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Exclusions, inégalités et inadaptabilité
L'accessibilité aux soins de santé de base vue par le Conseil économique, social et environnemental
Publié dans L'opinion le 08 - 12 - 2013

* Eliminer les risques de décès des adolescentes enceintes
* Abroger l'article 20 du Code de la famille habilitant le juge à autoriser un mariage avant l'âge légal
Le Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE) vient de rendre public son rapport intitulé «Les soins de santé de base: Vers un accès équitable et généralisé». Ce rapport a été réalisé à la suite de la requête du chef du gouvernement qui a saisi le CESE en novembre 2012, afin qu'il «évalue la situation actuelle de l'accès des citoyennes et des citoyens aux prestations de soins de santé de base dans les milieux urbain et rural, en termes de qualité, de coût et de modalités de financement, et élabore des recommandations opérationnelles permettant d'étendre la couverture médicale dans notre pays dans la perspective d'une couverture universelle».
Nous publions dans notre dossier ci-après, la troisième partie de ce rapport relative à l'«appréciation de l'accès aux soins de santé de base».
Le CESE rappelle auparavant que le Maroc, en adhérant à la Déclaration du Millénaire des Nations Unies s'est engagé à adopter des stratégies à même de lui permettre d'atteindre dès 2015, les huit Objectifs du Millénaire pour le développement, dont trois sont relatifs à la santé : réduire la mortalité infantile, améliorer la santé maternelle, et combattre le VIH/SIDA, le paludisme et d'autres maladies.
Mais le Maroc n'a formellement reconnu le droit à la santé qu'en juillet 2011, à la faveur de sa réforme constitutionnelle. La Constitution reconnaît en effet sept droits liés à la santé : le droit à la vie (art. 20) qui comprend également la lutte contre les mortalités évitables ; le droit à la sécurité et à la protection de la santé (art. 21) ; le droit aux soins, à un environnement sain, à la couverture médicale [art. 31) ; le droit à la santé des personnes et catégories à besoins spécifiques (art. 34) ; droit d'accès à des soins de qualité et à la continuité des prestations (art. 154).émographique et épidémiologique.
Depuis le début des années quatre-vingt-dix, l'état de santé des marocains s'est régulièrement amélioré, ce qui se traduit par une réduction de la fécondité et de la mortalité et annonce une transition démographique. Le vieillissement de la population apparaît comme un phénomène inéluctable dans les prochaines décennies. Les personnes âgées de plus de 60 ans verront leur effectif s'accroître de façon soutenue avec un rythme annuel de 3,4% entre 2012 et 2050.
Leur nombre passera de 2,9 millions en 2012 à 10,1 millions en 2050. Elles représenteront alors 24,5% de la population totale contre 6,3% en 1960, et 8% en 20044. Par ailleurs le Maroc connaît une transition épidémiologique avec un transfert de la morbidité due aux maladies transmissibles et aux problèmes de la période périnatale vers les maladies non transmissibles (MNT) et les traumatismes.
La politique nationale de santé devra nécessairement tenir compte de ces deux transitions.
L'accès aux soins de santé est déterminé par une multitude de facteurs de natures très diverses : qualité des prestations offertes, revenus, niveau d'éducation et statut social en général ainsi que par les déterminants comme le genre et le lieu de résidence. Les inégalités socio-économiques dans la distribution des ressources de notre société, se reproduisent par des inégalités de santé et de mortalité marquantes entre ces groupes.
L'accessibilité du réseau des soin
de santé de base : Fortes disparités
et inadaptabilité
L'accès aux SSB (Soins de Santé Primaire) est déterminé par de nombreux facteurs de natures diverses, tels que la distance, la géographie, l'éducation, le niveau socio-économique et culturel, le genre, le lieu de résidence. Il est surtout conditionné par la couverture médicale.
Le rôle du réseau d'ESSB (Etablissements des Soins de Santé Primaire) est capital dans la stratégie sectorielle du ministère de la Santé : il constitue le point d'entrée du système de soins, et est l'instrument de prévention, de référence et de surveillance épidémiologique.
L'analyse des ratios du nombre d'ESSB par habitant montre d'assez fortes disparités régionales avec des ratios allant du simple au quintuple. Neuf régions sur seize ont un ratio ESSB par habitant inférieur à la moyenne nationale.
Les disparités de la disponibilité des ESSB entre les régions, à l'intérieur des régions et entre le milieu urbain et rural s'expliquent principalement par cinq facteurs :
- une planification centralisée des ESSB, déconnectée du développement territorial global ;
- l'absence de mise en oeuvre d'une carte sanitaire et de schémas régionaux d'offre de soins, faute de textes d'application, alors qu'ils constituent les outils de base de toute planification sanitaire, et qu'ils sont prévus par la loi-cadre 34-09, promulguée en 2011, relative au système de santé et à l'offre de soins ;
- le mode d'habitation rural, caractérisé par un modèle d'habitat très dispersé et variable en fonction de la situation géographique (montagne, plaine, désert) ;
- la construction par des élus, des donateurs ou des associations, d'ESSB sans aucune concertation avec le ministère de la Santé, ce qui interdit bien souvent leur mise en service ;
- l'inadaptation des services au mode de vie local qui constitue également une forme d'indisponibilité : les horaires de travail dans les centres de santé sont souvent inadaptés aux conditions et au rythme de vie de la population en milieu rural.
Concernant ce dernier point, on constate en effet qu'en milieu rural, la population se lève très tôt et cherche à consulter avant d'aller aux champs. Dans plusieurs communes rurales la population ne fréquente les ESSB que les jours des souks. Un médecin qui travaille dans une commune rurale de la région de Sous-Massa-Draa a déclaré au groupe de travail qu'il a décidé de travailler le samedi pour s'adapter aux habitudes de la population et l'encourager à utiliser le centre de santé.
Accessibilité géographique : Pénalisation de l'enclavement en milieu rural
La question de l'accessibilité géographique est une problématique qui affecte essentiellement le monde rural, et en particulier les zones montagneuses et désertiques, et les rend tributaire d'autres déterminants tels que les infrastructures routières et les conditions météorologiques.
