Dans notre article "Le retour de la cinquième colonne" de mardi 13 août, nous avons vu comment l'affaire du pédophile espagnol Daniel Calvin Fina a été l'occasion pour cette colonne de revenir au devant de la scène et de montrer, encore une fois, la pleine mesure de son talent. Nous avons vu comment ses commandos hétéroclites fonctionnent et qui sont les éléments qui les constituent. Nous avons vu comment, sans aucune appréciation objective de la situation, à part le désir profond de haine et de destruction, leurs éléments se réveillent à chaque opportunité pour entonner comme un seul homme le chant de la chute du régime et de la fin de la monarchie marocaine. Nous avons vu comment la même partition se joue dans le journal espagnol "El Pais" avec, au premier plan, l'inénarrable Ignacio Cembrero, dans le journal électronique marocain Lakome, officiellement de Ali Anouzla, dans la presse algérienne fédérée contre le Maroc et ses institutions par l'omnipotent Département du Renseignement et de la Sécurité algérien (DRS), et chez quelques brebis galeuses de chez nous embusquées dans des journaux marocains privés sans être indépendants. Le même mardi 13 août, nous avons été encore plus choyés. Un gros calibre a plongé tête devant dans la mêlée. Le quotidien El Pais (toujours lui !) a, en effet, ouvert ses pages au prince en rupture de banc, Moulay Hicham, pour disserter à nouveau sur le Maghzen et la "nécessité" révolutionnaire de tout remettre à plat. Le même jour, l'article en question, paru en espagnol sur les colonnes d'El Pais, est instantanément reproduit en langues arabe et française par Lakome (hé oui, encore et toujours !). Il ne reste plus que la presse algérienne, mais elle ne saura tarder. Dans cet article, le prince dit rouge n'hésite pas à opérer un grand écart, voyant dans l'erreur qui a permis au pédophile espagnol de bénéficier de la grâce, la preuve du "fonctionnement déficient des institutions du Maroc". La sentence, sans appel, suppose que les institutions marocaines sont défaillantes et ne servent à rien. Ce n'est pas tout. Les grands partis nationaux ? "Ils brillent par leur mutisme". Le Parlement marocain ? "Il agit comme d'habitude, c'est à dire comme s'il était absent". Le gouvernement ? "Il reste paralysé". La réforme constitutionnelle ? "Réaménagement de façade"... Dans la foulée des jugements de valeur et des accusations à l'emporte-pièce, le Palais et les partis politiques marocains seraient promis à la disparition, suivant une logique évolutionniste darwinienne, puisque "cet ensemble" paraîtrait "désormais incapable de répondre aux aspirations fortes des nouvelles générations". Il est fort à parier que le Prince rouge, qui ne vit plus au Maroc depuis des années, ne connaît pas les organisations de jeunes des formations politiques les plus importantes du Royaume -celles-là mêmes qui avaient, en symbiose avec le Palais, mené bataille pour le retour triomphal d'exile de feu SM Mohammed V et de sa famille, dont le prince Moulay Abdallah-, ni le niveau élevé de conscience politique et le dynamisme réformiste de leurs membres, résultat d'une analyse profonde des réalités sociopolitiques du Maroc et d'une ambition pragmatique d'évolution démocratique pacifique. C'est effectivement moins «romantique» que l'appel à la révolution des 20 févrieristes, mais c'est indéniablement plus productif sur le plan politique et beaucoup moins risqué sur le plan sécuritaire. L'attaque frontale du Prince rouge contre tout le monde ne manque pas, en plus de charger la monarchie, de faire assimiler l'indignation populaire conséquente à la malheureuse affaire du pédophile espagnol, à "une dynamique nouvelle appelée à s'amplifier en symbiose avec les bouleversements que traversent le Maghreb et le Proche Orient" ! Nous y voilà donc ! C'est la fameuse "révolution du cumin" à laquelle le prince n'a de cesse de rêver ! Manifestement, nous sommes face à un état psychologique connu, celui qui consiste à prendre son désir pour une réalité. Dorénavant, toute protestation, de quelque ordre que ce soit, servira d'ingrédient à cette "alchimie". Le prince voit d'ailleurs à l'œuvre "l'énergie et le legs du 20 Février". Il constate même "l'émergence d'une nouvelle scène politique" et le justifie en se laissant aller à des propos carrément irrationnels comme l'évocation d'un "glissement" de la sacralité du monarque -abrogée par la nouvelle Constitution- vers la "divinité" de sa personne. Et il en veut pour argument "le mutisme et la prudence extrême des protagonistes" dans l'affaire de la grâce. Vous êtes convaincus ? Mais le meilleur est dans la chute de l'article visiblement écrit pêle-mêle et évocateur de l'état d'esprit de son auteur qui veut absolument laisser dégager une image de révolutionnaire: "Il est à prévoir que les mouvements de colère du peuple marocain seront plus forts et décisifs à l'encontre de ce système de faveurs qui porte atteinte à son intégrité, et fait bon marché de son honneur (...). Elles l'humilient et le souillent". La manière et le ton évoquent plutôt l'image d'une bête blessée qui tente de donner des coups de dents sans y parvenir. Une personne désespérée par l'indifférence et par le fait que malgré les sorties à répétition, avec ou sans raison, personne au Maroc ne prête réellement attention ni à ses paroles, ni à ses écrits et encore moins à ses thèses et théories. Et pour cause. Ce n'est pas maintenant que tout le monde a compris que le fameux Printemps arabe est en fait un hiver glacial, que ça va changer. Les Marocains ont opté pour les réformes politiques démocratiques pacifiques et ça marche. Le monde entier a même salué leur manière intelligente de démocratiser le champ politique du Royaume sans effusion de sang. Ceux qui ont misé sur le mauvais cheval peuvent à présent soit reconnaître leurs erreurs, en bons perdants, soit persister dans leur aveuglement. Il vaudrait alors mieux qu'ils se fassent oublier.