C'est peu dire que les responsables du parti du chef du gouvernement ont été cueillis à froid par l'annonce de leur position sur le baccalauréat international. Contre toute attente, les responsables PJD se sont succédés pour dénoncer «une recolonisation linguistique». Effet d'annonce qui suscite une totale incompréhension, une volte-face qui en dit long sur les postions et les postures démagogiques des amis de Benkirane. Le programme-pilote du baccalauréat marocain avec l'option française, a été lancé en septembre 2013, sous l'impulsion de l'ex-ministre avec option de l'étendre à toutes les délégations du Maroc. La partie française selon l'accord établi s'est engagée à fournir une aide technique au ministère de l'Education nationale au cours de la phase d'expérimentation. Six centres dans six académies pilotes (Tanger-Tétouan, Meknès-Tafilalet, Casablanca, Doukala-Abda, Marrakech-Tensift-El Haouz et Souss-Massa- Draa) ont été créés pour accueillir les élèves sélectionnés selon les notes obtenues. Au moment du lancement du processus, avec le discours de l'ex-ministre qui avait à l'époque annoncé qu'il «fermait les lycées d'excellence pour proposer mieux aux enfants des marocains : le baccalauréat international», les amis du chef du gouvernement, dont leur bras syndical n'avaient pas bougé le petit doigt pour dénoncer ce qu'ils appellent maintenant la «dérive élitiste et colonialiste». Maintenant qu'on s'apprête à la phase d'extension du dispositif (2014-2015) à l'ensemble des délégations provinciales, déjà prévue dès le lancement du processus, et déjà approuvée par la première version du gouvernement Berkirane, on veut donner l'impression que c'est du nouveau et on se permet de rappeler que certaines dispositions sont non conformes avec la nouvelle constitution. On se permet donc de stigmatiser de façon sournoise un projet élaboré et conçu sous la tutelle de l'ex-ministre avec l'approbation du chef du gouvernement au moment de sa mise à exécution dans le cadre de la continuité de l'administration. Qu'est ce qui a changé entre septembre 2013 et maintenant ? Comment expliquer ce lever de bouclier sur un projet accepté par le chef du gouvernement de la part du parti même du chef du gouvernement ? Des jeux de rôles entre le chef de l'exécutif et les ténors de son parti qui brouillent davantage toute tentative de compréhension et de clarté dans le jeu politique. C'est invraisemblable, incompréhensible, voire même grotesque. Aucune lisibilité crédible de l'action politique. On ne peut à la fois cautionner, en tant que chef de l'exécutif un projet et essayer par des manœuvres de politique politicienne de s'en dédouaner en poussant des «hâbleurs» du parti à le critiquer ouvertement et avec véhémence. Cela dit, revenons au fond du sujet, apparemment la décision d'instaurer le BIMOF (Bac International Marocain Option Français) vise, à long terme, la remise en cause de la politique d'arabisation à laquelle on impute, à tort, tous les échecs du système éducatif marocain. Oui, sur le plan pédagogique et didactique, on peut s'interroger sur un principe fondamental de tout système éducatif : l'égalité des chances. Oui, on avancera à deux vitesses et on marginalisera davantage la Bac, version ancienne. A moins qu'on généralise ce type de bac à tous les lycées, et surtout pour tous les élèves. Oui, on ne peut que s'étonner de ces prises de décision unilatérales, sans études préalables, de fermer, sans préavis, les lycées d'excellence pour propulser le Bac international. Oui, le BIMOF passe actuellement par une phase expérimentale, ce qui implique logiquement une évaluation sérieuse de l'expérimentation avant la généralisation, sinon à quoi aurait servi cette phase préparatoire ? Oui, on a l'impression de naviguer à vue et d'oublier la Charte de l'Education et de la Formation, qui représente un consensus national. Oui, on peut s'interroger sur la manière qui a conduit à cette prise de position, sur un sujet de société, aussi important, sans négociations préalables avec l'ensemble des acteurs. Mais on est aussi en doit de s'interroger sur les contradictions flagrantes de l'exécutif. Quand on est chef de gouvernement, on décide, on arbitre, on prend des décisions. Personne ne peut comprendre cette position bizarroïde, où le chef du gouvernement donne l'aval à son ministre de l'éducation pour la conception, l'élaboration et la mise à exécution d'un projet tout en s'attardant sur l'adoption de la loi organique portant création du Conseil supérieur de l'éducation et pousser les membres de son parti, dont son bras syndical à fustiger le même projet par médias interposés. Cela a désormais un nom : Double langage, démagogie, voire schizophrénie.