La toute-puissante armée devrait confirmer lundi et mardi son emprise de toujours sur le pouvoir en Egypte, où son ancien chef Abdel Fattah al-Sissi est archi-favori après avoir renversé le premier chef d'Etat civil, l'islamiste Mohamed Morsi. M. Sissi, qui a quitté l'armée avec le grade de maréchal pour pouvoir se présenter, a peu à craindre de son unique adversaire à la présidentielle, Hamdeen Sabbahi, tant il est populaire depuis le début de la répression lancée l'été 2013 par le gouvernement intérimaire qu'il dirige de facto contre les partisans de M. Morsi. Il devrait dont devenir le cinquième président issu des rangs de l'armée depuis que des jeunes colonels, Gamal Abdel Nasser au premier rang, ont renversé la monarchie en 1952. Seul Morsi était un civil, mais il a dû son élection en juin 2012 non pas tant à son appartenance aux Frères musulmans qu'au fait que son adversaire au 2e tour était un ancien cacique du régime de Hosni Moubarak, l'ex-général qui a régné sans partage pendant trois décennies sur l'Egypte avant d'être chassé par une révolte populaire début 2011. Et quand des millions de manifestants sont descendus dans la rue un an après son élection pour réclamer le départ de ce président accusé de vouloir islamiser de force la société et la politique égyptiennes, l'armée, qui selon nombre d'experts s'était placée en embuscade en laissant pourrir la situation, a repris les rênes en le destituant le 3 juillet. Même au plus fort de la révolte populaire de 2011, tout en attirant une partie de la rancoeur des jeunes réclamant la liberté dans le tumulte du Printemps arabes, l'armée n'a jamais perdu la main: c'est l'état-major qui a sifflé la fin de la récréation au bout de 18 jours de «révolution» en congédiant Moubarak, et c'est une junte qui a assuré l'intérim jusqu'à l'élection de Morsi. M. Morsi a bien essayé de réduire cet Etat dans l'Etat, en congédiant le maréchal Hussein Tantaoui, ministre de la Défense et chef de cette junte. Mais il l'a remplacé par le chef du puissant renseignement militaire... le général Sissi. Ce même Sissi, promu ensuite maréchal, a installé un président et un gouvernement par intérim et a organisé un processus électoral taillé à sa mesure, selon ses détracteurs et les experts quasi-unanimes. Avec l'accession prévisible de Sissi à la magistrature suprême, «l'armée restaure son rôle dans la politique en Egypte», estime Mustafa Kamel el-Sayyid, professeur de sciences politiques à l'université du Caire. L'armée referme ainsi une parenthèse incongrue dans l'histoire récente de l'Egypte, après avoir laissé l'»expérience démocratique» échouer dans les mains malhabiles et intéressées de Frères musulmans avides de pouvoir après 85 années de clandestinité et de répression.