L'accessibilité aux soins de santé de base demeure ainsi très difficile pour près de 24% de la population résidant à plus de 10 km du premier ESSB, ce qui représente souvent plusieurs heures de marche ou de transport à dos de mulet pour accéder à une structure de soins (audition du ministre de la Santé). Tous ces obstacles font que certaines populations ne recourent aux soins qu'en cas d'urgence.
En l'absence d'une vision globale de l'aménagement du territoire en milieu rural et en l'absence d'une régulation de l'urbanisation anarchique de certains villages, l'école comme le centre de santé risquent de demeurer inaccessibles pour une bonne partie de la population rurale.
La couverture et la productivité de la stratégie de l'itinérance et des équipes mobiles, adoptée comme moyen de compenser les difficultés d'accès géographique aux établissements de soins, s'érodent progressivement. Le Rapport du Cinquantenaire émettait des réserves quant à l'efficacité de cette stratégie : « les performances de ce mode mobile en terme de couverture et de contribution à l'offre de soins sont faibles, si bien que l'on peut dire qu'une partie de la population rurale n'a que très peu accès aux soins. Cette situation est due essentiellement à la diminution du nombre d'infirmiers, (...) à l'insuffisance des moyens de déplacements, aux conditions de travail dans les localités et à des dysfonctionnements dans l'organisation et la gestion».
A la contrainte de l'éloignement s'ajoute les problèmes de transport. Ainsi, par exemple, pour les parturientes, des ambulances sont théoriquement prévues. Cependant, le groupe de travail de la Commission a pu constater lors des visites sur le terrain et lors des réunions avec les professionnels de santé exerçant en milieu rural, que les ambulances mises à disposition par le ministère de la Santé à cet effet peuvent être immobilisées pendant des mois, à la suite de problèmes techniques.
Le major d'un centre de santé avec unité d'accouchement a ainsi rapporté au groupe de travail que «l'ambulance de la santé est immobilisée depuis 2 mois suite à un accident. Pour les petites pannes, on se débrouille, mais pour des réparations importantes, c'est de la responsabilité de la délégation provinciale. Il y a aussi un manque de mazout. Quand l'administration tarde à payer la station d'essence, le gérant refuse de livrer».
Le recours aux ambulances des communes ne constitue pas une solution acceptable : retard préjudiciable pour la vie de la mère et de l'enfant en raison du temps nécessaire à l'obtention de l'ordre de mission, ou de la non disponibilité du chauffeur. De leur côté, les présidents de communes se plaignent qu'en mettant l'ambulance à disposition du centre de santé, l'exception devient la règle. La solution d'une délégation du transport des femmes enceintes et des malades en général, à de petites entreprises privées, pourrait constituer une solution.
Cela s'est déjà fait et mériterait d'être évalué et étendu si cela s'avère efficace.
Les Dar Al Oumouma (DAO), structures d'accueil permettant aux parturientes d'être hébergées quelques jours avant et après l'accouchement, à proximité du Centre de santé avec module d'accouchement (CSMA), n'ont pas résolu le problème de l'éloignement et sont surtout utilisées par les femmes qui habitent à proximité de la DAO54.
L'accessibilité physique : une loi non appliquée
La grande majorité des ESSB ne sont pas accessibles aux personnes à mobilité réduite, aux non-voyants, aux personnes avec des déficiences intellectuelles. Les lois sur les accessibilités sont restées lettre morte et ont besoin d'être réformées et appliquées.
L'accessibilité socioculturelle : le handicap de l'analphabétisme
Les contraintes socio-culturelles à l'accès aux soins, particulièrement présentes en milieu rural, sont liées à l'analphabétisme, à certaines pratiques traditionnelles, et au statut de la femme.
Ainsi, par exemple, des hommes refusent que leur épouse soit soignée par un médecin (ou infirmier) homme.
La population vivant en milieu rural est davantage concernée par l'analphabétisme. Or, il existe un lien fort entre analphabétisme et santé comme le montre l'influence du niveau d'instruction sur la mortalité infanto-juvénile et maternelle.
En milieu rural, les femmes peuvent être privées de toute autonomie de décision concernant leur propre santé. Lors d'une visite à la Dar Al Oumouma d'une petite localité de la région Souss- Massa-Draa, certains membres du groupe de travail ont demandé à une jeune femme qui venait d'y être admise, ce qui l'avait décidé à venir accoucher dans une maternité. Elle a répondu qu'il fallait poser la question à sa belle-mère, parce que c'est elle qui en avait décidé ainsi.
Les résultats d'une enquête réalisée au Maroc en 2006 (portant sur les personnes de plus de 60 ans) montrent une forte corrélation entre l'état de santé tel qu'il est perçu par l'enquêté et le niveau d'instruction de ce dernier. Parmi les personnes interrogées n'ayant aucun niveau d'instruction, un tiers se considère comme en moins bonne santé que les personnes de leur âge ; ce sentiment n'est partagé que par 11,4 % des personnes ayant un niveau secondaire ou plus.
Une qualité des soins insuffisante
Il ne suffit pas que les soins de santé de base soient disponibles et accessibles, encore faut-il qu'ils soient acceptables pour les catégories de populations auxquelles ils sont destinés.
Les services de santé de base doivent pour cela fournir des prestations dont la qualité est en adéquation avec les attentes et besoins des patients.
La notion de qualité est relative dans le temps et évolutive ; sa définition dépend de nombreux facteurs tels que le niveau d'exigence des patients, leur niveau socio-économique et culturel.
L'évaluation rigoureuse de la qualité du service nécessite la mise en place d'une démarche qualité structurée permettant un suivi-évaluation des acquis, et la mise en place de mesures correctives. Ces mesures doivent permettre d'améliorer de manière continue et permanente la qualité de tous les processus, afin que le prestataire fournisse un service répondant au besoin de l'usager, tout en maîtrisant les risques, les coûts et les délais.
