Standard and Poor's, l'Agence de notation internationale qui dit à qui les marchés de capitaux peuvent prêter sans trop de risques et à quel taux, vient de donner un grand coup de bâton dans le marigot de la finance internationale en abaissant l'ordre de préséance des Etats-Unis, la puissance économique du moment. L'agence, qui estime que l'Etat fédéral américain dont la dette extérieure dépasse les 14.000 milliards de dollars vit au dessus de ces moyens, a fait passer sa note d'AAA à celle immédiatement inférieure d'AA+. Du jamais vu dans l'histoire récente. Quasiment un sacrilège. Ce dont l'agence a certainement eu le sentiment puisque, ont relevé les commentateurs, elle en a fait l'annonce quasiment en catimini, quelques instants seulement avant la fermeture des principales places financières. Mais si le monde du capital a été pris de court, le politique lui n'a pas tardé à s'émouvoir de cette anomalie et les contacts les plus divers et les plus véhéments ont été établis entre les leaders des pays d'Occident afin de décider de la marche à suivre. On parle déjà d'une réunion prochaine du G7, le groupe des sept pays les plus industrialisés qui - encore que ce ne soit pas officiel- est à l'économie ce qu'est le Conseil de sécurité à la politique internationale. Car, estiment certains de ces leaders, le risque d'un effet domino est réel et le danger est grand que l'épidémie atteigne d'autres Etats dont la rétrogradation serait moins bénigne que celles des Etats-Unis. Que l'Amérique change un A pour un + n'a en effet pas de signification désastreuse pour la plus puissante économie du monde, mais il n'est pas sûr que semblable recul sur l'échiquier de la solvabilité des nations ne soit catastrophique pour des pays comme l'Espagne ou le Portugal, voire l'Italie et la France. Il est à prévoir comme le laisse penser les réactions du lundi, que la contre-attaque sera d'autant plus rapide qu'il y a danger d'une récession mondiale d'autant plus grave que les principales économies inductrices n'ont pas recouvré leur pleine capacité de résilience. De la survenue de ce cataclysme, la Chine, nouvel astre ascendant à l'horizon de la suprématie mondiale, ne doute guère qui reproche vertement à l'Amérique de vivre au dessus de ses moyens et, ce faisant, d'exposer le système économique international au danger de la faillite déclarée. Des commentateurs ont vu malice dans cette bordée de boulets rouges. Pour eux, Pékin est parti en guerre contre Washington par principe de réciprocité qui veut qu'on rende la pareille à celui qui vous a accusé de mettre en péril les échanges internationaux en maintenant le Yuan au dessous de sa valeur réelle. Plus sûrement, c'est des sentiments d'un créancier soucieux de récupérer son argent que procède l'attitude de la Chine. Sur les 14.000 milliards de dollars de dette américaine, quelque 2000 sont chinois. Mais, disent des analystes, la Chine a tort de s'en faire pour ses fonds : Washington a encore du mou pour espérer trouver pacage. Comme il a la frappe du dollar, langage véhiculaire du commerce mondial, il n'a qu'à faire tourner la planche. Encore que là, ce n'est pas un vrai billet d'entrée en convalescence : de la monnaie sans contrepartie, c'est la dernière chose à faire quand on est en situation de croissance anémiée. Vient alors le cas des pays de moyens et de faibles développements économiques. Cette rétrogradation des Etats-Unis qui fait suite à un bras de fer entre législatif et exécutif de ce pays-, ce qui a failli conduire à la mise en défaut de paiement de la plus grande puissance au monde-, quelles conséquences pour des pays comme le Maroc ? Sans doute que le AA+ de l'Amérique n'aura que des conséquences limitées sur la marche de l'économie nationale. En dépit d'un traité de libre échange chaotique parce que la différence des niveaux économiques des deux pays est trop grande pour qu'elle permette des échanges un tant soit peu équilibrés, les relations commerciales et financières bilatérales sont trop modestes pour pâtir de quoi que ce soit. Ce qui n'est pas le cas quand c'est l'Espagne ou l'Italie qui sont dans la tourmente. Et surtout, quand c'est la France qui est touchée. Une France qui joint des ennuis financiers aux aléas d'une reprise en demi-teinte, c'est un avenir sombre pour nos MRE, pour nos exportations, pour les IDE….Au moment où la dette nationale- l'extérieure plus que l'intérieure- pose questions, ce n'est pas ce qui arrivera de mieux.