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Entretien avec l'ambassadeur d'Espagne à Rabat, M. Alberto José Navarro : « La visite du Roi Juan Carlos au Maroc est hautement symbolique »
Création entre le Maroc et l'Espagne d'un espace de prospérité partagé
Publié dans L'opinion le 01 - 08 - 2013

Les relations maroco-espagnoles ont toujours été si sensibles aux aléas conjoncturels que c'est l'absence de crise entre les deux pays depuis plus d'un an qui suscité l'attention des médias et la récente visite au Maroc du Roi Juan Carlos 1er a été couronnée d'un franc succès. Serait-ce enfin le début de relations plus paisibles dans la durée ? En tout cas, les bénéfices escomptés d'un renforcement de la coopération entre les deux royaumes voisins sont largement partagés, les deux parties se voyant de plus en plus liées par un destin commun, comme le souligne son excellence l'ambassadeur du Royaume d'Espagne à Rabat, M. Alberto José Navarro, dont la mission au Maroc, entamée en 2010, est sur le point de s'achever.
L'Opinion : La récente visite au Maroc de SM Juan Carlos 1er, qui a redonné de la vigueur aux relations maroco-espagnoles, a été placée par certains observateurs sous le signe du pragmatisme, la crise économique dictant ses conditions. Pensez-vous que les relations entre les deux pays ont atteint la maturité suffisante pour éviter dans l'avenir les hauts et les bas par lesquels elles sont passées cycliquement ces dernières années ?
M. Alberto José Navarro : La visite du Roi Juan Carlos est une visite hautement symbolique. Le Roi d'Espagne connaît bien le Maroc, pays qu'il a souvent visité et ce depuis qu'il était très jeune. Il s'est rendu pour la première fois au Maroc à l'âge de neuf ans. Son père venait souvent au Maroc, du temps de SM Mohammed V. Le Roi Juan Carlos a, par la suite, fait maintes visites au Maroc. Il a même été opéré, en 1954, de l'appendicite à l'hôpital espagnol de Tanger qui existait à l'époque. Sa dernière visite au Maroc a eu lieu en 2011, à Marrakech, quatre jours après l'attentat du café Argana. Il a été le premier chef d'Etat étranger à se rendre à Marrakech quelques jours après ce triste évènement. Le Roi Juan Carlos a alors passé cinq jours à Marrakech, en signe d'amitié avec le Maroc.
La dernière visite du Roi Juan Carlos est une visite officielle, une visite de travail. C'est beaucoup plus qu'une question de pragmatisme. Les visites de chef d'Etat ne donnent pas souvent lieu à des signatures d'accords. Pour ça, il y a les réunions de haut niveau entre les deux gouvernements, la dernière du genre ayant été tenue le 5 octobre dernier à Rabat, entre MM. Rajoy et Benkirane, au cours de laquelle ont été signés nombre d'accords concernant la facilitation de visas pour les passeports de service, la coopération culturelle, etc. La prochaine réunion de haut niveau entre les deux gouvernements, espagnols et marocains, aura lieu en octobre prochain en Espagne. Les réunions de haut niveau se font, en effet, entre le Maroc et l'Espagne tous les ans, alors qu'avec la France, c'est seulement tous les deux ans.
Il y a eu également, l'année dernière, l'organisation d'un forum parlementaire. Pour la première fois de l'histoire des deux pays, les présidents des deux chambres des parlements des deux Royaumes, accompagnés de députés et de sénateurs, se sont réunis le 3 septembre dernier à Rabat. Le Maroc n'a organisé une pareille rencontre avec aucun autre pays au monde, ni la France, ni le Royaume Uni, ni l'Italie. Le deuxième forum parlementaire hispano-marocain aura lieu du 22 au 25 septembre à Madrid.
La visite du Roi Juan Carlos au Maroc est hautement symbolique. C'est la première fois qu'un chef d'Etat est invité officiellement à visiter le Maroc pendant le mois de Ramadan, ça n'était jamais arrivé jusqu'à présent sous la royauté de Mohammed VI. Cela a donc commencé avec la visite du Roi Juan Carlos, qui a été suivie par celle du président du Sénégal.
Autre geste hautement symbolique, la signature de l'accord entre les patronats marocain et espagnol s'est déroulée dans la salle du trône, au Palais royal, en présence des deux souverains, ce qui est également une première.
