Apparemment, M. Benkirane doit changer son logiciel politique qui n'est plus efficace, et encore moins séduisant. Sa lecture très partielle, partisane, et teintée de métaphysique d'une réalité bien plus complexe, l'empêche de prendre la mesure du mécontentement réel suscité à la fois par son mode de fonctionnement et de management en tant que chef de l'exécutif et par une situation économique et sociale de plus en plus dégradée, marquée par une méfiance des investisseurs et des opérateurs économiques face à la montée d'un discours moralisateur, accusateur, manquant de clarté et de vision stratégique, et un inquiétant attentisme dans la conduite d'une politique sociale qui réponde aux aspirations de la population. Ses velléités hégémoniques conjuguées à ses difficultés à fédérer des synergies sur des projets bien identifiés avec un impact réel sur le vécu du citoyen, le pousse à user d'une rhétorique idéologique dangereuse explicitée par un vocabulaire inédit dans le champ politique marocain visant à jeter l'anathème sur ses adversaires politiques tout en donnant l'impression d'incarner la conscience nationale. Benkirane a pu séduire et amuser un moment par ce populisme nourri de sorties tumultueuses dans les médias, son sens de la mise en scène et un champ lexical bourré d'emprunt à la zoologie (Crocodiles) et la métaphysico-superstition (Démons, Afarites) et un populisme de mauvais aloi (Mafidikch, Makadarche ...) Avec le temps, la banalisation de ce discours, la fin de l'état de grâce accordée à un nouveau acteur promu chef de l'exécutif, les citoyens ont fini par se rendre à l'évidence, par se lasser de voir que les paroles de M. Benkirane sont rarement suivies d'effets, souvent démenties et que ses actes se résument à une posture démagogique usant de la victimisation pour souder davantage ses rangs, les galvaniser et forcer à la solidarité. Ils voient partout des forces obscures qui l'empêcheraient de mener à bien sa mission. Des forces non identifiées par le chef de l'exécutif par manque de courage et d'audace politique, par une incapacité d'analyse de la situation ou bien, tout simplement parce que ces forces incultes n'existent que dans son esprit pour justifier et se dédouaner de son incompétence et son incapacité à résoudre les vrais problèmes d'un Maroc, certes impacté par la crise mondiale mais bénéficiant d'atouts multiples pour y faire face et relever les défis du développement. Les principales promesses électorales de Benkirane n'ont pas été tenues. On est loin, très loin du taux de croissance moyen annuel du PIB de 7%, du Smig à 3 000 dh et de la réduction de deux points du taux de chômage. Même l'orchestration médiatique de certains effets d'annonce comme le fait de rendre publique la liste les bénéficiaires des agréments de transport et licences d'exploitation de carrières de sables n'a pu masquer cet échec cuisant, surtout que ces pseudo-révélations n'ont pas été suivies de décisions concrètes pour amorcer une réforme de ces rentes économiques. Que vaut alors un recours appuyé aux formules religieuses et populistes, le leitmotiv de la moralisation quand on ne peut tenir ses promesses proclamées devant toute la nation ? Sur ce plan aussi, M. Benkirane, à défaut d'actes, essaie de noyer son échec, ses promesses non tenues par une montée sur le plan médiatique accusant tout le monde de comploter contre son action gouvernementale. L'accusation à outrance et la victimisation remplacent la vision. L'échec est imputé aux autres. Le chef de file du PJD est presque infaillible, aucune remise en question, aucun aveu d'échec sur un dossier. Cette posture en dit long sur la culture politique du chef de l'exécutif. Mais le chef infaillible, moralisateur qui n'hésite pas à faire référence à des versets coraniques pour justifier, argumenter, n'a aucune gêne à user, en même temps, outrageusement d'un langage cru pour attaquer ses adversaires. Une rhétorique qui fait le bonheur des blogueurs sur la toile.