Nicolas Sarkozy, mis en examen pour corruption active au terme de sa garde à vue, voit hypothéquées ses chances de revenir en politique: les ténors de l'UMP ont assuré le service minimum mercredi pour le défendre, Manuel Valls récusant de son côté tout soupçon d'une justice aux ordres. Les quelques voix qui se sont fait entendre mercredi matin à droite ont exprimé de «l'amitié» pour l'ancien chef de l'Etat, à défaut d'un franc soutien politique. A l'issue d'une garde à vue, inédite pour un ancien président, M. Sarkozy a été mis en examen dans la nuit pour violation du secret de l'instruction, corruption et trafic d'influence actifs. «Je pense à Nicolas Sarkozy en amitié», a ainsi twitté Alain Juppé, rival potentiel de M. Sarkozy dans l'optique de 2017. Bruno Le Maire, candidat à la présidence du parti qui ne cache plus ses ambitions, lui a également adressé «un message de soutien et d'amitié». Mêmes «soutien» et «amitié» de la part du député Jérôme Chartier, proche de François Fillon, l'ex-Premier ministre qui ne fait pas mystère de sa volonté de tourner la page du sarkozysme. Les juges d'instruction cherchent à établir si M. Sarkozy a tenté d'obtenir des informations couvertes par le secret auprès du haut magistrat à la Cour de cassation, Gilbert Azibert, sur une décision de justice le concernant, en échange de la promesse d'une intervention pour un poste de prestige à Monaco. L'avocat historique de Nicolas Sarkozy, Me Thierry Herzog, et M. Azibert ont également été mis en examen. Aucun de ces cadres de l'UMP ne s'est aventuré à aborder le fond de l'affaire alors que l'UMP, dont M. Sarkozy pourrait briguer la présidence à l'automne, est déjà encalminée dans l'affaire Bygmalion et celle relative au dépassement abyssal des comptes de campagne de l'élection présidentielle de 2012. «Il est bien sûr présumé innocent. Sa défense démontrera son innocence, je le souhaite», a prudemment indiqué M. Juppé dans son message de soutien. M. Chartier dit croire en son innocence mais refuse d'accréditer la thèse d'un «acharnement» de la justice, amplement relayée par les plus fervents soutiens de l'ancien chef de l'Etat. Bruno Le Maire s'est interrogé sur le rôle du pouvoir actuel. Mais il a surtout souligné qu'»une décision de justice s'impose à tous» et qu'»il n'y a pas une justice pour les puissants et une justice pour les faibles». Il a d'ailleurs observé, sur l'affaire Bygmalion, qu'»on est toujours responsable de la campagne que l'on mène, sous tous ses aspects». Valls: «Les faits sont graves» Sans surprise, les proches de M. Sarkozy sont plus virulents mais ils n'ont pas engagé leur habituel tir médiatique. Brice Hortefeux, fidèle entre les fidèles, ne s'est pas encore exprimé. «Je mets en cause l'impartialité d'un des juges» qui «nourrit des sentiments de haine» à l'égard de M. Sarkozy, a cependant accusé le député-maire de Nice, Christian Estrosi. Même argumentaire de la part de l'eurodéputée Nadine Morano qui évoque des «préjugés» chez des magistrats «engagés». Une des juges qui ont mis en examen M. Sarkozy, Claire Thépaut, est l'ancienne dirigeante du Syndicat de la magistrature (SM, gauche). Dans la majorité, c'est Manuel Valls qui est monté au créneau, sur RMC et BFMTV, pour récuser tout soupçon de complot de son gouvernement. «Cette situation est grave, les faits sont graves (...) Et puis cela concerne des magistrats, de hauts magistrats, un avocat, un ancien président de la République», a souligné l'ancien ministre de l'Intérieur. «Mais moi, comme chef du gouvernement, je dois m'en tenir au respect des principes: (...) que la justice puisse travailler en toute indépendance et sereinement et qu'on respecte la présomption d'innocence», a déclaré le Premier ministre. Il a de nouveau assuré qu'il n'avait pas été informé de la mise sur écoute de M. Sarkozy quand il était ministre de l'Intérieur. Le Front national, par la voix du vice-président Florian Philippot, a jugé que «par décence et par réalisme, M. Sarkozy devrait lui-même annoncer qu'il ne cherchera pas à revenir dans la vie politique française à un moment où les Français attendent beaucoup plus d'exemplarité et un renouvellement profond des pratiques au pouvoir.» D'Italie, la voix de sa belle-mère, Marisa Bruni-Tedeschi, s'est élevée pour défendre l'ancien président. Elle s'est déclarée «scandalisée» - dans une interview à la Stampa - par ce qu'elle considère comme une campagne destinée à «couper les jambes» de Nicolas Sarkozy pour l'empêcher de revenir à la tête de la droite française.