Troisième geste que nous avons beaucoup apprécié, le Roi Juan Carlos a été le premier chef d'Etat étranger qui reçoit les clés d'une ville marocaine. Au Maroc, il n'existait pas cette tradition de donner les clés d'une ville à un chef d'Etat étranger, il n'y a jamais eu au Maroc une cérémonie comme celle-là. Le Roi Juan Carlos a eu le privilège d'être le premier chef d'Etat étranger à recevoir les clés de la ville de Rabat, en présence de M. Oualalou et de tous les élus de la capitale du Maroc ».
Une évolution notable au cours
des deux dernières années
C'est pour vous dire que c'est une visite qui a eu une dimension très symbolique et représente une chose très évidente à mon avis, c'est que le seul royaume voisin du royaume du Maroc, c'est le royaume d'Espagne, et le seul royaume voisin du royaume d'Espagne, c'est le royaume du Maroc. Ce sont là des détails de grande importance auxquels les gens ne font pas souvent attention. Par ailleurs, ce sont deux royaumes qui ont des siècles d'histoire partagée et comme pour tous les pays voisins, il y a toujours des hauts et des bas. Vous en avez avec l'Algérie et la Mauritanie, nous en avons eu avec la France et l'invasion des troupes de Napoléon, mais en ce moment, l'Espagne et le Maroc entretiennent d'excellentes relations.
Tout a commencé, à mon avis, avec la visite du Roi Juan Carlos à Marrakech, en mai 2011. A partir de ce moment-là, j'ai vu une transformation complète de ces relations. Je suis en poste au Maroc depuis octobre 2010. Quand je suis arrivé, c'était le moment des évènements de Gdeim Izik, des manifestations à Casablanca. Si vous comparez ce temps-là avec le moment actuel, vous allez vous rendre compte combien les choses ont changé en deux ans et demi. Une transformation profonde. Il faut donc continuer sur cette voie.
L'Opinion : L'Espagne est devenu le premier fournisseur du Maroc et compte bien le rester. Existe-t-il une stratégie espagnole à terme pour maintenir et renforcer son partenariat économique avec le Maroc ? Quels sont les marchés et les secteurs d'activités spécifiquement visés ?
M. Alberto José Navarro : Les deux pays travaillent dans le même but, tel qu'il a été exprimé dans le discours du trône de SM Mohammed VI, le 30 juillet de l'année dernière, où il a parlé d'espace de prospérité partagé entre les deux royaumes. C'était un moment fort. Ce n'est pas habituel que le Roi du Maroc parle dans son discours de l'Espagne, du voisinage et de la création d'un espace de prospérité partagé. Ce sont ces mêmes mots, « Maroc-Espagne ; un espace de prospérité partagée », que nous avons utilisé lors de la rencontre entrepreneuriale qui a eu lieu, mardi 16 juillet, à l'hôtel Sofitel de Rabat, en présence du Roi Juan Carlos.
L'Espagne n'est pas seulement le premier fournisseur du Maroc, c'est également son premier client, selon les statistiques d'Eurostat, dont le siège est au Luxembourg, qui donnent l'Espagne comme premier partenaire commercial du Maroc. Il y a une croissance importante des échanges entre les deux royaumes en cette année 2013, les exportations marocaines vers l'Espagne sont en train de beaucoup s'accroître, plus que les exportations espagnoles vers le Maroc. Il faut dire que c'est en tout cas gagnant-gagnant. Le chiffre des échanges commerciaux va dépasser cette année le milliard d'euros, c'est un chiffre énorme, qu'il faudrait méditer en ce qu'il signifie comme création de richesses et d'emplois.
Qu'est-ce que l'Espagne vend au Maroc ? Nous vendons au Maroc d'abord de l'énergie. Plus de 18% de l'électricité consommée au Maroc vient de l'Espagne, à travers les deux interconnexions existantes et nous sommes prêts à en faire une troisième. Nous avons un problème d'interconnexion avec la France, ce qui affecte non seulement l'Espagne et le Portugal mais également le Maroc, si nos pays veulent développer leurs échanges en ce domaine avec le reste de l'Europe.
Nous exportons également vers le Maroc des machines et tout ce qui est lié au secteur automobile. Les moteurs destinés aux chaînes de montage de voitures de l'usine Renault de Tanger-Med, par exemple, viennent d'une usine espagnole de Valladolid, les boîtes de vitesse d'une usine espagnole de Séville, qui fournit beaucoup de constructeurs automobile, outre Renault. Il y aura sûrement d'autres compagnies qui vont venir au Maroc. Ce fut pareil pour nous en Espagne. Au début c'est Général Motors qui a été la première à installer une usine en Espagne, puis elle a été suivie par Ford, puis Renault, Citroën... Actuellement, l'Espagne est le deuxième producteur européen de voitures, le quatrième ou cinquième au monde. Donc, au Maroc, après Renault, viendront sans doute d'autres constructeurs automobiles, et c'est un secteur qui a de l'importance pour nou.