En l'absence de définition harmonisée de la qualité attendue et en l'absence de systématisation de l'évaluation qualitative des prestations offertes au niveau des soins de santé de base, il n'est pas possible aujourd'hui de porter un jugement objectif sur la qualité des soins. Des éléments de réponse sont néanmoins apportés par le caractère limité du recours aux soins dans le secteur public (0,6 contact par habitant et par an en 2010), qui traduit vraisemblablement l'insuffisance de la qualité des prestations et par les taux élevés de mortalité maternelle et néonatal dont la cause principale est l'insuffisance de soins adéquats au moment de la naissance.
L'accessibilité économique très limitée pour les populations pauvres
Si les soins préventifs (soins prénatals, soins post-natals, vaccinations, etc.) sont gratuits pour tous les usagers des ESSB, les soins curatifs de base restent souvent à la charge des ménages en raison des problèmes liés à la disponibilité des médicaments essentiels, des analyses biologiques et des examens radiologiques de base.
Pour les populations pauvres, la mise en place effective du RAMED devrait améliorer l'accès aux soins hospitaliers mais ne résoudra pas le problème de l'accessibilité économique des soins de santé de base. En effet, alors que les ESSB constituent le premier niveau du circuit de la filière de soins imposé aux bénéficiaires du RAMED, ces établissements ne bénéficient pas du financement de ce régime.
Inégalités persistantes dans l'accès
aux soins de santé de base
- Les inégalités liées au Genre
L'article 19 de la Constitution stipule que « l'homme et la femme jouissent à égalité, des droits et libertés à caractère civil, politique, économique, social, culturel et environnemental». Deux objectifs identifiés par le Référentiel pour une nouvelle Charte sociale, adopté par le CESE en novembre 2011, concernent l'amélioration de la santé de la femme et de l'enfant. Il s'agit des objectifs n°7 (Améliorer la santé maternelle et infantile) et de l'objectif n°8 (Améliorer le cadre médico-légal de l'interruption de grossesse).
Dans son rapport consacré à la Promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes dans la vie économique, sociale, culturelle et politique, le CESE a traité de la question du lien entre genre et santé (troisième volet du rapport). On ne peut ici traiter des soins de santé de base sans évoquer les problèmes d'inégalités dans l'accès aux soins liées au genre.
Les femmes présentent des spécificités biologiques mais aussi des vulnérabilités spécifiques (inégalités en matière d'éducation, de revenu, d'emploi) susceptibles de leur rendre l'accès aux soins plus difficile qu'il ne l'est pour les hommes. La grossesse et l'accouchement ne sont pas des pathologies, mais ils sont potentiellement source de nombreux problèmes de santé (décès, dépressions, carences diverses, etc.), et de problèmes sociaux (abandon et divorce lorsque le nouveau-né est atteint de maladies congénitales ou présente des lésions qui s'avèreront handicapantes, rejet et stigmatisation des mères célibataires).
Les soins de santé reproductive
Les soins de santé reproductive couvrent un ensemble de services, définis dans le Programme d'action de la Conférence internationale sur la population et le développement : conseils, information, éducation, communication et services de planification familiale, consultations pré et postnatales, accouchements en toute sécurité et soins prodigués à la mère et à l'enfant ; prévention et traitement approprié de la stérilité ; prévention de l'avortement et prise en charge de ses complications ; traitement des affections génitales, des maladies sexuellement transmissibles y compris le VIH/sida ; le cancer du sein et les cancers génitaux, ainsi que tout autre pathologie de santé reproductive.
Planification familiale
Dès 1966, d'importants programmes de planification familiale axés sur l'espacement des naissances ont été lancé à travers toutes les structures du ministère de la Santé. Ces programmes ont permis des progrès notables : l'indice synthétique de fécondité est passé de 4,5 enfants par femme en 1987 à 2,2 en 201161 ; 67,4% des femmes mariées en âge de reproduction utilisent une méthode contraceptive contre 28,9% en 1987. Cependant des disparités importantes entre le milieu urbain et rural persistent : 85% des femmes du milieu urbain bénéficient des soins de santé reproductive contre 48% en milieu rural.
Mortalité maternelle, néonatale
et infanto juvénile
La mortalité maternelle a baissé de plus de 50% en cinq ans pour atteindre un taux de 112 pour 100 000 naissances en 201063. Ce taux reste cependant beaucoup trop élevé et d'autant plus inacceptable que 92% des décès pourraient être évités64. La plupart sont causés par un manque de soins adéquats au moment de la naissance. Plus du tiers des décès survient à domicile ou pendant le transport vers l'hôpital, du fait de retards dans la prise de décision par la famille de référer les parturientes vers une structure d'accouchement ou de la difficulté d'accès à cette structure. La moitié des femmes d'origine rurale accouchent encore à domicile.
Or, la moitié des complications qui surviennent au moment de l'accouchement ne peuvent être prévues même en cas d'une surveillance prénatale efficace. Il est également établi qu'en cas d'hémorragie chez la femme ou de détresse respiratoire chez le nouveau-né, le délai d'intervention pour les sauver est très limité : deux heures en cas d'hémorragie de la délivrance, cause de décès la plus fréquente.
Même s'il a enregistré une baisse importante au cours des cinq dernières années, le taux de mortalité infantile (moins d'un an) reste trop élevé puisqu'il est de 28,8 pour 1 000 naissances vivantes en 2011. La cause principale de ces décès est l'insuffisance de soins adéquats au moment de la naissance. Le taux de mortalité infanto juvénile (enfants de moins de cinq ans) s'est établi à 30,47 pour 1 000 naissances vivantes (25,42‰ en milieu urbain et 35,07‰ en milieu rural) contre 47‰ en 2003-2004. Ces taux sont parmi les plus élevés de la région du Maghreb, à l'exception de la Mauritanie.
