ahmad Abou Taieh et Ibrahim Omar, tués ensemble lors de heurts avec l'armée israélienne. "Nous sommes brisés, ce n'étaient que des enfants. nous avons essayé de les empêcher d'aller jeter des pierres aux (soldats) israéliens. Je suis personnellement allé plusieurs fois au barrage pour ramener Ahmad à la maison mais il ne voulait pas rentrer", raconte son frère, Raëd. Il ajoute que la famille respectera la tradition, mais "sans grand appétit". "De toute façon, nous n'avons pas l'argent pour acheter un mouton. seuls les riches peuvent vraiment célébrer l'aïd, ils n'ont pas perdu leurs fils dans la lutte, satisfaits qu'ils sont de leur confort matériel", estime Raëd. "Ils ne se préoccupent pas de la Palestine. nous sommes les seuls à le faire et à mourir pour la cause", ajoute-t-il. • Sophie Claudet