L'Espagne est le premier partenaire
commercial du Maroc
Les exportations du Maroc vers l'Espagne, ce sont surtout les produits de l'agriculture et de la pêche, mais également les produits textiles. Il y a beaucoup de sous-traitants marocains qui travaillent pour de grandes marques espagnoles, c'est un commerce qui augmente à des taux très importants. Cette année, par exemple, les ventes du Maroc vers l'Espagne ont progressé de 20%.
Parmi les secteurs où les Espagnols ont des avantages comparatifs, il faudrait citer d'abord celui des énergies renouvelables, où les entreprises espagnoles sont championnes. C'est la raison pour laquelle nous allons construire la centrale de production d'électricité à partir de l'énergie solaire de Ouarzazate. C'est une entreprise espagnole leader dans ce domaine qui a obtenu ce marché.
Puis il y a le secteur de l'eau et tout ce qui concerne la gestion de l'eau. Une entreprise espagnole est en train de construire une station d'épuration d'eau à Rabat et l'adduction jusqu'à Casablanca, une station d'épuration d'eau à El Jadida, une autre entreprise espagnole est en train de construire une station de dessalinisation de l'eau de mer à Agadir, elle va construire la plus grande station de dessalinisation du Maroc, en PPP (partenariat public privé). C'est-à-dire que l'entreprise espagnole vient avec le financement construire la station puis après, pendant vint ou quarante ans, elle se rembourse pour les investissements consentis en vendant l'eau devenu potable et utilisable pour l'agriculture. Dans ce domaine, les entreprises espagnoles ont une grande expérience. L'Espagne a démarré à ce sujet aux Iles Canaries, qui sont maintenant considérés comme les pionniers en matière de déssalinisation.
Dans les Iles Canaries, il y a seulement deux millions d'habitants, mais il vient chaque année 13 millions de touristes. Pour se faire une idée sur l'importance de ce chiffre, le Maroc, à titre de comparaison, reçoit chaque année quelques quatre millions de touristes. On parle bien de huit millions de visiteurs étrangers au Maroc, mais la moitié est constituée de marocains résidants à l'étranger. Donc, on ne peut parler que de quatre millions de touristes par an, à comparer avec les treize millions de touristes que reçoivent les Iles Canaries chaque année. Les Iles Canaries ont été dotés d'usines de désalinisation de l'eau de mer parce qu'il faut beaucoup d'eau à ces quinze millions de personnes qui se trouvent sur les îles, les 13 millions de touristes et les 2 millions d'autochtones. Des efforts ont été également consentis en matière de gestion des eaux usées. C'est pour ça que les Iles Canaries sont à la pointe au niveau mondial en matière d'écologie.
Il y a une île de cet archipel qui sera la première en Afrique et en Europe à être 100% environnementalement soutenable. Même les voitures qui vont y circuler seront électriques. Une île « 100% sans émission de CO2 », objectif qui devrait être atteint l'année prochaine.
Parmi les autres secteurs où l'Espagne est très concurrentielle, c'est celui de la logistique. Il y a aussi ceux de l'agriculture et de la pêche, où l'Espagne a eu traditionnellement une forte croissance, ainsi que le tourisme, où les entreprises espagnoles ne ont pas très présentes au Maroc. Ici à Rabat, par exemple, il n'y a pas un seul hôtel espagnol. La plus grande entreprise espagnole du secteur, qui est pourtant très présente sur les cinq continents n'a pas un seul hôtel au Maroc.
Il y a très peu de liaisons entre les îles Canaries et le Maroc. Il y a les liaisons aériennes, celles de Las Palmas-Casablanca et Las Palmas-Agadir, inaugurées l'année dernière, il va y avoir une nouvelle liaison de la RAM entre Casablanca et Tenerife, mais il n'y a pas de liaison maritime entre les Iles Canaries et le Sahara, malgré la proximité géographique.
Nous attendons avec impatience que le port de Tarfaya puisse être dragué, parce qu'il y a les sables accumulés qui empêchent les ferrys d'enter au port. C'est un projet très important, on en parle avec le département marocain chargé du projet. C'est un projet qui va coûter trois millions d'euros, on nous a dit que ce serait prêt pour cette année, maintenant, on parle de juin de l'année prochaine. Toujours est-il que ce projet a une grande importance pour le Maroc, parce que les ferrys permettent de transporter personnes et voitures, donc de permettre aux touristes en visite aux îles Canaries de pouvoir se rendre également plus facilement au Maroc, mais ça permet aussi d'exporter plus, par exemple des produits agricoles pour les Iles Canaries.