En plus des problèmes d'accessibilité aux structures de soins déjà évoqués, les principaux déterminants de la mortalité maternelle et infanto juvénile au Maroc sont :
- Être pauvre et vivre dans des zones rurales
Cela est hautement prédictif pour la mortalité maternelle et infantile. C'est ainsi que dans le milieu rural, la mortalité maternelle est plus élevée de 75% ; les enfants de moins de cinq ans, des segments les plus pauvres de la population, sont trois fois plus susceptibles de mourir à la suite de maladies infantiles, qui pourraient souvent être facilement traitées, ou de blessures évitables.
- Ne pas bénéficier d'un suivi médical lors de la grossesse
De même, les risques liés à la grossesse peuvent être considérablement réduits si la femme consulte au moins quatre fois une sage-femme ou un médecin durant sa grossesse, si l'accouchement est médicalement assisté et si elle bénéficie d'une surveillance après l'accouchement. La consultation prénatale est utilisée par 91,6% des citadines et seulement par 62,7% des femmes rurales.
Pour améliorer la qualité du dépistage et du suivi des grossesses à risques, et lutter ainsi contre la mortalité maternelle, le ministère de la Santé a récemment (2010) équipé en mini analyseurs et en échographes plus de 300 centres de santé communaux avec module d'accouchement.
L'échographie constitue en effet une forte incitation au suivi de la grossesse. Du fait de la mobilité du personnel infirmier, de l'absence de motivation financière, de la surcharge de travail pour certains, des problèmes d'approvisionnement en réactifs, une partie seulement de ces automates fonctionnent. La mise en place des échographes n'a pas été accompagnée de mesures adéquates, notamment la formation des médecins à leur utilisation. De ce fait, ils ne fonctionnent que dans les centres où exercent des médecins motivés qui ont pris l'initiative d'aller se former à l'échographie dans un service de gynécologie hospitalier.
Enceintes malgré elles, les adolescentes courent le risque de décéder
Dans de nombreux pays à revenu faible ou moyen, les complications de la grossesse et de l'accouchement sont parmi les principales causes de décès chez les jeunes filles âgées de 15 à 19 ans, ce qui se traduit par des milliers de décès chaque année. Plus une fille est jeune quand elle devient enceinte, qu'elle soit mariée ou non, plus grand est le risque pour sa santé. On considère que les filles âgées de moins de 15 ans courent un risque beaucoup plus grand de mourir durant l'accouchement que les femmes âgées d'une vingtaine d'années.
Les grossesses d'adolescentes mettent également les nouveau-nés en danger. Le risque de décès durant le premier mois de vie est de 50 % plus élevé parmi les bébés nés d'une mère adolescente. Plus la mère est jeune, plus le risque est grand pour le bébé. Les enfants de mères adolescentes sont plus susceptibles d'avoir un faible poids de naissance, ce qui peut avoir des effets à long terme sur leur santé et leur développement.
En 2011, 50 000 marocaines âgées de 15 à 19 ans ont donné naissance à un enfant. Pour nombre d'entre elles, la grossesse n'a rien à voir avec un choix. Elle résulte généralement de la pauvreté, de la violation de leurs droits, notamment le mariage d'enfants et des relations sexuelles imposées par la violence, la coercition et la force. En 2011, 46 927 mariages de mineurs, concernant à 99% des filles, ont été autorisés par des juges, conduisant naturellement au risque de grossesses précoces.
L'élimination des mariages précoces, la mise en place de services de santé sexuelle et procréative spécifiques aux adolescentes, l'investissement dans l'éducation et la lutte contre les inégalités entre les femmes et les hommes, contribueraient à protéger les adolescentes des grossesses précoces non désirées.
Dans son rapport sur la Promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes, le CESE a recommandé l'abrogation de l'article 20 de la Moudouwana qui habilite le juge à autoriser, sans appel possible, le mariage des mineurs avant l'âge légal de 18 ans, et le renforcement du cadre législatif actuel relatif à la répression du viol.
Prévention de l'avortement
et sa prise en charge médicale
On ne peut parler de la santé reproductive sans évoquer la question de l'avortement, qui est l'un des tabous persistants de la société marocaine, sa prévention et sa prise en charge.
L'OMS estime que chaque année, dans le monde, 42 millions de grossesses donnent lieu à des avortements, dont 22 millions seulement sont pratiqués dans de bonnes conditions. La possibilité d'avorter dans un milieu médicalisé sécurisé est une condition importante pour réduire la mortalité maternelle. Selon l'OMS, les lois interdisant l'avortement n'en diminuent pas l'incidence ; en revanche, les services de planning familial et l'avortement médicalisé, qui sont par ailleurs indispensables pour atteindre les OMD, sont susceptibles de diminuer l'incidence de l'avortement.
Au Maroc, l'interruption de grossesse thérapeutique est autorisée en cas de danger pour la mère (article 453 du code pénal). En toute autre circonstance, l'avortement est puni par les articles 449, 454 et 455 du code pénal. A partir d'une enquête auprès d'un échantillon de médecins, l'Association marocaine de lutte contre l'avortement clandestin (AMLAC) estime que le nombre quotidien d'avortements clandestins au Maroc se situe entre 600 et 800. Le tiers serait réalisé dans des conditions sanitaires déplorables. Ce sont le plus souvent les femmes pauvres qui se font avorter clandestinement, dans des conditions dramatiques, sans aucun contrôle médical, s'exposant à la mort et à l'exclusion sociale. Ce sont les femmes pauvres qui lorsqu'elles non pas pu avorter abandonnent l'enfant à la naissance et sont souvent contraintes à se prostituer.
Des actions de prévention et de sensibilisation auprès des femmes et des adolescentes, une meilleure communication autour de la pilule du lendemain déjà commercialisée, l'accès aux moyens de contraception pour toute femme ou adolescente qui le désire, devraient permettre de diminuer considérablement le nombre d'avortements.
Comme le stipule l'objectif 8 de la Charte sociale du CESE, il est nécessaire d'ouvrir très rapidement un débat national afin d'élaborer un cadre réglementaire permettant à l'avortement d'être pratiqué en milieu médicalisé. Lors d'un colloque organisé par l'AMLAC en 2012, le ministre de la Santé a déclaré que la question de l'avortement pose un problème politique auquel il faut trouver une solution respectueuse de nos valeurs.
