Des blogueurs chinois aux grands argentiers européens, le monde réagissait jeudi avec circonspection à la paralysie de l'Etat fédéral américain, plus inquiet d'un hypothétique défaut de paiement de la première puissance mondiale après le 17 octobre. Faute d'un accord sur le budget au Congrès, les administrations centrales des Etats-Unis sont partiellement fermées depuis mardi matin. Un des grands systèmes d'alerte des séismes, l'USGC, ne fonctionne plus, des scientifiques américains ont annulé leur participation à des conférences internationales et le président des Etats-Unis a reporté ses visites en Malaisie et aux Philippines. Le doute plane en outre sur la présence de Barack Obama à deux sommets en Asie. En Chine, un affrontement entre parti au pouvoir et opposition ne risque pas de se produire puisque le pays est doté d'une formation unique, le parti communiste. Pour l'agence officielle Chine Nouvelle, ce qui se déroule aux Etats-Unis «met en lumière la face affreuse de la politique partisane à Washington». «Bien que son impact immédiat semble limité, les dégâts se multiplieront si la situation se poursuit pendant des jours, voire des semaines, suscitant des inquiétudes sur les risques de contagion», ajoute-t-elle dans un commentaire. Les internautes chinois ironisaient sur cette première paralysie fédérale américaine depuis 17 ans. «Fermeture! Et qu'en est-il de l'argent que la Chine a mis là-bas?», demandait un utilisateur du micro-blog Sina Weibo, l'équivalent chinois de Twitter, en référence aux achats par Pékin de bons du Trésor américains. Les marchés ont jusqu'à présent gardé leur calme mais les investisseurs s'interrogent sur l'impact de ce blocage sur la demande et la croissance, alors que la Réserve fédérale américaine va sans doute retirer peu à peu ses mesures de soutien à l'économie. Défaut de paiement Frustrés de n'avoir obtenu jusqu'ici aucune concession sur le budget de la part des démocrates, de plus en plus d'élus républicains lient désormais le débat sur la fermeture des services fédéraux à celui du relèvement du plafond de la dette, nécessaire selon le Trésor d'ici le 17 octobre si l'Etat veut échapper au défaut de paiement. «Si les Etats-Unis font défaut sur leur dette, ça risque d'envoyer un signal aux marchés que (le pays) n'est plus un emprunteur crédible. Et au regard du volume de la dette qui se promène dans le système américain, ça pourrait être catastrophique», estime David Smith, du centre des études sur les Etats-Unis à l'université de Sydney. Les signes de nervosité sont particulièrement notables chez les pays émergents, qui ont enregistré un départ de capitaux cet été vers les Etats-Unis, dans l'attente d'un relèvement des taux américains. Pour le ministre philippin des Finances Cesar Purisima, le blocage américain «est malheureux pour le reste du monde, car même des pays comme les Philippines sont emportés dans un tourbillon à cause du jeu de vilains à Washington». «Un défaut américain, inimaginable pendant longtemps et désormais crédible en raison des circonstances politiques actuelles, ne peut mener qu'à un chaos sans précédent sur les marchés financiers mondiaux», assure le ministre dans un communiqué. «Un pas de danse hélas familier à Washington», s'est lamenté le quotidien Indian Express. «Un conflit politique vain», a renchéri le quotidien des affaires japonais Nikkei. «Cette mauvaise gestion politique ne doit pas détruire les germes de la croissance que nous voyons aux Etats-Unis et ailleurs dans le monde». En Europe, où les économies peinent à se remettre sur pied après des années d'atonie, ministres et hauts responsables redoutent des répercussions sur la reprise. Cette paralysie représente, «si elle se prolongeait, un risque pour les Etats-Unis et pour le monde», a estimé mercredi le président de la Banque centrale européenne (BCE), Mario Draghi. Les passeports et visas continuent d'être accordés mais les services non-essentiels de l'administration sont fermés et des centaines de milliers de salariés des services de fédéraux sont en congés sans solde. Un scientifique américain n'a pas pu présenter ses travaux sur la maladie de Parkinson lors d'un congrès à Perth, dans l'ouest de l'Australie, où il s'était rendu moyennant 30 heures d'avion. «Si je donne une conférence ou même si je ne fais qu'assister aux présentations, je me rends coupable d'un crime fédéral», a expliqué à la télévision australienne Michael Lazarou.