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Commémoration de la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes : Les ONG féminines rejettent le projet de loi Hakkaoui
Avant le sit-in devant le parlement, organisé hier vers 17 heures par les acteurs associatifs, en marge de la commémoration de la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes, une conférence de presse a été donnée par le collectif « Printemps de la Dignité », une coalition de 23 associations œuvrant dans le domaine de la promotion des droits et des conditions de vie des femmes au niveau national, régional et local. Les 152 ONG marocaines, signataires d'un communiqué envoyé au Chef du gouvernement M. Abdelilah Benkirane le 6 novembre, avaient auparavant protesté contre le projet de Loi 103.13 sur la lutte contre la violence à l'égard des femmes, élaboré par le Ministère de la Solidarité, de la Famille, de la Femme et du Développement Social et qui devait être présenté devant le Conseil de Gouvernement ce jour-là. Un document estimé non conforme aux Conventions internationales ratifiées par le Maroc en matière de droits des femmes et d'élimination de toute forme de discrimination et de violence à son égard, ni même par rapport à la Constitution de 2011, laquelle a institutionnalisé et consacré l'approche participative dans toute action. Rejointe par les mass-médias, la société civile a eu gain de cause, puisque le chef de Gouvernement a demandé la poursuite de l'examen du texte et la création d'une commission pour sa révision. La société civile n'a nullement été impliquée dans l'élaboration de ce texte de loi déjà abouti par ce gouvernement, bien qu'elle soit engagée depuis deux mandats gouvernementaux dans le même dossier. Il y eut d'abord un projet de loi contre la violence à l'égard des femmes en 2006, avec Mme Yasmina Baddou comme Secrétaire d'Etat chargée de la Famille, de l'Enfance et des Personnes Handicapées, puis un deuxième sur la violence conjugale en 2010 quand Mme Nouzha Skalli était Ministre du Développement social, de la Famille et de la Solidarité. La ministre du la Solidarité, de la Famille, de la Femme et du Développement Social, Mme Bassima Hakkaoui, et le ministre de la Justice n'ont pas jugé utile d'en rendre compte aux militantes associatives de cette problématique sur le terrain. Exclue et mise à l'écart par le Ministère de tutelle, la société civile, par qui le changement s'opère en grande partie et qui est à l'origine de plusieurs avancées, est indignée. L'une des bases du fondement constitutionnel n'est-elle pas l'approche participative ? Surtout que, depuis plusieurs années, on s'attend à un projet de loi fondé sur le genre, imbibé des Conventions internationales ratifiées par le Maroc, en matière de violations de Droits de l'Homme, de justice sociale et d'élimination de toute forme de discrimination à l'encontre des femmes. Pour l'avocate Khadija Rougani, une première lecture laisse perplexe, quant à l'incohérence de l'approche adoptée dans ce texte de loi, censé être une loi cadre ou spécifique. C'est un document général, dont la cible n'est pas uniquement la femme, comme son nom l'indique, mais intègre étonnamment l'enfant en général, et non pas les enfants des femmes victimes de violence, et d'autres catégories tels que les tuteurs et les époux. En plus, il n'y a pas de note introductive, le cadre qui influe sur l'application de la loi. D'abord la loi n'a rien à voir avec les conventions internationales, avec les droits de l'homme, ni n'est pas fondée sur le genre. Pour ce qui est de la méthodologie, bien que comportant les quatre axes d'intervention, elle est sans fondement aucun. Sans omettre qu'elle compte beaucoup de lacunes en matière de pénalisation, de procédures, bien que des alinéas, parfois incompréhensibles, y soient ajoutés. Quant aux mécanismes de prise en charge, si l'on parle d'institutionnalisation des cellules de violence, les contraintes ne sont pas prises en charge. Par rapport à la lecture, l'introduction en elle-même est positive, souligne Samira Bikarden, membre de la coalition « Printemps de la Dignité ». Le problème, c'est qu'elle est en contradiction avec les dispositions de lois prévues. Autrement dit, il y a discordance entre la note introductive et les dispositions de lois, notamment dans le deuxième axe, particulièrement le deuxième et le troisième volets. Normalement, l'introduction devrait orienter, en prônant les Droits Humains, aborder des conventions internationales et respecter la hiérarchie des normes au niveau des dispositions. Parce que, lors de la publication du texte dans le Bulletin Officiel, ce n'est pas l'introduction qu'on y verra mais seulement les dispositions. D'où l'importance de mettre un préambule qui parle de la philosophie « présidant » ce projet de loi. En matière de définition, le texte n'adopte pas la définition internationale de la violence, ni ne fait de distinction entre violence physique et psychologique... La majorité des dispositions sont des généralités qui n'ont pas trait spécifiquement aux femmes. On y parle d'euthanasie, à savoir pourquoi ? Le texte incrimine le vol entre les époux, le harcèlement sexuel dans les espaces publics. A ce sujet, trois alinéas sont ajoutés aux textes déjà existants. L'article 503-1 qui parle du harcèlement sexuel, le liant au pouvoir administratif. Le texte parle de doubler les pénalités quand il s'agit d'un collègue de travail alors qu'il ne parle pas du collègue de travail dans l'article 503-1. On ne parle pas dans ce texte de loi de protection contre le harcèlement sexuel ni moral, ni du viol conjugal, ni du harcèlement moral ou violence psychologique. Même pour ce qui est de l'expulsion du domicile conjugal, on ne dit pas comment garantir la protection de la femme. On parle de prise en charge alors que toutes ces structures d'hébergement appartiennent à la société civile qui a été exclue de l'élaboration de ce projet de loi. Ce qu'attend la société civile et les citoyens, c'est l'élaboration d'une loi cadre cohérente spécifique aux femmes, un texte de loi sur la lutte contre la violence fondée sur le genre, selon une approche participative, en concertation avec la société civile, selon les quatre axes d'intervention comme partout dans le monde, conformément aux droits de l'Homme et aux conventions internationales, assurant les volets protection, prévention non mentionnée dans ce texte ( sensibilisation, médias, école), répression et prise en charge à travers les centres d'hébergement, qu'on devrait doter de moyens efficients. Soit, un projet de société où prédominent les droits, la justice sociale, l'équité et la démocratie. Jusqu'à nos jours, aucun des trois projets élaborés n'a abouti, lors de ces trois mandats gouvernementaux, faut-il attendre deux autres? Et apparemment, ni Wafae ni Bouchra, les défuntes victimes de la violence, qui ont défrayé la chronique cette année, n'ont pu susciter un certain intérêt et stimuler le gouvernement.