50% des femmes victimes de violences conjugales souffrent de dépression
et 5% tentent de se suicider
La violence fondée sur le genre constitue un problème de santé publique de plus en plus alarmant, aussi bien au niveau international que national.
S'il est désormais largement reconnu que la violence à l'égard des femmes constitue une atteinte majeure à leurs droits fondamentaux, récemment, on a pris également de plus en plus conscience des effets de la violence sur la santé physique et mentale des femmes. La violence exercée contre les femmes au sein de la famille accroît sensiblement les risques pour la santé, comme en attestent régulièrement des études faisant état d'effets négatifs graves. La Banque mondiale estime par exemple que le viol et la violence domestique ont pour conséquence 5 à 16% (selon les régions) d'années de vie en bonne santé perdues pour les femmes en âge de procréer ». Les violences sexuelles constituent un important facteur de risque d'infection à VIH. D'après une enquête menée à Dar-Es-Salaam, en Tanzanie, parmi les femmes qui ont eu recours aux services d'un centre de dépistage, celles qui se sont avérées séropositives pour le VIH avaient déclaré 2,6 fois plus de violences dans la relation avec leur partenaire régulier que les femmes séronégatives.
Au Maroc, la base de données du numéro vert national pour les filles et les femmes victimes de violence mis en place en 2006 fait état, sur une période de dix mois, de 15 000 déclarations de violence : 30% concernent des violences physiques et 18% des violences psychologiques. 5% des femmes victimes de violences conjugales ont fait une tentative de suicide contre 0,2% chez les femmes n'ayant pas subi de violences conjugales, soit 25 fois plus. Plus de 50% des femmes victimes de violences conjugales souffrent de dépression. La violence conjugale a également des conséquences graves sur la vie de famille et sur les enfants : les deux tiers des enfants sont témoins ou victimes eux-mêmes de ces violences physiques ou psychologique.
Dans son rapport Promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes, le CESE recommande au législateur et au gouvernement d'adopter une loi cadre contre toutes les formes de violence à l'égard des femmes, y compris la violence conjugale.
De nombreuses associations interviennent dans la lutte contre la violence fondée sur le genre et sur la prise en charge des femmes qui en sont victimes, notamment par la création de centres d'écoute et d'hébergement.
Ces dernières années, une réponse institutionnelle à la violence fondée sur le genre a été mise en place, à travers : le lancement d'un programme multisectoriel de lutte contre les violences fondées sur le genre par l'autonomisation des femmes et des filles ; la territorialisation des politiques sensibles au genre dans six régions ; la mise en place d'unités de prise en charge des femmes et enfants victimes de violence dans des hôpitaux, initiative qui mériterait d'être étendue à tous les hôpitaux et aux centres de santé.
- Les inégalités d'accès affectant les migrants subsahariens en situation irrégulière
Au cours de ces dix dernières années, l'Union Européenne ayant durci ses contrôles aux frontières, d'un pays de transit pour les migrants qui se déplacent vers l'Europe, le Maroc est devenu un pays de transit et de destination par défaut. Parmi ces migrants, les femmes seules, enceintes ou avec des enfants en bas âge, sont les plus vulnérables aux risques inhérents à la migration clandestine.
Les conditions de vie précaires auxquelles sont contraints la majorité des migrants subsahariens et la violence criminelle (réseaux de traite et de trafic d'êtres humains) et institutionnelle à laquelle ils sont exposés déterminent des besoins médicaux et psychologiques qui ne sont pas pris en compte.
D'après la loi 02-03, relative à « l'Entrée et au séjour des étrangers au Royaume du Maroc, à l'émigration et à l'immigration irrégulières », tout étranger se trouvant au Maroc sans documents officiels est un criminel. Bien que beaucoup de Marocains assistent les migrants subsahariens, cette criminalisation a pour effet de favoriser la violence sociale, la discrimination, la stigmatisation et la marginalisation des migrants.
En plus de la crainte d'être arrêté en se présentant à une structure de santé, il est difficile pour les migrants subsahariens de se frayer un chemin à travers le système de soins, dans la mesure où beaucoup ne parlent ni l'Arabe, ni le français. En cela, le rôle des ONG internationales et des associations nationales qui mènent des actions en faveur des migrants subsahariens, y compris la défense de leurs droits et l'appui à la santé, a son importance. L'accès aux services de soins de santé de base s'est d'ailleurs amélioré dans les zones où travaillent les ONG : « Il faut reconnaître les efforts réalisés par la police d'Oujda pour s'impliquer avec [Médecins Sans Frontières] (MSF) et d'autres associations, pour chercher conseil et soutien sur la façon de gérer les cas des femmes, des mineurs, des malades et des blessés arrêtés. En revanche, à Nador, où MSF n'a pas été autorisée à travailler, les migrants subsahariens ayant besoin d'une assistance médicale sont arrêtés et expulsés ».
En 2003, le ministère de la Santé a annoncé par une circulaire que le traitement médical et les soins de santé pour les immigrants clandestins étaient autorisés pour des raisons de contrôle des maladies infectieuses. Cette circulaire, qui n'est pas connu du personnel de santé, a permis aux associations d'obtenir, à travers des actions de plaidoyer, la prise en charge médicale gratuite des migrants subsahariens ayant une infection à VIH.
Jusqu'à une date récente, les migrants subsahariens étaient classés comme des personnes sans domicile fixe, et de ce fait étaient éligibles pour recevoir des soins de santé dans les services publics de santé, selon le système du certificat d'indigence. En 2012, le certificat d'indigence a été remplacé par le RAMED, dont les étrangers, y compris les migrants subsahariens, sont exclus. En vertu de l'article 118 de la loi 65-00, les migrants subsahariens pourraient, en principe, être inclus dans la catégorie des sans domicile fixe, mais ce n'est pas le cas.
