Lahcen Lashab, la soixantaine, fils de mineur de Jerada, depuis des années rassemble des documents d'archives iconographiques et autres et recueille des données sur les anciens mineurs de Jerada, à partir notamment de témoignages oraux d'anciens mineurs et leurs familles dans la perspective d'un ouvrage en hommage aux mineurs et d'un musée. Pour compléter ce travail de mémoire, il a contacté l'Office National des hydrocarbures et des Mines (ONHYM) pour avoir des données précises et officielles sur l'histoire des mineurs de Jerada «sans résultat jusqu'à présent» dit-il. «Je cherche surtout l'historique des catastrophes et des maladies professionnelles, en particulier la silicose qui a fait des ravages dans les rangs des ouvriers, pour avoir une idée précise basée sur des données d'archives officielles. A ma connaissance et jusqu'à présent, ce genre de travail n'a jamais été effectué, c'est-à-dire un travail dédié à la vie des mineurs au Maroc. Seulement jusqu'à présent, je n'ai pas encore eu de réponse de la part de l'ONHYM malgré de multiples prises de contact directes, par téléphone ou encore par envoi de demandes par fax. Je veux simplement qu'on me réponde par oui ou par nom à ma demande». En principe, le droit d'accès à l'information est garanti aujourd'hui pour tout citoyen. Or Lahcen dit avoir adressé une centaine de fax à l'ONHYM demandant de bénéficier de ce droit, en vain. Sans parler des communications téléphoniques et déplacements sur place. En attendant, Lahcen recueille des témoignages oraux et suit l'actualité autour de la mine de charbon dont l'activité artisanale se poursuit avec des jeunes mineurs qui vont à la mine en creusant des puits et en revendant le charbon à des grossistes qui dominent ce marché, un labeur dangereux contre cinquante à soixante dirhams la journée sans compter les conséquences pour la santé. Plusieurs reportages télévisés ont fait état de cette activité. En raison de l'inactivité et de l'absence de préparation pour la reconversion de la cité ouvrière, depuis le début de la crise dans les années 1970, le village a été abandonné après la fermeture définitive de la mine. Ceux qui étaient restés sur place ont dû s'inventer un travail dans la mine de manière artisanale à leurs risques et périls, raconte Lahcen. Il n'a pas manqué de mentionner le cas tragique de deux jeunes morts au mois de mai 2013 suite à l'effondrement de parois au fond d'une fosse au cours d'abattage de charbon. Par ailleurs Lahcen déplore que des traces de la mine disparaissent. «C'est vraiment dommage que le village des mineurs ait été rasé alors que tout ce qui concerne la mine devait être sauvegardé et pourrait être utilisé pour figurer parmi les potentialités d'attrait touristiques pour la région qui a une histoire très riche par ses hommes et ses femmes venus de diverses régions depuis les années 1930 et qui ont contribué grandement dans l'économie du pays. Raser le village c'est s'en prendre à l'identité de la région, effacer son histoire...». Les mines de Jerada employaient plus de 7 mille mineurs et ont fermé depuis 2001 du fait que l'entreprise était devenue déficitaire, selon la version officielle. Le père de Lahcen était boiseur, fonction qui consistait en des travaux de soutènement des galeries des mines. Il s'était installé à Jerada quand Lahcen avait l'âge de 2 ans dans les années quarante. Ce dernier, pour aider la famille, a dû suspendre ses études pour commencer à travailler dès 1962. De 1976 jusqu'à sa retraite, il a tenu la fonction de comptable de la mine de Touissite région d'Oujda, au siège de l'entreprise à Casablanca.