Coopération tripartite
L'Opinion : Le Maroc a développé des relations économiques particulières avec un certain nombre de pays d'Afrique subsaharienne. L'Espagne n'est-elle pas intéressée par des formules de coopération tripartite comme c'est le cas pour la France ?
M. Alberto José Navarro : Avec l'Espagne aussi. Nous faisons pareil. Nos deux pays ont beaucoup d'intérêts conjoints, nous parlons souvent et beaucoup de tous les sujets qui intéressent nos deux royaumes. Il faut bien comprendre que l'Espagne représente pour le Maroc la porte d'entrée pour l'Europe et pour l'Amérique latine, qui est un marché formidable. Il y a 500 millions de personnes dans le monde qui parlent l'espagnol.
Pour l'Espagne, le Maroc est la porte naturelle d'entrée pour le monde arabe, qui est un marché très important également, mais aussi une porte d'entrée pour l'Afrique. Actuellement le tiers de nos exportations vers l'Afrique sont absorbés par la Maroc.
Mais nous avons cet intérêt avec le Maroc d'avoir des opérations triangulaires, comme le fait la France, et d'utiliser les compagnies espagnoles qui sont ici pour pénétrer d'autres marchés en Afrique. Je vous donne un exemple, nous avons déjà un projet de coopération avec l'Office national d'électricité et d'eau potable et la Mauritanie, dans le domaine de l'eau. C'est un projet financé par la coopération espagnole qui date déjà de quatre ou cinq ans et qui est très apprécié par les Mauritaniens et les Marocains.
Dans le domaine de la logistique, il existe une grande compagnie de véhicules de transport, « San José Lopez », qui compte maintenant parmi ses actionnaires un conglomérat marocain qui détient 49% de son capital. Elle devient une compagnie marocaine, avec le but d'étendre ses activités logistiques dans le reste de l'Afrique. C'est la raison pour laquelle cette entreprise a décidé de s'implanter au Maroc et de devenir une compagnie hispano-marocaine, 51% espagnole, 49% marocaine.
Dans le domaine des télécommunications, c'est pareil, une compagnie espagnole qui est très forte dans le domaine de l'installation du wifi dans les villes, a installé des systèmes de wifi gratuits à Madrid, New York, Miami, etc. Cette compagnie a créé également « Wifi Africa », installée ici, au Maroc, sauf qu'elle ne vise pas seulement le Maroc mais également toute l'Afrique.
Ce n'est pas seulement la France qui est intéressée par la coopération tripartite. Nous valorisons le Maroc comme pont pour l'Afrique et le monde arabe, de même que nous espérons que le Maroc valorisera l'Espagne comme pont pour l'Europe et l'Amérique latine.
L'Opinion : Avec un taux de chômage de plus de 26%, un taux de croissance économique d'à peine 0,5% au premier trimestre de l'année en cours, la dette extérieure qui représente quelques 90% du PIB, selon les prévisions du gouvernement espagnol, la hausse des protestations sociales, pensez-vous que la politique d'austérité appliquée actuellement par le gouvernement espagnol à une chance d'enrayer la crise ?
M. Alberto José Navarro : Nous avons beaucoup souffert de la crise, qui vient des Etats-Unis, comme d'autres pays en Europe. Le gouvernement actuel a mené une politique d'ajustement très rigoureuse, qui a eu pour conséquence une forte croissance du chômage. Mais malgré cela, vous ne verrez pas retourner les migrants marocains, la communauté marocaine d'Espagne ne va pas revenir au Maroc. Malgré la crise, malgré le chômage, les statistiques ont montré que peu de marocains résidants en Espagne sont retournés au Maroc, au contraire, les chiffres continuent à augmenter, avec les marocains qui régularisent leur situation.
Je pense qu'en ce moment nous sommes au pire de la crise. Les statistiques le montrent, le recul de la croissance du PIB espagnol au premier trimestre a été de 0,1%. Je pense que vers la fin de l'année, notre économie va recommencer à croître. J'espère que nous allons rebondir fortement, parce qu'à la différence d'autres pays européens, nous avons mené une politique d'ajustement très rigoureuse.