Dans son rapport Pour une nouvelle charte sociale : des normes à respecter et des objectifs à contractualiser, le CESE recommande que : « En tant que pays accueillant des travailleurs étrangers et signataire de la Convention de l'ONU relative à la protection des travailleurs migrants et de leurs familles, il importe que le Royaume du Maroc assure la non-discrimination et la promotion de l'égalité à l'égard des travailleurs migrants. Pour le suivi de cet objectif, il convient de développer des indicateurs sur la législation et la situation des migrants (statuts, effectifs, revenus, contentieux)».
Prévalence du sida parmi les professionnelles du sexe : 5% dans la région de la région de Souss-Massa-Draa
La prévention et la promotion de la santé font partie des soins de santé de base, au même titre que les soins curatifs.
La mise en oeuvre, dès les années soixante, de programmes structurés de lutte et de prévention contre certaines maladies transmissibles, responsables d'un taux élevé de décès, et une excellente couverture vaccinale (88% des enfants de 12 à 24 mois) ont permis d'éradiquer ou de diminuer fortement la prévalence de nombreuses maladies infectieuses. Les défis qui restent à relever dans ce domaine sont essentiellement : la tuberculose, la prévalence de l'hépatite C et la prévalence de l'infection à VIH.
Malgré une baisse importante des taux d'incidence de la tuberculose, près de 28 000 nouveaux cas ont été notifiés en 2012, ce qui témoigne d'un relatif échec du programme de lutte contre cette maladie.
La prévalence de l'hépatite virale C (HVC), affection lourde de conséquences, reste élevée : 1 à 2,5% dans la population générale, soit 318 950 à 797 375 personnes qui seraient actuellement infectées par le VHC au Maroc81. Elle est de 80% chez les usagers de drogues par voie injectable. Il n'existe pas de vaccin contre l'HVC. De ce fait, sa prévention est plus complexe mais elle est indispensable.
La prévalence de l'infection à VIH dans la population générale reste faible (0,1%). Cependant, malgré un programme national de lutte contre le sida (PNLS) très performant et une société civile très active, la prévalence du VIH a atteint des niveaux préoccupants parmi les professionnelles du sexe (5% dans la région de la région de Souss-Massa-Draa), les hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes (5% dans la région de Souss-Massa-Draa, et 4,5% dans la région de Marrakech) et parmi les usagers de drogues injectables (pour ce groupe, la prévalence du VIH est de 22% à Nador). Ces trois populations sont caractérisées par leur vulnérabilité sociale et posent le problème des liens entre droits de l'homme et VIH, comme cela a été souligné83 par le PNLS et le Conseil national des droits de l'Homme (CNDH).
Pour le Président du CNDH, le VIH/sida « pose de multiples problèmes pour les droits de l'homme. Inversement, la protection et la promotion des droits de l'homme sont essentiels pour prévenir la transmission du VIH et réduire l'incidence du sida sur les vies des personnes.
De nombreux droits de l'homme sont concernés par le VIH/sida, tels que le droit à la non discrimination, le droit à la vie, l'égalité devant la loi, le droit à la vie privée et le droit au meilleur état de santé qu'il soit possible d'atteindre ».
75% des causes de décès sont liées
aux maladies non transmissibles
Alors que la prévalence des maladies infectieuses et de la malnutrition est en déclin, on note une augmentation de la prévalence des maladies non transmissibles (MNT), comme les maladies chroniques, les maladies cardio-vasculaires, les cancers, la dépression, l'asthme, le diabète, l'obésité. Au Maroc, 75% des causes de décès sont liées aux MNT, un des pourcentages les plus élevés de la région MENA. Les cancers sont responsables de 12% des décès par MNT.
Les MNT sont caractérisées par leurs lourdes conséquences économiques et sociales. En 2012, 50% des dépenses de l'AMO ont servi au paiement de la prise en charge des patients atteints d'affections de longue durée (ALD), alors qu'ils ne représentent que 3,3% du nombre total des patients (auditions des directeurs de la CNOPS et de la CNSS).
Les MNT sont également caractérisées par leur forte dépendance à des facteurs de risques comportementaux et environnementaux, liés au mode de vie, qu'il est possible de prévenir ou de diminuer dans le cadre d'une politique de prévention fondée sur l'éducation à la santé.
Ainsi, selon les Nations Unies, « la mise en oeuvre d'interventions [performantes en termes de coût-efficacité] qui réduisent l'exposition des populations aux facteurs de risque des MNT peut contribuer à hauteur de deux tiers à la réduction de la mortalité prématurée ».
Les actions de prévention des MNT doivent prendre en compte plusieurs facteurs de risque : les facteurs comportementaux, les habitudes alimentaires et les modes de vie, les facteurs environnementaux.
Facteurs comportementaux
Les principaux facteurs comportementaux sont :
- le tabagisme, qui concerne 15% de la population marocaine87. Le nombre de décès annuels liés au tabac est de 9 350, soit une personne par heure et par jour. Il convient de relever à cet égard que le Maroc n'a toujours pas ratifié la convention cadre de l'OMS pour la lutte antitabac ;
- la consommation de substances psychoactives qui touche 3% de la population générale, avec un taux de dépendance de 2,8%88.
- la dépendance à l'alcool, qui est une réalité ne faisant l'objet d'aucune statistique en raison des tabous qui l'entoure.
10,3 millions de Marocains adultes, dont 63,1% de femmes, sont en situation d'obésité
De leur côté, les habitudes alimentaires qui induisent une consommation excessive de sucre, de sel et de graisses et une baisse de consommation de fibres et de protéines, associés à d'autres facteurs de risques, ont engendré une prévalence accrue de certaines maladies, en particulier l'obésité, l'hypertension artérielle, les maladies cardio-vasculaires, le diabète sucré, certains cancers. A titre d'exemple, entre 2001 et 2011, l'obésité a augmenté de 7,3% par an.
10,3 millions de Marocains adultes, dont 63,1% de femmes, sont en situation d'obésité ou de pré-obésité. Le diabète de type 2, de loin le plus fréquent (90% des diabètes), est une véritable épidémie. Classiquement, il se développait au-delà de la cinquantaine, désormais il peut se développer à tous les âges. La prévalence de l'hypertension artérielle (33,6%), et surtout ses complications, pourraient être réduites par quelques règles hygiéno-diététiques.
Pour l'OMS, une mauvaise alimentation et la sédentarité sont des facteurs de risque importants des principales maladies non transmissibles, telles que les maladies cardio-vasculaires, le cancer et le diabète. En 2013, l'Assemblée mondiale de la Santé a adopté le Plan d'action mondial de lutte contre les maladies non transmissibles pour la période 2013-2020, qui comprend un ensemble de mesures que les États membres de l'OMS sont invités à prendre
pour promouvoir une alimentation saine et l'exercice physique.
Impact des facteurs environnementaux sur la santé
Environ un quart de la charge de morbidité mondiale peut être attribuée à des facteurs de risque environnementaux qu'il est possible d'infléchir. En France, les pollutions atmosphériques sont considérées comme responsables de plus de 30 000 décès prématurés par an. Pour d'autres pathologies (dérèglements hormonaux, atteinte du système nerveux), même s'il n'existe pas de consensus scientifique sur leur cause génétique et/ou environnementale, personne ne nie plus l'impact de certaines pollutions (sonore, ondes, etc.) sur la santé. L'impact des conditions de vie sur la santé est également indéniable : le saturnisme lié à la présence de plomb, certaines pathologies respiratoires, des infections dermatologiques dues à des problèmes de ventilation et de chauffage, sont autant d'effets sanitaires du mal logement.
L'élaboration d'un « Plan national santé environnement » à l'image de ce qui existe en France, pourrait permettre de mieux agir sur les facteurs environnementaux.
La prévention en matière de santé ne relève pas uniquement du ministère de la Santé. Elle devrait impliquer les collectivités locales, de nombreux départements ministériels, tels que l'Habitat, l'Education Nationale, l'Emploi, et pourrait relever d'une instance interministérielle.
Elle suppose la responsabilisation des collectivités locales, le renforcement des normes et leur respect par les industriels, la mise en place de campagnes de sensibilisation, le renforcement des services de médecine scolaire et universitaire et de la médecine du travail.
Des associations jouent un rôle important dans le domaine de la prévention et de l'éducation pour la santé. C'est le cas notamment de l'association que préside S.A.R. la Princesse Lalla Salma qui mène des campagnes de dépistage et de prévention du cancer du sein, ainsi que des actions de prévention du cancer du col de l'utérus et du poumon.
En matière de prévention des déficiences et du handicap, le Maroc a adopté une stratégie nationale pour la période 2009-2015, visant à mettre en synergie les efforts de tous les acteurs.
Toutefois, son efficacité n'est pas démontrée dans la mesure où elle n'a jamais été évaluée.
Santé au travail : Plusieurs insuffisances
Dans le monde, le nombre d'accidents du travail a atteint 317 millions par an ; chaque jour, 6 300 personnes meurent d'un accident du travail ou d'une maladie liée au travail, soit un total annuel de plus de 2,3 millions de morts. L'Organisation Mondiale du Travail (OIT) a élaboré plusieurs conventions internationales qui s'intéressent à l'organisation des services de la santé au travail et la prévention des risques professionnels. La plupart ont été ratifiées par le Maroc.
En 2007, l'OMS a adopté le plan d'action mondial pour la santé des travailleurs 2008-2017.
Ce plan d'action traite de tous les aspects de la santé des travailleurs, y compris la prévention primaire des risques professionnels, la protection et la promotion de la santé au travail, les conditions d'emploi et la façon dont les systèmes de santé peuvent oeuvrer plus efficacement pour la santé des travailleurs.
En matière de sécurité et de santé au travail, outre les accidents du travail, il faut accorder une attention particulière à la reconnaissance, la prévention et le traitement des maladies professionnelles : pneumoconioses, maladies imputables à l'amiante, troubles psychiques et musculo-squelettiques.
La santé des travailleurs figure à l'agenda du gouvernement marocain : elle a été mentionnée dans la déclaration du Gouvernement et fait partie intégrante du plan d'action 2012-2016 du ministère de la Santé. Cependant, la situation actuelle de la santé au travail connaît plusieurs insuffisances, dont :
- l'exclusion de la couverture de la santé au travail de nombreuses catégories professionnelles : la fonction publique, les établissements de soins, les petites entreprises, une partie de l'agriculture, et le secteur informel. Un projet de loi-cadre sur la santé et la sécurité au travail qui prévoit l'extension de la santé au travail à la fonction publique est en cours d'élaboration ;
- l'insuffisance de formation du personnel médical et paramédical dans le domaine de la santé et la sécurité au travail. Les besoins théoriques sont d'environ 2 500 médecins du travail pour un effectif actuel d'environ 900 professionnels, qui exercent pour la plupart dans le secteur public, mais pas toujours dans le domaine de la médecine du travail ;
- l'insuffisance de la couverture sanitaire des travailleurs : l'effectif couvert par la médecine du travail ne dépasse pas 350 000 travailleurs, soit à peine 3,5 % de la population active urbaine ;
- l'insuffisance des actions de prévention et de sécurité au travail destinées aux professionnels de santé, malgré la gravité de leur exposition aux risques professionnels ;
- les insuffisances dans l'application de la législation du travail, et la nécessité de mettre à jour cette législation ;
- l'absence de données fiables sur les problèmes de santé des travailleurs ;
- l'insuffisance de la collaboration intersectorielle en matière de promotion de la santé et sécurité au travail.
Les professionnels de santé sont exposés à des risques multiples notamment les maladies contractées dans l'exercice de leur profession. De ce fait, la santé et la sécurité du personnel de soins font partie intégrante de la performance et de la qualité des prestations fournies par les services de santé. Conscient de l'importance de ce sujet, et afin d'améliorer la santé au travail de son personnel, le ministère de la Santé a mis en place des structures de de santé au travail, dénommés les unités de santé au travail, au niveau des délégations provinciales. La mise en place de ces unités au niveau de l'ensemble des structures sanitaires apparaît comme une nécessité pour assurer la prévention et le suivi médical au profit des professionnels de la santé.