Une cure d'austérité pour se renforcer
Je ne suis pas, personnellement, pour les politiques d'austérité, et je pense que le gouvernement espagnol non plus. Il est entrain de tenter de convaincre, en compagnie de la France et de l'Italie, l'Allemagne, qui prône la politique d'austérité, d'adoucir cette politique, parce que nous pensons qu'en ce moment, ce qu'il faut, c'est stimuler la demande et relancer ainsi l'économie.
Il y a plusieurs secteurs où l'économie se porte très bien en Espagne, en premier lieu le tourisme. Malgré la crise, l'année dernière était une année record, avec 58 millions de touristes. Cette année, à cause de ce qui se passe en Afrique du nord et ce qui s'est passé en Turquie, ça va être une autre année record, il est même prévu que l'Espagne dépasse les soixante millions de touristes. Il faut dire que ce secteur se porte d'une manière formidable, nous sommes en train de battre nos records, aussi bien en terme de nombre de touristes que de recettes.
L'autre secteur qui se porte très bien, comme on le voit avec le Maroc, c'est le commerce extérieur espagnol. L'année dernière, la croissance de ce secteur a été presque de 30%. Cette année, si ça continue aussi bien, l'Espagne pourra enregistrer à nouveau une hausse de quelques 15% de son commerce extérieur.
Le tourisme et le commerce extérieur se portent bien et nous espérons que l'Espagne, comme le reste des pays d'Europe, sortira renforcée de cette crise.
Mon expérience personnelle est que chaque crise vous renforce.
L'Espagne, comme vous l'avez remarqué, à également eu sa bulle dans le secteur de immobilier, on a peut être vécu au-delà de nos moyens aussi, mais maintenant, en sortant de la crise, on va s'en sortir avec une économie plus performante.
Nous avons fait des choses en Europe, comme l'union bancaire et la mutualisation de la dette, que nous n'aurions jamais faite sinon. Le niveau d'endettement de l'Espagne est en dessus de la moyenne européenne, quelques 88% du PIB. Notre situation n'est pas comparable à celle de la France, qui est à près de 100%, l'Italie a plus de 100%, la Belgique a 120%, etc.
Je suis convaincu que l'Europe va en sortir renforcée
L'Opinion : Nous assistons ces dernières années au phénomène nouveau de la migration d'espagnols vers le Maroc pour des raisons économiques. Pensez-vous que cette situation pourrait aider à renforcer la communication entre les deux peuples et améliorer l'image qu'ils se font l'un de l'autre ?
M. Alberto José Navarro : Je vois beaucoup ces derniers temps dans la presse marocaine des articles sur l'arrivée d'espagnols au Maroc. Il faut toutefois préciser qu'il s'agit de chiffres peu importants. Les espagnols qui viennent au Maroc s'inscrivent dans les consulats, nous avons six consulats généraux dans le royaume, nous avons donc les chiffres exacts de la communauté espagnole au Maroc. Le nombre d'espagnols enregistrés dans les consulats espagnols n'atteint pas les dix mille ressortissants. La moitié d'entre eux est au Maroc dans le cadre de missions pour des entreprises espagnoles, ils ont leur contrat de sécurité sociale en Espagne.
Quelques fois, ces cadres délocalisés sont du lundi au vendredi au Maroc, comme les responsables de Santander à Casablanca, Tanger ou Agadir, qui travaillent avec Attijari Wafabank, la banque Santander étant dans le capital de cette banque marocaine.
Il doit y avoir entre deux et trois mille espagnols qui travaillent pour des compagnies marocaines, avec la sécurité sociale marocaine, puisque nous avons un accord à ce sujet avec le Maroc. Par ailleurs, il y a 880.000 ressortissants marocains installés en Espagne.
Il y a un chiffre que la presse marocaine ne cite jamais, c'est le nombre d'enfants marocains qui vont dans les écoles en Espagne. Il s'agit de 155.000 garçons et filles qui font leur scolarité gratuitement en Espagne. Vous pouvez imaginer ce que ça coûte à l'Etat espagnol l'éducation de ces enfants, des centaines de millions d'euros. Ces 155.000 enfants, ils vont avoir la nationalité espagnole quand ils vont grandir. Chaque année, il y a quelque 15.000 à 20.000 marocains qui prennent la nationalité espagnole.
Et nous avons, d'autre part, quelque 5.000 enfants marocains scolarisés dans les établissements espagnols au Maroc et 60.000 autres enfants qui apprennent l'espagnol dans les écoles publiques marocaines. Nous aimerons bien, d'ailleurs, avoir plus de professeurs marocains qui enseignent l'espagnol.
Effectivement, tous ces contacts et échanges entre les deux peuples participent à donner une meilleure connaissance les uns des autres.


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