Recommandations
L'accès équitable à des soins de santé de base de qualité, aussi bien en milieu urbain que rural, est un objectif difficile à atteindre en raison de la complexité du secteur et des nombreuses contraintes qui pèsent sur le système de santé dans son ensemble. Pour surmonter progressivement et efficacement ces difficultés, il est nécessaire de conduire une réforme en profondeur du système, servie par une forte volonté politique, et d'étendre progressivement la couverture médicale.
Le Conseil Economique, Social et Environnemental fait des recommandations d'ordre général et propose par ailleurs cinq axes stratégiques d'amélioration des soins de santé de base, allant dans le sens des valeurs d'équité, de solidarité et de justice sociale, sur lesquels il conviendrait que le gouvernement agisse simultanément et rapidement, de manière coordonnée et convergente pour tendre vers la santé pour tous.
Le CESE a émis les recommandations d'ordre général suivantes:
- Elaborer une politique nationale de santé s'inscrivant dans une politique nationale de développement humain, ciblant en priorité les régions défavorisées, le monde rural et les populations pauvres ou vulnérables, agissant sur les déterminants de la santé (éducation, accès à l'eau potable, etc.) dans le cadre d'une convergence des interventions sectorielles, intégrant les secteurs privés à but lucratif et non lucratif et s'appuyant sur des approches communautaires.
- Affirmer et rendre effective la régionalisation comme principe fondamental de planification, d'organisation et de gestion des services de santé, en transférant aux directeurs régionaux les compétences humaines et les moyens financiers nécessaires.
- Déconcentrer vers le niveau provincial et local toutes les fonctions liées à la gestion opérationnelle des ESSB, à savoir la gestion des ressources humaines, la gestion des médicaments et des biens médicaux, la maintenance et l'entretien de l'équipement, l'élaboration et l'exécution des budgets, le suivi-évaluation, la communication et l'information.
- A partir de la politique nationale de santé, décliner une stratégie sectorielle de partenariat public-privé et mettre en place le cadre réglementaire et légal approprié, ainsi que les mécanismes de régulation et les outils de suivi et d'évaluation.
- Dédier au secteur privé une direction centrale au niveau du ministère de la Santé, qui serait chargée de définir une stratégie sectorielle du partenariat public-privé et son cadre réglementaire et légal, et d'élaborer les outils de régulation et de suivi-évaluation.
S'agissant de l'mélioration de l'accès aux soins de santé de base, le CESE a émis les recommandations ci-après :
Réorganiser le réseau de soins de santé de base
- Rendre effective la loi cadre 34-09 relative au système de santé et à l'offre de soins et définir la carte sanitaire nationale et les schémas régionaux d'offre de soins.
- Renforcer la couverture sanitaire par une stratégie sanitaire mobile et l'adapter aux spécificités géographiques et au mode de vie des populations des zones rurales et enclavées.
- Regrouper, dans les grandes agglomérations urbaines et rurales, les ressources humaines des centres de santé peu fréquentés afin de créer des Centres de santé intégrés disposant de plus de soignants, de moyens de diagnostic et de traitement, et proposant des consultations spécialisées hebdomadaires. Ces centres contribueraient à l'optimisation des moyens, à l'amélioration des conditions de travail, au désengorgement des hôpitaux et surtout à une prise en charge adéquate des besoins des populations.
- Inscrire le réseau de soins de santé de base dans un schéma de complémentarité avec le réseau hospitalier, en rendant effective la filière de soins, en organisant le transport des malades et les circuits des examens biologiques et en donnant au délégué provincial la possibilité de l'adapter aux spécificités locales.
- Mettre en place une gestion opérationnelle efficiente des établissements de soins de santé de base, en responsabilisant et en formant les médecins-chefs des centres de santé, et en leur délégant des pouvoirs décisionnels.
- Mettre en place à l'échelon provincial, et en collaboration avec les collectivités locales et le secteur privé, un réseau de transport et d'évacuation sanitaire avec un système de régulation centralisé.
- Inclure les services de rééducation et de réadaptation dans les ESSB.
Lutter contre les inégalités d'accès
aux soins de santé de base
A propos de la lutte contre les inégalités d'accès aux SSB, le CESE recommande de réduire de façon significative la mortalité maternelle et néonatale : en améliorant l'accès au suivi de la grossesse et à la prise en charge de l'accouchement ; en affectant aux ESSB un personnel qualifié en nombre suffisant ; en améliorant le cadre médicolégal de l'interruption de grossesse et en abrogeant l'article 20 du Code de la famille habilitant le juge à autoriser un mariage avant l'âge légal.
- Adopter une loi-cadre contre toutes les formes de violence à l'égard des femmes, y compris la violence conjugale.
- Assurer l'accès des personnes en situation de handicap aux soins de santé de base conformément à la Convention relative aux droits des personnes handicapées ratifiée par le Maroc en 2009.
- Permettre l'accès des migrants en situation irrégulière aux soins de santé de base, en application des engagements internationaux du Maroc en matière de droits humains.
Le CESE recommande en outre de mettre en place des stratégies intersectorielles de prévention
- Tenir compte de la nécessaire transversalité de la prévention des maladies non transmissibles, des déficiences et du handicap, en élaborant des stratégies
intersectorielles de prévention faisant intervenir le ministère de la Santé, de nombreux départements ministériels, l'industrie agroalimentaire, les bureaux d'hygiène, les médias et des associations ; en élaborant un « Plan national santé environnement ».
- Mettre en application le Plan d'action mondial de lutte contre les maladies non transmissibles 2013-2020, adopté par le Maroc à l'Assemblée mondiale de la Santé de 2013, qui comprend un ensemble de mesures pour promouvoir une alimentation saine et l'exercice physique.
- Accélérer le processus d'extension de la couverture sanitaire à l'ensemble des travailleurs ; renforcer les mesures de prévention et de sécurité au travail ; encourager la formation de médecins du travail.


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